samedi, 31 décembre 2011
Guerre de Crimée, première guerre moderne
Dirk WOLFF-SIMON:
Guerre de Crimée, première guerre moderne
L’historien britannique Orlando Figes vient de dresser un bilan étonnant de la Guerre de Crimée
La seconde moitié du 19ème siècle a été essentiellement ébranlée par trois faisceaux de faits guerriers qui, selon les historiens militaires, ont marqué de manière déterminante l’évolution ultérieure des guerres: il s’agit de la Guerre de Crimée (1853-1856), de la Guerre civile américaine (1861-1865) et les guerres prussiennes/allemandes (Guerre contre le Danemark en 1864, Guerre inter-allemande de 1866 et Guerre franco-allemande de 1870/71).
Pour l’historien anglais Orlando Figes, la Guerre de Crimée, que l’on avait quasiment oubliée, n’est pas un de ces innombrables conflits qui ont marqué le 19ème siècle mais au contraire son conflit central, dont les conséquences se font sentir aujourd’hui encore. Elle a coûté la vie à près d’un million d’êtres humains, a modifié l’ordre politique du monde et a continué à déterminer les conflictualités du 20ème siècle. De nouvelles impulsions d’ordre technique ont animé le déroulement de ce conflit et par là même révolutionné les affrontements militaires futurs de manière fondamentale. Les conséquences techniques de ces innovations se sont révélées très nettement lors de la guerre civile américaine, survenue quelques années plus tard à peine. Déjà, cette Guerre dite de Sécession annonçait les grandes guerres entre peuples du siècle prochain.
Orlando Figes a récemment consacré un livre à ce chapitre négligé de l’histoire européenne, où la Russie a dû affronter une alliance entre la Turquie, la France et l’Angleterre (O. Figes, “Crimea”, Penguin, Harmondsworth, 2nd ed., 2011). Il nous rappelle fort opportunément que cette guerre a bel et bien constitué le seuil de nos temps présents et un conflit annonçant les grandes conflagrations du 20ème siècle. L’enjeu de ce conflit est bien sûr d’ordre géopolitique mais ses prémisses recèlent également des motivations religieuses de premier plan. Cette guerre a commencé en 1853 par de brèves escarmouches entre troupes turques et russes sur le Danube et en Mer Noire. Elle a pris de l’ampleur au printemps de 1854 quand des armées françaises et anglaises sont venues soutenir les Turcs. Dès ce moment, le conflit, d’abord régional et marginal, dégénère en une guerre entre grandes puissances européennes, qui aura de lourdes conséquences.
Généralement, quand on parle de la Guerre de Crimée, on ne soupçonne plus trop la dimension mondiale qu’elle a revêtu ni l’importance cruciale qu’elle a eu pour l’Europe, la Russie et pour toute cette partie du monde, où, aujourd’hui, nous retrouvons toutes les turbulences contemporaines, dues, pour une bonne part, à la dissolution de l’Empire ottoman: des Balkans à Jérusalem et de Constantinople au Caucase. A l’époque le Tsar russe se sentait appelé à défendre tous les chrétiens orthodoxes se rendant sur les sites de pélèrinage en Terre Sainte; pour lui, la Russie devait se poser comme responsable de leur sécurité, option qui va donner au conflit toute sa dimension religieuse.
Au-delà de la protection à accorder aux pèlerins, le Tsar estimait qu’il était de son devoir sacré de libérer tous les Slaves des Balkans du joug ottoman/musulman. En toute bonne logique britannique, Orlando Figes pose, pour cette raison, le Tsar Nicolas I comme “le principal responsable du déclenchement de cette guerre”. Il aurait été “poussé par une fierté et une arrogance exagérées” et aurait conduit son peuple dans une guerre désastreuse, car il n’avait pas analysé correctement la situation. “En première instance, Nicolas I pensait mener une guerre de religion, une croisade découlant de la mission russe de défendre les chrétiens de l’Empire ottoman”. Finalement, ce ne sont pas tant des Russes qui ont affronté des Anglais, des Français et des Turcs mais des Chrétiens orthodoxes qui ont affronté des catholiques français, des protestants anglais et des musulmans turcs.
Orlando Figes a réussi, dans son livre, à exhumer les souvenirs confus de cette guerre en retrouvant des témoignages de l’époque. Certains épisodes de cette guerre, bien connus, comme le désastre de la “charge de la brigade légère” ou le dévouement de l’infirmière anglaise Florence Nightingale ou encore les souvenirs du jeune Léon Tolstoï, présent au siège de Sébastopol, sont restitués dans leur contexte et arrachés aux brumes de la nostalgie et de l’héoïsme fabriqué. Son récit sent le vécu et restitue les événements d’alors dans le cadre de notre réalité contemporaine.
Sous bon nombre d’aspects, la Guerre de Crimée a été une guerre conventionnelle de son époque, avec utilisation de canons, de mousquets, avec ses batailles rangées suivant des critères fort stricts de disposition des troupes. Mais, par ailleurs, cette Guerre de Crimée peut être considérée comme la première guerre totale, menée selon des critères industriels. Il faut aussi rappeller qu’on y a utilisé pour la première fois des navires de guerre mus par la vapeur et que c’est le premier conflit qui a connu la mobilisation logistique du chemin de fer. D’autres moyens modernes ont été utilisés, qui, plus tard, marqueront les conflits du 20ème siècle: le télégraphe, les infirmières militaires et les correspondants de guerre qui fourniront textes et images.
Les batailles fort sanglantes de la Guerre de Crimée ont eu pour corollaire une véritable mutation des mentalités dans le traitement des blessés. La décision de la première convention de Genève de 1864, prévoyant de soigner les blessés sur le champ de bataille, de les protéger et de les aider, est une conséquence directe des expériences vécues lors de la Guerre de Crimée. La procédure du triage des blessés, où les médecins présents sur place répartissent ceux-ci en différentes catégories, d’après la gravité de leur cas et la priorité des soins à apporter, selon la situation, a été mise au point à la suite des expériences faites lors de la Guerre de Crimée par le médecin russe Nikolaï Ivanovitch Pirogov. L’infirmière britannique Florence Nightingale oeuvra pour que le traitement des blessés, qui laissait à désirer dans l’armée anglaise, soit dorénavant organisé de manière rigoureuse. Figes rend hommage à cette icône de l’ère victorienne en rappellant que ses capacités se sont surtout révélées pertinentes dans l’organisation des services sanitaires.
Des 750.000 soldats qui périrent lors de la Guerre de Crimée, deux tiers étaient russes. Les civils qui moururent de faim, de maladies ou à la suite de massacres ou d’épurations ethniques n’ont jamais été comptés. On estime leur nombre entre 300.000 et un demi million. Figes évoque également la “Nightingale russe”, Dacha Mikhaïlova Sevastopolskaïa. Dacha, comme l’appelaient les soldats, avait vendu tous ses biens tout au début de la guerre pour acheter un attelage et des vivres: elle rejoignit les troupes russes et construisit le premier dispensaire pour blessés de l’histoire militaire russe. Sans se ménager, elle soigna les blessés pendant le siège de Sébastopol. A la fin de la guerre, elle fut la seule femme de la classe ouvrière à recevoir la plus haute décoration du mérite militaire.
Le principal but de la guerre, pour les Français et les Anglais, était de vaincre totalement la Russie. C’est pourquoi le siège de Sébastopol, havre de la flotte russe de la Mer Noire, constitua l’opération la plus importante du conflit. Le 8 septembre 1855, le port pontique tombe. Et Léon Tolstoi écrit: “J’ai pleuré quand j’ai vu la ville en flammes et les drapeaux français hissés sur nos bastions”. Tolstoï était officier combattant et rédigea, après les hostilités, ses “Souvenirs de Sébastopol”. Un officier français, quant à lui, note dans son journal: “Nous ne vîmes riens des effets de notre artillerie, alors que la ville fut littéralement broyée; il n’y avait plus aucune maison épargnée par nos tirs, plus aucun toit et tous les murs furent détruits”.
Lors des négociations de paix, la Russie n’a pas dû céder grand chose de son territoire mais elle a été profondément humiliée et meurtrie par les clauses du traité. En politique intérieure, l’humiliation eu pour effet les premières réformes qui impliquèrent une modernisation de l’armée et la suppression du servage. Sur le plan historique, il a fallu attendre 1945 pour que la Russie retrouve une position de grande puissance pleine et entière en Europe. Tolstoï l’avait prédit: “Pendant fort longtemps, cette épopée-catastrophe de Sébastopol, dont le héros fut le peuple russe, laissera des traces profondes dans notre pays”. Orlando Figes a réussi à réveiller chez ses lecteurs les souvenirs et les mythes de ce conflit oublié.
Dirk WOLFF-SIMON.
(article paru dans “Junge Freiheit”, Berlin, n°49/2011; http://www.jungefreiheit.de/ ).
Version allemande du livre d’Orlando Figes: Krimkrieg. Der letzte Kreuzzug, Berlin Verlag, Berlin, 2011, 747 p., 36 euro.
En français, on lira avec autant de profit le livre tout aussi exhaustif d’Alain Gouttmann, La Guerre de Crimée 1853-1856. La première guerre moderne, Perrin, Paris, 2003.
Gouttmann évoque l’émergence d’un “nouvel ordre international”, suite à cette Guerre de Crimée.
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mardi, 27 septembre 2011
Clausewitz como pensador politico
Clausewitz como pensador politico
Por Sergio Prince C.
http://geviert.wordpress.com/
Los estudios sobre Clausewitz son abundantes en cantidad y calidad, por lo tanto, es aventurado escribir sobre este maestro de la estrategia y no caer en repeticiones y lugares comunes. Entre los más destacados estudiosos, podemos citar a Peter Paret, Profesor de Historia en la Universidad de Stanford y autor de una amplia gama de trabajos sobre temas militares y estratégico, entre los que destaca su trabajo titulado Clausewitz and the State (Paret, 1979); Michael Howard, historiador de la Universidad de Oxford (Howard, 1983) y Bernard Brodie, profesor de Ciencia Política en la Universidad de California, autor de varias obras de gran influencia en el pensamiento estratégico moderno. En el año 2005, se realizó una renovada reflexión sobre Clausewitz en el congreso Clausewitz in the 21st Century organizado por la Universidad de Oxford, cuyos resultados fueron publicados el año 2007 (Strachan & Herberg – Rothe, 2007). En lo que va corrido de 2010, han aparecido cientos de trabajos que tratan de Clausewitz o que, a partir de él, estudian el fenómeno de la guerra y las relaciones internacionales. Así, Castro se ocupa de la guerra, la vida y la muerte reflexionando sobre Clausewitz a partir del psicoanálisis (Castro, 2010), Kaldor evalúa la vigencia de Clausewitz en tiempos de globalización (Kaldo, 2010), Sibertin-Blanc y Richter (2010) visualizan a Deleuze y Guattari como lectores de Clausewitz (Sibertin-Blanc & Richter, 2010), Guha realiza un estudio sobre la guerra desde Clausewitz a la guerra de redes del siglo XXI (Guha, 2010) y Diniz realiza una comparación epistemológica entre Clausewitz y Keegan (Diniz, 2010), entre otras tantas obras que se pueden mencionar.
Ante este panorama y sin pretender erudición alguna, ruego al lector que disculpe los vacíos bibliográficos que puedan existir, pero ellos son de mi absoluta responsabilidad y resultado de las limitaciones propias de mi investigación. En esta sección, discutiré el alcance del dictum clausewitziano ‘la guerra es la continuación de la política por otros medios’. Mostraré que: 1.- Que el pensamiento del estratega prusiano va más allá de lo meramente militar y tiene una dimensión política; 2.- Qué esta dimensión se reconoce fundamentalmente a partir de de un documento elaborado por Clausewitz en febrero de 1812 y 3.- Que desde esta dimensión se puede entender con claridad la relación política-guerra absoluta en la cual se abre la posibilidad de afirmar que la política es continuación de la guerra por otros medios en una situación extrema.
Desde esta podemos decir que su afirmación sólo intenta separar lo político de lo estratégico y no indica compromiso alguno con la ontología ni la epistemología de la guerra en sí. La afirmación se puede entender como operacional- metodológica, sin considerar ningún compromiso existencial. En otras palabras, quiero mostrar que el dictum tiene un alcance limitado a la relación de lo político-militar y no pretende involucrarse en asuntos ontológicos. Entonces, me pregunto cuál es la relevancia de la sentencia de Clausewitz. En que ámbitos del conocimiento tiene mayor impacto ¿En la filosofía? ¿En la política? ¿En la estrategia? Como ya hemos insinuado, la lectura filosófica de esta frase se puede hacer desde, al menos, tres dimensiones. La ontológica, la epistemológica y la metodológica. Si nos preguntamos por la existencia de la guerra como continuación de la política, no es lo mismo que si nos preguntamos qué quiere decir esta afirmación, cómo sabemos lo que quiere decir y bajo qué condiciones cambiaríamos de opinión. Tampoco sería lo mismo que preguntarse cómo la guerra llega a ser la continuación de la política por otros medios. Las tres aproximaciones filosóficas demandan distintos tipos de respuestas. Ahora bien ¿Qué quiso decir Clausewitz con lo que dijo?
Antes de comenzar, creo que es necesario recordar que, para el año 1812, Clausewitz bajo las órdenes de Scharnhorst y Gneisenau, junto con sus colaboradores Boyen y Grolmann, eran parte activa del proceso de reformas militares encaminadas a la formación de un ejército nacional. Pese a la reducción de tropas decretadas por Napoleón, los reformadores lograron implementar un sistema de reservistas por medio de la aplicación del sistema Krümper (adiestramiento rápido). Del mismo modo, establecieron un sistema de ascensos por mérito, prohibieron los castigos corporales y fundaron la Academia de Guerra. Estas actividades de orden castrense tendrían una enorme repercusión política, como veremos más adelante. Fue en febrero de este mismo año, en un documento llamado el Memorándum-Confesión, que Clausewitz devela su genio como pensador político declarándose partidario de la lucha existencial contra Napoleón ya fuese a) como reacción espontánea del corazón y voz del sentimiento o b) Por motivos de razón política, que no se deja afectar por el miedo y que conduce a la conciencia de que Napoleón es el enemigo irreconciliable de Prusia, y que tampoco se dejará reconciliar por la sumisión o c) a base de un cálculo de la situación militar, cuya última y realmente desesperada esperanza es una sublevación popular armada. (Clausewitz C. V., 1966) (Schmitt, 1969, pág. 6).
El carácter peculiar de la enemistad existencial (política) que manifiesta Clausewitz contra Napoleón es lo que, en opinión de Schmitt, lo transforma en un pensador político: “Como enemigo de Napoleón, Clausewitz llegó a ser el creador de una teoría política de la guerra. Dice Schmitt que lo fundamental de este documento es la respuesta a una pregunta clara: ¿Quién es el verdadero enemigo de Prusia? La respuesta, cuidadosamente pensada y reflexionada en toda su problemática, es: Napoleón, emperador de los franceses (Schmitt, 1969). Esta identificación certera del enemigo es una declaración política ya que coincide con lo esencialmente político: la identificación de quiénes son amigos y quiénes los enemigos. Mirando desde tal perspectiva, en esta declaración, Clausewitz realiza una confesión puramente política. Esta idea sobre el carácter político de la declaración del estratega se refuerza al momento de referirse a temas económicos y de la bancarrota económico-social que amenazaba a su patria debido a las acciones del Corso:
En su segunda confesión — que se refiere a la razón no afectada por el miedo — Clausewitz habla de la economía, que califica como “el principio vital más común de nuestra constitución social”. Recuerda la penosa situación económica que se derivó del bloqueo continental, el cataclismo que amenaza y que sería “una verdadera bancarrota, es decir, una bancarrota multiplicada de cada uno contra cada uno”, y que no se podría “comparar con una bancarrota estatal corriente”. La situación económica es la consecuencia de las medidas de un “general victorioso desde el Ebro hasta el Niemen” (Schmitt, 1969).
Quisiera agregar al comentario schmittiano un hecho que me parece relevante. En febrero de 1812, Federico Guillermo III había firmado un acuerdo con Napoleón por medio del cual le brindaba el apoyo de Prusia a Francia. La petición de Clausewitz resultaba altamente impertinente, en especial, por el carácter eminentemente político de esta. Tiempo después de escribir el memorándum, Clausewitz solicitó la baja del ejército y se dirigió, clandestinamente, a Rusia para apoyar al Zar en contra de Prusia con la esperanza de que el ejército zarista liberara a su patria del yugo francés. Estos son actos eminentemente políticos y refuerzan el carácter existencial de la lucha contra Napoleón a la que llama el estratega prusiano. Su viaje clandestino es otra declaración eminentemente política que va más allá de la fuerza de cualquier escrito. Clausewitz llevó el carácter político de sus confesiones a la práctica, aunque esto implicara luchar en contra sus camaradas de armas.
Otro rasgo que caracteriza el pensamiento puramente político de Clausewitz es su interés por la guerrilla española de 1808. La guerra de guerrillas es la guerra política por excelencia, el evento en donde con más claridad se aprecia que la política es la continuación de la guerra por otros medios ya que es una lucha existencial en donde se desata la violencia originaria justo después de reconocer y declarar al enemigo. Los guerrilleros españoles iniciaron una lucha en su patria chica mientras su rey no declaraba a su enemigo, no sabía quién era el enemigo. Al igual que el rey Federico Guillermo III el monarca español se debatía en un país dividido por la simpatía que su elite afrancesada sentía por Napoleón. Los guerrilleros con el mismo sentimiento de Clausewitz se preguntaron ¿Quién es el verdadero enemigo de España? Napoleón, emperador de los franceses respondieron y, con una decisión política sin igual y ajena a los monarcas, emprendieron una lucha existencial en contra del Corso. Los españoles estaban en condiciones de afirmar que por motivos de razón política – que no se deja afectar por el miedo – Napoleón era el enemigo irreconciliable de España. Esta es una declaración política soberana por que el redactor del texto declara al enemigo lo que llevara al fin a la incomprensión de los movimientos guerrilleros que incluso impulsaron la independencia de América. Pero el interés en la guerrilla no fue sólo de Clausewitz. Prusia recepcionó el espíritu guerrillero y lo transformo en norma jurídica.
A pesar que durante el siglo XIX el ejército prusiano-alemán era el más reputado del mundo su reputación se basaba en el hecho de ser un ejército regular que derrotaba a otros ejércitos regulares. Su primer encuentro con fuerzas “irregulares” ocurrió en la guerra franco-prusiana de 1870/1871, en territorio francés, cuando enfrentaron a un equipo de francotiradores. Lo “regular” primaba en el pensamiento militar. Por esta razón, el documento prusiano del 21 de abril de 1813 tiene una singular importancia (para Schmitt este documento es una especie de Carta Magna de la Guerrilla). El Landsturm establece que cada ciudadano está obligado a oponerse con toda clase de armas al invasor:
Hachas, herramientas de labranza, guadañas y escopetas se recomiendan en forma especial (en el § 43). Cada prusiano está obligado a no obedecer ninguna disposición del enemigo, y por el contrario, a causarle daño con todos los medios que se hallen a su alcance. Nadie debe obedecer al enemigo, ni siquiera cuando este trate de restablecer el orden público por que a través de ello se facilitan las operaciones militares del enemigo. Se dice expresamente que “los excesos de los malvivientes descontrolados” resultan menos adversos que una situación en la cual el enemigo puede disponer libremente de todas las tropas. Se garantizan represalias y terror instrumentado en defensa de los guerrilleros y se amenaza al enemigo con estas medidas (Schmitt, 2007b).
En Prusia no se llego a concretar una guerra de guerrillas contra Napoleón y el edicto fue modificado el 17 de julio de 1813. Corta vida, muy corta. Entonces, ¿cuál es la importancia de este edicto? Es un documento oficial que legitima la guerrilla ante un grupo de intelectuales y militares extraordinariamente cultos – según la expresión de Schmitt – entre los que se contaba el filósofo Johann Gottlieb Fichte, Scharnhorst, Gneisenau y Clausewitz. El compromiso de este último con la guerrilla política y revolucionaria no fue menor. Relata el jurista de Plettenberg que el primer contacto con esta la tuvo a través de los planes insurreccionales prusianos de los años 1808 al 1813, luego fue conferencista entre 1810 a 1811 sobre la “guerra a pequeña escala” en la Escuela General de Guerra en Berlín. Se dice que fue uno de los especialistas militares más destacados de esta clase de guerra y no sólo en el sentido profesional: “para él, al igual que los demás reformadores de su círculo, la guerra de guerrillas se convirtió “de modo principal en una cuestión eminentemente política de carácter directamente revolucionario”. Citando al historiador militar Werner Hahlweg (1912–1989), Schmitt dice que la aceptación de la idea del pueblo en armas, insurrección, guerra revolucionaria, resistencia y sublevación frente al orden constituido todo eso es una gran novedad para Prusia, algo ‘peligroso’, algo que parecía caer fuera de la esfera del Estado basado en el Derecho” (Schmitt, 2007b, pág. 28).
Otro aspecto que nos permite observar el carácter político del pensamiento de Clausewitz es la diferencia entre la enemistad ideológica de Fichte contra Napoleón y la enemistad política del estratega prusiano. Esto nos permite comprender al pensador político en su autonomía y en su carácter particular (Schmitt, 1969). A partir de 1807 aparece en la escena el gran enemigo de Fichte: Napoleón. Toda la enemistad que puede sentir un filósofo revolucionario se concentra ahora en Fichte contra el emperador francés tomando forma concreta. Fichte es el verdadero filósofo de la enemistad contra Napoleón. Se puede incluso decir que lo es en su mismísima existencia como filósofo. Su comportamiento frente a Napoleón es el caso paradigmático de una clase muy precisa de enemistad. Su enemigo Napoleón, el tirano, el opresor y déspota, el hombre que fundaría una nueva religión si no tuviera otro pretexto para subyugar el mundo, este enemigo es su propia pregunta como figura, un no-yo creado por su propio yo como contra-imagen de auto-enajenación ideológica. El impulso nacional-revolucionario de Fichte generó una amplia literatura, sin embargo, no llegó a penetrar en la conciencia de los alemanes. La idea de una legitimidad nacional-revolucionaria se disipó, cuando Napoleón estaba vencido y ya no había un enemigo en el campo de batalla. A pesar de esto, el breve contacto con el espíritu nacional-revolucionario, concentrado en los reformadores militares prusianos de 1807 a 1812, les llamó a tomar una decisión transcendental contra Napoleón e inspirar el documento político redactado por Clausewitz con la ayuda de Boyer (Schmitt, 1969).
Aunque Fichte con sus Discursos a la Nación Alemana puede ser considerado el padrino del Memorándum-Confesión clusewitziano de 1812 en este documento los reformadores del ejército prusiano se guiaron sólo por consideraciones políticas. No eran ni fundadores de religiones, ni teólogos; tampoco eran ideólogos ni utopistas. El libro De la guerra (Clausewitz C. V., On War, 1976) no fue escrito por un filósofo, sino por un oficial del Estado Mayor. Cualquier político inteligente puede leer, comprender y practicar este libro sin saber nada de Fichte y de su filosofía. La autonomía de las categorías de lo político – según Schmitt – se hace evidente: en el caso de Clausewitz las categorías políticas se imponen en toda su pureza, libres de todas las propagaciones ideológicas y utópicas del genial Fichte. Por su parte, el sociólogo francés Julien Freund demuestra que la teoría de la guerra como continuación de la política consigue que la guerra meramente militar se deje limitar encajándola en la realidad de lo político. Enemistad y guerra son inevitables. Lo que importa en su delimitación. Hay que evitar el desencadenamiento inhumano de los medios de destrucción que proporciona el progreso científico. Según Freund, el objeto de la lucha política no es la destrucción del enemigo, sino arrebatarle el poder. También Clausewitz entiende la llamada “batalla de destrucción” como una competición de fuerzas, entre dos ejércitos organizados, lo cual no indica la destrucción de una parte de la humanidad por la otra (Freund, 1968, págs. 746 – 752). En otras palabras Clausewitz no pensaba en una guerra de aniquilación sino que en una guerra limitada, encajada por lo político, una guerra política llevada adelante por otros medios. En resumen, Clausewitz puede ser considerado tanto un pensador estratégico como tanto como político. La evidencia de este hecho nos la brinda el Manifiesto- Confesión de febrero de 1812 recogido por Carl Schmitt (Clausewitz C. V., 1966).De aquí se desprende su interés por la guerrilla española de 1808 – 1813 así como las diferencias de su pensamiento con las del filósofo Fichte. Esta distinción corrobora el carácter político de su pensamiento que se expresa claramente cuando afirma que existe al menos un tipo de guerra, la absoluta, en la cual hay coincidencia entre el objetivo propiamente militar y la meta política. Es en este momento en el que la guerra puede usurpar el lugar de la política. Si esto llegara a ocurrir, podríamos afirmar que al menos existe una circunstancia bajo la cual la política es la continuación de la guerra por otros medios.
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vendredi, 12 août 2011
Schopenhauer: el primer golpe a la Ilustracion
Schopenhauer: el primer golpe a la Ilustración
Alberto Buela (*)
En Arturo Schopenhauer (1788-1860) toda su filosofía se apoya en Kant y forma parte del idealismo alemán pero lo novedoso es que sostiene dos rasgos existenciales antitéticos con ellos: es un pesimista y no es un profesor a sueldo del Estado. Esto último deslumbró a Nietzsche.
Hijo de un gran comerciante de Danzig, su posición acomodada lo liberó de las dos servidumbres de su época para los filósofos: la teología protestante o la docencia privada. Se educó a través de sus largas estadías en Inglaterra, Francia e Italia (Venecia). Su apetito sensual, grado sumo, luchó siempre la serena reflexión filosófica. Su soltería y misoginia nos recuerda el tango: en mi vida tuve muchas minas pero nunca una mujer. En una palabra, conoció la hembra pero no a la mujer.
Ingresa en la Universidad de Gotinga donde estudia medicina, luego frecuenta a Goethe, sigue cursos en Berlín con Fichte y se doctora en Jena con una tesis sobre La cuádruple raíz del principio de razón suficiente en 1813.
En 1819 publica su principal obra El mundo como voluntad y representación y toda su producción posterior no va ha ser sino un comentario aumentado y corregido de ella. Nunca se retractó de nada ni nunca cambió. Obras como La voluntad en la naturaleza (1836), Libertad de la voluntad (1838), Los dos problemas fundamentales de la ética (1841) son simples escolios a su única obra principal.
Sobre él ha afirmado el genial Castellani: “Schopen es malo, pero simpático. No fue católico por mera casualidad. Y fue lástima porque tenía ala calderoniana y graciana, a quienes tradujo. Pero fue “antiprotestante” al máximo, como Nietzsche, lo cual en nuestra opinión no es poco…Tuvo dos fallas: fue el primer filósofo existencial sin ser teólogo y quiso reducir a la filosofía aquello que pertenece a la teología” [1]
En 1844 reedita su trabajo cumbre, aunque no se habían vendido aun los ejemplares de su primera edición, llevando los agregados al doble la edición original.
Nueve años antes de su muerte publica dos tomos pequeños Parerga y Parilepómena, ensayos de acceso popular donde trata de los más diversos temas, que tienen muy poco que ver con su obra principal, pero que le dan una cierta popularidad al ser los más leídos de sus libros. Al final de sus días Schopenhauer gozó del reconocimiento que tanto buscó y que le fue esquivo.
Schopenhauer siguió los cursos de Fichte en Berlín varios años y como “el fanfarrón”, así lo llama, parte y depende también de Kant.
Así, ambos reconocen que el mérito inmortal de la crítica kantiana de la razón es haber establecido, de una vez y para siempre, que los entes, el mundo de las cosas que percibimos por los sentidos y reproducimos en el espíritu, no es el mundo en sí sino nuestro mundo, un producto de nuestra organización psicofísica.
La clara distinción en Kant entre sensibilidad y entendimiento pero donde el entendimiento no puede separarse realmente de los sentidos y refiere a una causa exterior la sensación que aparece bajo las formas de espacio y tiempo, viene a explicar a los entes, las cosas como fenómenos pero no como “cosas en sí”.
Muy acertadamente observa Silvio Maresca que: “Ante sus ojos- los de Schopenhauer- el romanticismo filosófico y el idealismo (Fichte-Hegel) que sucedieron casi enseguida a la filosofía kantiana, constituían una tergiversación de ésta. ¿Por qué? Porque abolían lo que según él era el principio fundamental: la distinción entre los fenómenos y la cosa en sí”.[2]
Fichte a través de su Teoría de la ciencia va a sostener que el no-yo (los entes exteriores) surgen en el yo legalmente pero sin fundamento. No existe una tal cosa en sí. El mundo sensible es una realidad empírica que está de pie ahí. La ciencia de la naturaleza es necesariamente materialista. Schopenhauer es materialista, pero va a afirmar: Toda la imagen materialista del mundo, es solo representación, no “cosa en sí”. Rechaza la tesis que todo el mundo fenoménico sea calificado como un producto de la actividad inconciente del yo. ¿Que es este mundo además de mi representación?, se pregunta. Y responde que se debe partir del hombre que es lo dado y de lo más íntimo de él, y eso debe ser a su vez lo más íntimo del mundo y esto es la voluntad. Se produce así en Schopenhauer un primado de lo práctico sobre lo teórico.
La voluntad es, hablando en kantiano “la cosa en sí” ese afán infinito que nunca termina de satisfacerse, es “el vivir” que va siempre al encuentro de nuevos problemas. Es infatigable e inextinguible.
La voluntad no es para el pesimista de Danzig la facultad de decidir regida por la razón como se la entiende regularmente sino sólo el afán, el impulso irracional que comparten hombre y mundo. “Toda fuerza natural es concebida per analogiam con aquello que en nosotros mismos conocemos como voluntad”.
Esa voluntad irracional para la que el mundo y las cosas son solo un fenómeno no tiene ningún objetivo perdurable sino sólo aparente (por trabajar sobre fenómenos) y entonces todo objetivo logrado despierta nuevas necesidades (toda satisfacción tiene como presupuesto el disgusto de una insatisfacción) donde el no tener ya nada que desear preanuncia la muerte o la liberación.
Porque el más sabio es el que se percata que la existencia es una sucesión de sin sabores que no conduce a nada y se desprende del mundo. No espera la redención del progreso y solo practica la no-voluntad.
El pesimista de Danzig al identificar la voluntad irracional con la “cosa en sí” puede afirmar sin temor que “lo real es irracional y lo irracional es lo real” con lo que termina invirtiendo la máxima hegeliana “todo lo racional es real y todo lo real es racional”. Es el primero del los golpes mortales que se le aplicará al racionalismo iluminista, luego vendrá Nietzsche y más tarde Scheler y Heidegger. Pero eso ya es historia conocida. Salute.
Post Scriptum:
Schopenhauer en sus últimos años- que además de hablar correctamente en italiano, francés e inglés, hablaba, aunque con alguna dificultad, en castellano. La hispanofilia de Schopenhauer se reconoce en toda su obra pues cada vez que cita, sobre todo a Baltasar Gracián (1601-1658), lo hace en castellano. Aprendió el español para traducir el opúsculo Oráculo manual (1647). También cita a menudo El Criticón a la que considera “incomparable”. Existe actualmente en Alemania y desde hace unos quince años una revista de pensamiento no conformista denominada “Criticón”. También cita y traduce a Calderón de la Barca.
Miguel de Unamuno fue el primero que realizó algunas traducciones parciales del filósofo de Danzig, como corto pago para una deuda hispánica con él. En Argentina ejerció influencia sobre Macedonio Fernández y sobre su discípulo Jorge Luis Borges. Tengo conocimiento de dos buenos artículos sobre Schopenhauer en nuestro país: el del cura Castellani (Revista de la Universidad de Buenos Aires, cuarta época, Nº 16, 1950) y el mencionado de Maresca.
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jeudi, 02 juin 2011
Savigny: The Volksgeist & Law
Savigny: The Volksgeist & Law
Andrew Hamilton
Ex: http://www.counter-currents.com/
Before they addressed themselves to the impractical task of changing men by changing laws, the justices might have pondered the words of Savigny, who wrote, ‘Law is no more made by lawyers than language by grammarians. Law is the natural moral product of a people . . . the persistent customs of a nation, springing organically from its past and present. Even statute law lives in the general consensus of the people.’” –Wilmot Robertson, The Dispossessed Majority (1981)
The concept of the Volksgeist, or “the spirit of the Volk,” was developed by German philosopher Johann Gottfried von Herder (1744–1803). The application of Herder’s theory to law was made by German jurist and legal historian Friedrich Karl von Savigny (1779–1861).
Herder’s Volksgeist is a manifestation of the people; it animates the nation. Every Volk is, as an empirical matter, different from every other Volk, each nationality characterized by its own unique spirit. Every people possesses its own cultural traits shaped by ancestral history and the experience of a specific physical environment, and mentally constructs its social life through language, law, literature, religion, the arts, customs, and folklore inherited from earlier generations. The Volk, in other words, is the family writ large.
Laws, too, must be adapted to the spirit of each nation, for rules applied to one nation are not valid for another. The only legitimate governments are those that develop naturally among particular nations and reflect, in their differences from other polities, the cultures of the people they govern.
Law is the unique creation of a race, a people, a Volk. Like language or values, it is the result of collective human action and reason over generations, not the result of human design. Language and law were never consciously invented at a specific moment in time. Rather, they represent slow accumulations, organic emanations of discrete peoples.
To cite but one example, European law and values and Jewish law and values are as different as night and day. In adopting torture, assassination, criminalization of free speech, thought, and association, genocide, and the abolition of formal restraints on tyranny, whites overnight lost half a millennium or more of slow, painful moral and legal progress.
Descendant of Landed Nobility
Savigny was the descendant of a distinguished Huguenot family from Lorraine, in France, which moved to Germany in 1730 to escape Catholic intolerance. The family derived its name from the Castle of Savigny in the valley of the Moselle River; its members retained their German allegiance upon the transfer of Lorraine to France.
Savigny was born in Frankfurt, the son of a Lutheran father and a Calvinist mother. Orphaned at thirteen, without parents or siblings, the boy was raised by his father’s best friend, a prominent German attorney and government official who, from the age of 15, plunged Savigny and his own son “into a terrible course [of education], comprising the science of law, natural law, international law, Roman law, and German law”—an experience Savigny’s chroniclers compare to John Stuart Mill’s über-rigorous schooling.
Graduating from the University of Marburg in 1800, Savigny took up teaching at the same institution. Among his students were the brothers Jacob and Wilhelm Grimm, the later philologists and mythologists famous for Grimm’s Fairy Tales. Savigny eventually secured a position for Jacob at the University of Berlin, and the two maintained a correspondence. Jacob Grimm dedicated his masterwork, Deutsche Grammatik, one of the most important works of German philology ever written, to Savigny.
Savigny married into the famous Brentano family. One of his wife’s nephews, pacifist economist Ludwig Brentano, won the Nobel Peace Prize in 1927. Savigny’s brother-in-law was the writer Clemens Brentano, and his sister-in-law was Bettina von Arnim, correspondent of Goethe and wife of romantic poet and novelist Achim von Arnim. Through his in-laws Savigny came into close contact with the Heidelberg group of Romantic writers. Savigny’s son, Karl Friedrich von Savigny (1814–1875), was a prominent Prussian diplomat and politician.
In 1810 Savigny became Professor of Roman Law at Prussia’s newly-formed University of Berlin at the request of Wilhelm von Humboldt. There he helped found the institution, served as its first Rector, and organized the law faculty. He also taught the Crown Prince, subsequently King Frederick William IV of Prussia.
Savigny’s highly influential legal works include The Law of Possession (Das Recht des Besitzes) (1803), History of Roman Law in the Middle Ages (Geschichte des römischen Rechts im Mittelalter), 6 vols. (1815–1831), in which he traced the history of Roman law from the breakup of the empire until the beginning of the 12th century and showed how it lived on in local customs, towns, ecclesiastical doctrines, and school teachings until its reemergence in the Renaissance, System of Modern Roman Law (System des heutigen römischen Rechts), 8 vols. (1840–1849), an uncompleted work on the contemporary Roman law of Europe, Miscellaneous Writings (Vermischte Schriften), 5 vols. (1850), and The Law of Contracts (Das Obligationenrecht), 2 vols. (1851–53).
As Jewish law professor Milton R. Konvitz noted:
His massive work on Roman law in the Middle Ages became the source of subjects for countless historical monographs. His students, and their students in turn, dominated historical and legal scholarship and teaching for several generations, and he was universally acknowledged as one of the most influential thinkers and scholars of the nineteenth century.
Civil Law and Common Law
Historically, there has been a disjunction between the civil law systems of continental Europe and the common law systems characteristic of England and the English-settled countries.
Civil law is based upon Roman law, which was first codified in the Twelve Tables in 450 B.C. Codification was completed in 535 A.D. in the Corpus Juris Civilis, the culminating work of Roman legal scholarship.
After the fall of the Western Roman Empire, Roman law persisted as part of Germanic law, the customary law of the ancient Germans (codified in the 5th–9th centuries A.D.), and canon law, the law of the Roman Catholic Church courts. It also remained the law of the Eastern Roman Empire, centered in modern-day Turkey, until its collapse in 1453.
The revival of classical studies during the Renaissance led to the resurrection of Roman law, as the Corpus Juris Civilis became the model for most of the legal systems of continental Europe.
The civil law system of the continent was thus a mixture of Roman law and local customary law. As a committee of legal historians observed in 1914:
The story of Western Continental Law is made up, in the last analysis, of two great movements, racial and intellectual. One is the Germanic migrations, planting a solid growth of Germanic custom everywhere, from Danzig to Sicily, from London to Vienna. The other is the posthumous power of Roman law, forever resisting, struggling, and coalescing with the other.
The importance of Roman law, Savigny wrote, is that “by reason of its high state of cultivation” it serves as a pattern for modern jurists. The importance of the local or customary law is that “it is directly and popularly connected with us.” Examination of the historical modifications of the two systems demonstrates how both Roman law and local law varied under the stress of actual needs and the application of legal theory.
Eventually, a single European civil code may replace existing national codes, and Savigny figures in current discussions about this. Here, for example, is Belgian law professor, former Advocate General of the European Court of Justice in Luxembourg, and general editor of a series of casebooks on the Common law of Europe Walter van Gerven writing for the European Commission:
The opposition between von Savigny and Thibaut [see below], regarded as an opposition between law, seen as a product of history, and law, seen as a product of reason, is somehow reflected in the opposition nowadays between those who believe that cultural differences between Member States and legal mentalities are such that no codification at European level is possible, at least not for the time being, and those who believe that codification has to come about without further delay. (p. 9)
To help overcome this difficulty, it has been suggested by some that Savigny’s historical school of law should be reconstituted on a pan-European level. (E.g., Reinhard Zimmerman, “Savigny’s Vermächtnis, Rechtsgeschichte, Rechtsvergleichung und die Begdindung einer Europäischen Rechtswissenschaft” ["Savigny's Legacy, Legal History, Unification of Law and Preconditions for European Legal Sciences"], Juristische Blätter [1998], 273.)
As an aside, it is instructive to briefly touch upon the Pan-European method behind this endeavor as described by van Gerven:
Work that is already underway should be continued on an even larger scale with “the aim of finding a European common core of legal principles and rules” and starting with the modest task of “mark(ing) out areas of agreement and disagreement, to construct a European legal lingua franca that has concepts large enough to embrace legal institutions which are functionally comparable, to develop a truly common law literature and the beginnings of a European law school curriculum.” (p. 29)
The author continues: “That this is not an easy matter appears from the literature on [European] Community law which now flourishes abundantly in any one Member State, but unfortunately very often in a closed national, or one language, circuit without reference to literature published in other Member States or other languages.” (p. 29n)
This shows how even the largest European institutions, with ample access to multilingual personnel, extensive translations, and continuous cross-border contacts and cooperation are still stymied by deeply entrenched intra-European cultural differences—particularly linguistic balkanization.
The situation is comparable but far worse for white racialists with their meager resources, inability to communicate in multiple languages, and lack of international contacts. Indeed, when racialists try to establish even one-off personal connections they are often hounded mercilessly by Jewish organizations, communist street thugs, pliant politicians and journalists, and police agencies determined to strangle white unity in the cradle. Victims of such actions have included Francis Parker Yockey, George Lincoln Rockwell, William Pierce, Tom and John Metzger, David Irving, and many others.
Unfortunately, any new Pan-European laws promulgated by existing elites will be deeply inimical to white racial survival and fundamental human rights.
The Origin of Germany’s Codification Controversy
There have been many modern codifications of civil law principles, the most famous and influential of which is the Code Napoléon (1804) of France, which strongly shaped the civil law systems of continental Europe and Latin America.
Louisiana is the only US civil law state, its law based upon French and Spanish codes and ultimately Roman law as opposed to English common law. Similarly, in Canada, French Quebec is the only province that operates under a dual system, with civil matters being governed by continental-style civil law and criminal matters by common law. The legal system of white South Africa was based upon Roman-Dutch civil law, and Scotland is considered a mixed law system.
In addition to the Code Napoléon, the major modern civil codes in effect when the German codification controversy flared were the Prussian Landrecht (Allgemeines Landrecht für die Preussischen Staaten, 1794) and the Austrian General Civil Code (Allgemeines bürgerliches Gesetzbuch, or ABGB, 1811). Today national civil codes are prevalent almost everywhere in continental Europe.
The primary difference between common law and civil code systems is ideological.
Common law is based upon precedent and gradual change, balancing tradition and reason.
The codes generally reflect the radical, utopian hyper-rationalism of the French Revolution. The French sought to abolish all prior law and replace it with new, all-encompassing norms in codified form. History was deemed irrelevant to the formulation, interpretation, and application of the French code; law ought to originate abstractly in the human mind (pure reason). A frequently repeated maxim of the legal radicals was, “I know nothing of the civil law; I know only the Code Napoléon.”
Theoretically the codes, complete, coherent, and clear, reduced all law to written form. Since lawmaking power was lodged solely in the legislature, judges could not look outside of the code for guidance. Their duty was to mechanically apply the law as set forth in the code.
Under the Holy Roman Empire there had been more than 300 German states. Between 1806 and 1815, the conqueror Napoleon organized them into the Confederation of the Rhine. Following his defeat, the Congress of Vienna (1814–15) created the German Confederation, consisting of 39 states, the most powerful of which were Prussia and the Austrian Empire. Each German state had its own system of laws which changed as you crossed the border, greatly hampering economic and political coordination.
In 1814, A. F. J. Thibault, professor of Roman Law at the University of Heidelberg, a former student of Immanuel Kant’s at the University of Königsberg and, like Savigny, a German of French Huguenot descent, proposed a unified German civil code on the French model to remedy the chaos of existing law. He set forth his proposals in a pamphlet, About the Necessity of a Common Civil Law for Germany (Über die Nothwendigkeit eines allgemeinen bürgerlichen Rechts für Deutschland).
Interestingly, though desirous of enacting a uniform system of laws for the German states, Thibault opposed political unification. As part of his proposed rationalistic reconstruction, he favored discarding Roman law, “the work of a nation which was very unlike us, and from the period of the lowest decline of the same.”
Opposing a French-style code for Germany, Savigny characterized the rationalistic legal mentality as one of “infinite arrogance” and “shallow philosophy.” Law, he maintained, could not be abstractly originated by a handful of individuals at a specified moment in time, but is organically created by the people of a nation as an expression of its Volksgeist. It is a grave error to try to consciously construct an ideal, all-encompassing legal code, to which everyone is compelled to submit. He believed that intellectuals lacked the ability to construct humane, workable legal systems in such a manner.
The Volksgeist and Law
Savigny set forth his views in an epochal pamphlet, Vom Beruf unserer Zeit für Gesetzgebung und Rechtswissenschaft (1814, 2nd rev. ed. 1828) (Eng. trans., Frederick Charles von Savigny, Of the Vocation of Our Age for Legislation and Jurisprudence, Abraham Hayward trans. [London: Littlewood, 1831]) and in an introductory article to the Journal of Historical Jurisprudence (Zeitschrift für geschichtliche Rechtswissenschaft), which he co-founded. From 1815 to 1850 it served as the organ of the historical school of jurisprudence.
The German Romanticism of the early 19th century had a strong influence on Savigny’s philosophy of law. As John Henry Merryman notes:
Savigny and his followers—influenced by Kant, Hegel, and German Romanticism—opposed this [codification] effort . . . Proponents of what came to be known as the “historical school,” these scholars maintained that it would be wrong for Germany to attempt to devise a [French-style] civil code . . . In their view, the law of a people was a historically determined organic product of that people’s development, an expression of the Volksgeist. Consequently, a thorough study of the existing German law and of its historical development was a necessary prelude to codification. Since the Roman civil law as interpreted by the medieval Italian scholars had been formally received in Germany some centuries before, a thorough historical study of German law had to include Roman law and old Germanic law as well as more recent elements of the contemporary German legal system. Under the influence of Savigny and the historical school, many German scholars turned their energies to the intensive study of legal history.
. . . The result would be a reconstruction of the German legal system according to its inherent principles and features.
Savigny considered law to be an emanation of a people’s spiritual and historical experience. It “is first developed by custom and popular acceptance, next by judicial decisions—everywhere, therefore, by internal silently operating powers, not by the arbitrary will of the law-giver.” The essential prerequisite was a deep and far-reaching appreciation of the genius of a particular Volk; the prescriptive content of the law must accord with the Volksgeist.
For Savigny, German law was an expression of the Volksgeist of the German people. Law is only properly understood in the light of past and present history, and reflects the inner convictions of Volk psychology and shared moral values. The Volksgeist, constantly changing and evolving as the German people changed and evolved, drove the slow evolution of law over the course of history. Savigny believed that the Volk of every land had a similar effect on each nation’s law.
Legal institutions and values, like music, art, or language, are an indigenous expression of the culture. Savigny, like Herder, thought that there was “an organic connection of law with the being and character of the people. . . . Law grows with the growth, and strengthens with the strength of the people, and finally dies away as the nation loses its nationality.”
Again like Herder, the Volksgeist is best understood through careful examination of historical data. That is why Savigny is considered a pillar of the historical school of jurisprudence. Time and again he traced the natural history of law, its organic growth as a living thing, and indicated the processes by which it adjusted to the needs of successive generations.
Although law initially manifests through custom, as social activity and rules grow more complex a specialist body of lawyers emerges. The lawyers who formulate law for an advanced culture seve as the representatives of the Volksgeist. Combining historical knowledge of law with a conceptual, systematic understanding of how rules interrelate with one another and with the whole, jurists separate what still has validity from that which is lifeless “and only belongs to history,” arriving thereby at a “living customary law.”
Thanks in large part to Savigny’s immense influence on 19th century German law and legal scholarship, Germany proved more resistant to the influence of the French Revolution than any other civil law nation in Europe. The German jurist decisively won the codification debate, and a new German Civil Code did not emerge until 1900. When it did, its historical orientation was in marked contrast to the revolutionary and rationalistic character of the Code Napoléon. As Merryman explains:
The German Civil Code of 1896 [Bürgerliches Gesetzbuch or BGB, effective 1900] is the opposite of revolutionary. It was not intended to abolish prior law and substitute a new legal system; on the contrary, the idea was to codify those principles of German law that would emerge from careful historical study of the German legal system. Instead of trying to discover true principles of law from man’s nature, as the French did . . . the Germans sought to find fundamental principles of German law by scientific study of the data of German law: the existing German legal system in historical context.
The Volksgeist Abroad
No one who has studied the works of Nobel Prize-winning Austrian economist and philosopher Friedrich Hayek will fail to notice the parallels between his thought and Herder’s and Savigny’s. In the case of Herder to cite but one example, there are precise parallels concerning the belief in the evolution, as opposed to the conscious invention or construction, of human languages. Though Hayek did not articulate a racial or ethnic basis for his evolutionary theory, he may be profitably read as if he had by anyone who recognizes that racial universalism is incorrect and unworkable.
It is not apparent that Hayek ever read Herder, but he was familiar with Savigny. (It is too little appreciated that Hayek received a doctorate in law from the University of Vienna.) Savigny’s theories of law are in accord with Hayek’s belief that social phenomena such as language, law, the family, morality, the free market, etc., objectively are (and normatively ought to be) the “results of human action but not of human design.” To attempt conscious, rationalistic constructions in such areas of life is an error characteristic of the totalitarian mind.
Hayek traced the influence of Edmund Burke upon the German historical school, and, in the reverse direction, “In the social sciences it was through Savigny’s follower Sir Henry Maine that the evolutionary approach re-entered the English tradition.”
Indeed, the common law of the United Kingdom and the English-settled white countries was itself an unconscious expression of the Volksgeist principle. The conservative tendency of the common law stood in marked contrast to the revolutionary ideology from which the continental codes emerged.
James Coolidge Carter, a distinguished New York attorney and opponent of 19th-century American codification, was a legal theorist in the Savigny-Maine mold. He succinctly summarized the common law method as follows:
It is agreed that the true rule must somehow be found [note he says found, not made]. Judge and advocates, all together, engage in the search. Cases more or less nearly approaching the one in controversy are adduced. Analogies are referred to. The customs and habits of men are appealed to. Principles already settled as fundamental are invoked and run out to their consequences; and finally a rule is deduced which is declared to be the one which the existing law requires to be applied to the case.
Another textbook example of the Volksgeist principle in action is Scandinavia, whose legal development has been described as follows:
Legal attitudes and legislative practices among the Nordic peoples have been very similar, and highly democratic, since early times. These concepts remained largely uninfluenced by Roman law, which spread over most of the Continent. Rather, ancient tribal laws evolved pragmatically and were passed down through generations by word of mouth. When these laws were codified, starting about 1100, they were found to be common regarding principles, differing only with particular local conditions. (Norman E. Holly, “Legal and Legislative Co-operation in the Scandinavian States,” American Bar Association Journal, November 1963, p. 1089.)
Conclusion
In his civil law casebook (1994), John Henry Merryman asked (but did not answer) the question: “Does a nation have only one Volksgeist or do ethnically diverse nations have a Volksgeist for each cultural group?”
In multiracial ex-white nations, the dominant Volk, the Jews, freely express their Volksgeist through Jewish and general law, but other groups are limited by the will of the rulers. This is true even of currently favored groups like Muslims, with their Sharia law.
But oppressed whites no longer have a Volksgeist. Culture distortion simultaneously destroys both the collective life of the people and its law, which is supplanted by a rigid, racist legal positivism characteristic of contemporary totalitarian regimes.
But if we eventually regain our freedom and independence, Savigny’s Volksgeist should inform our reacquisition of law. The applicability to a racialist jurisprudence of a view of law as organically evolved over time out of the consciousness or spirit of a people is obvious.
Because biological race consists of a system of nested hierarchies, law may be adapted to any appropriate level of specificity or generality circumstances call for. At present, a higher level of racial generality than was characteristic of the old European nationalisms appears most suitable to the needs of what is ultimately likely to be a greatly diminished, ingathered population.
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jeudi, 26 mai 2011
Bonald's Economic Thought
Bonald’s Economic Thought
By F. Rober DEVLIN
Ex: http://www.counter-currents.com/
The French Age of Enlightenment witnessed and celebrated an economic revolution: the rapid growth of speculation and a money economy, and a corresponding diminution in the importance of landed wealth. Bonald believed that the change had been brought about by the practice of usury. He did not condemn all lending at interest as usury, but distinguished between the cases of lending for the acquisition of productive goods (such as land or capital) and lending for unproductive goods meant for consumption.
For example, if I lend a man money to buy a farm, I may legitimately charge him interest out of the goods produced by the farm. In the France of Bonald’s day, this would usually have yielded an interest rate of around four or five percent per annum. On the other hand, if I lend a man money to by bread, his purchase, far from being productive of further value, loses what value it has if not quickly consumed. In contrast to the earth itself, “the products of the earth, are dead values which diminish in quantity or quality.” To earn money by lending for consumption is, in Bonald’s view, essentially unjust and a violation of Christian charity even if freely agreed to between borrower and lender.
It might appear that such a doctrine would forbid an ordinary greengrocer from operating his store at a profit. Bonald holds that the grocer’s ‘profit’ really amounts to a wage for the work he does:
The labor of men who purchase, transport, store, preserve and improve goods merits a salary. The natural decrease, the accidental and eventual loss of goods and the inevitable waste they suffer from their transformation into industrial values all require compensation.
This contradicts the teaching of Adam Smith:
The profits of stock, it may perhaps be thought, are only a different name for the wages of a particular sort of labour, the labour of inspection and direction. They are, however, altogether different, are regulated by quite different principles, and bear no proportion to the quantity, the hardship, or the ingenuity of this supposed labour of inspection and direction. They are regulated altogether by the value of the stock employed, and are greater or smaller in proportion to the extent of this stock. . . . In many great works, almost the whole labour of this kind is committed to some principal clerk. His wages properly express the value of this labour of inspection and direction. Though in settling them some regard is had commonly, not only to his labour and skill, but to the trust which is reposed in him, yet they never bear any regular proportion to the capital of which he oversees the management; and the owner of this capital, though he is thus discharged of almost all labour, still expects that his profit should bear a regular proportion to his capital. In the price of commodities, therefore, the profits of stock constitute a component part altogether different from the wages of labour, and regulated by quite different principles. (The Wealth of Nations, Book I, Chapter 6)
I will not venture to decide the question in Bonald’s favor, but I am inclined to wonder how many modern economists could give a coherent explanation of why his unfashionable view is mistaken.
Money, in Bonald’s view, is properly a sign of value and medium of exchange rather than a commodity like any other. It should not, therefore, command a ‘price’ in the form of interest (except as noted). Where usury is permitted,
interest, or rather the price of money, is infinitely greater than the produce of the earth, [so] everyone wishes to sell his land in order to procure money to lend. But when everyone wants to sell, no one wants to buy. The produce of the land tends to rise to the highest prices, and the lands themselves fall to the lowest, or they are unable to be sold at any price, and one buys only what misery leaves behind or revolutions make available. One notes a general tendency to leave one’s home and the home of one’s fathers, to leave one’s family and country. A vague restlessness and desire for change torments landowners. They complain of being attached to an estate burdened with so many cares, and with too little income left to pay for their luxuries and pleasures. We see an immoderate desire to become rich extending even to the lowest orders of society, causing horrible disorders and unheard of crimes; while in others giving rise to a cold, hard egoism, a total extinction of every generous sentiment, and an insensible transformation of the most disinterested and friendly nation into a people of stock-jobbers who see in the events of society only chances for gain or loss.
To this unstable, calculating and hectic system Bonald opposes the traditional landed or agrarian system of economy which flourishes when interest rates are not allowed to exceed the production of the earth:
Those who can live within the revenue of their capital seek to acquire productive land, because the revenue of land is approximately the same as the interest paid for money, and it is more secure because the capital itself is more sheltered from events. Yet were everyone wants to buy, no one wants to sell. Lands are therefore at a high price relative to goods. All the citizens aspire to move from being possessors of money to being possessors of land, i.e., from a mobile and dependent political condition to a fixed and independent position. This is the most happy and most moral cast of the public mind, the one most opposed to the spirit of greed and to revolution.
The reader will learn more about agrarianism from a few pages of Bonald than from all the literary exercises in I’ll Take My Stand.
Bonald saw no reason why the legislator should remain neutral regarding developments so harmful to the moral habits of society:
A wise policy, one more attentive to general interests than to private ones, would seek to render the circulation of money less rapid: in Sparta, by using iron money, in modern states, by the prohibition of lending at usury. . . . If the profits of commerce regularly rise far above the revenue of the land, it would be a wise measure to bring them back to equality, either by favoring the cultivation of the earth in every possible way, or by containing the speculations of commerce within the limits of general utility.
To restore the agrarian order, Bonald also advocated the restoration of primogeniture and entail: “a law not made for the benefit of the eldest, but for the preservation and permanence of the landowning family.” Revolutionary legislation had mandated the equal division and inheritance of landed estates. This was not unlike Solomon’s judgment of carving the child in two: a half or a quarter or an eighth of an estate is often not worth the corresponding fraction of the original. It may be unfortunate that all men cannot live off their own lands, but parceling out estates into a welter of vegetable gardens does not improve matters; it only forces the ‘heirs’ to sell out for any price they can get. As a leading citizen of his district, Bonald got to know the evils of the new system at first hand.
A rich cultivator whom the author congratulated for the good state of his properties responded in a dolorous tone: “It is true, my property is beautiful and well cultivated. My fathers for several centuries and I for fifty years have worked to extend, improve and embellish it. But you see my large family, and with their laws on inheritance, my children will one day be servants here where they were the masters.”
Bonald even defended the guild system, which Smith had criticized for restricting competition and inefficiently requiring seven year apprenticeships for trades which took six months to learn.
For the inferior classes, the corporations of arts and trades were a sort of hereditary municipal nobility that gave importance and dignity to the most obscure individuals and the least exalted professions. These corporations were at the same time confraternities, and this is what excited the hatred of the philosophes who hunted down religion even in its most modest manifestations. This monarchical institution brought great benefits to administration. The power of the masters restrained youths who lacked education, who had been taken away from paternal authority at an early age by the necessity to learn a trade and win their bread, and whose obscurity hid from the public power. Finally, the inheritance of the mechanical professions also served public morals by posing a check to ruinous and ridiculous changes of fashion.
The author’s first point is especially worth pondering: a man can be happy in a low station, so long as it is a recognized station within his society. The ‘equality bug’ infects men who are deracinated, i.e., who do not belong anywhere. Those with the dignity of even a modest ‘place’ are seldom disturbed by the greater fortunes of others.
Bonald criticized Smith directly:
Wealth, taken in a general and philosophical sense, is the means of existence and conservation; opes, in the Latin tongue, signifies both wealth and strength. For the individual—a physical being—these means are material wealth, the produce of the soil and of industry. For society—a moral being—the means of existence and duration are moral riches, and the forces of conservation are, for the domestic society, morals, and for the public society, laws. Morals and laws are, therefore, the true and even the only wealth of societies, families and nations.
Here again we see Bonald’s sharp distinction between universal or public interests and particular or private ones: economic goods are always private, even if they happen to be enjoyed by all the individuals in a given society. This is why Liberalism (which, according to no less an authority than Ludwig von Mises, is “merely applied economics”) cannot give any account of why citizens should have to sacrifice their lives for their country:
A public spirit cannot be maintained in a commercial and manufacturing nation devoted to calculations of personal interest, and still less today when the laws of war protect the personal property of the vanquished and in our humanitarian sentiments we call it a crime for a citizen not to be paid to defend his land. In every era, poor nations have conquered rich ones, even though they held in their wealth the most powerful motives for self-defense.
Similarly, in his earlier treatise On Divorce [2] (see my review here [3] and here [4]), Bonald pointed out that commercial peoples tend to think even of marriage on the model of a business contract. He writes of “the degradation of a neighboring people [the English] which evaluates the weakness of a woman, the crime of a seducer, and the shame of a husband in pounds, shillings, and pence, and sues for the total on expert estimates.”
Bonald rejects the “privatize everything!” impulse which sees socialism lurking in every town square:
The use of common things, temples, waters, woods, and pastures constitutes the property of the community. Indeed, there is no more community where there is no longer a community of use. It may be true that the commons were poorly administered. I would even believe that their division, in some places, has produced a little more wheat. Yet in some lands this division restricts flocks to spaces too small for them and thus ruins and important branch of agriculture. More importantly, there is no more common property among the inhabitants of the same place and, consequently, no more community of interests, no more occasions for deliberation and agreement. For example, if there were only one public fountain in a village from which water was distributed to all the households, to take away the fountain would be to deny the inhabitants a continual occasion to see, speak to, and hear one another.
Bonald, like Marx after him, saw that industrial poverty was different in kind from the poverty in agricultural states, and a greater threat to traditional social order. Indeed, he comes close to calling the industrial proletariat the vanguard of the Revolution.
The true politician is concerned about the disorders that arise from the alternation of ease and misery to which the industrial population is exposed, which, making the objects of industry without being able to consume them, is no less obliged to consume the fruits of the soil without the ability to produce or even purchase them—and which, finding itself without work and without bread, is a ready-made instrument for revolution. . . . Let it not be doubted that it is in hopes of one day taking this superabundant population into its pay that one party in Europe promotes the exaggerated growth of industry, certain that it can give work to these idle arms in the immense workshop of the revolutionary industry.
Recommended reading:
Louis de Bonald
The True and Only Wealth of Nations: Essays on Family, Economy, and Society [5]
Ttranslated by Christopher Olaf Blum
Naples, Fla.: Sapientia Press of Ave Maria University, 2006
Critics of the Enlightenment: Readings in the French Counter-Revolutionary Tradition [6]
Edited and translated by Christopher Olaf Blum
Wilmington, Del.: ISI Books, 2004
Louis de Bonald
On Divorce [2]
Translated and edited by Nicholas Davidson
New Brunswick, N.J.: Transaction Publishers, 1992
TOQ Online, Dec. 5, 2009
Article printed from Counter-Currents Publishing: http://www.counter-currents.com
URL to article: http://www.counter-currents.com/2011/05/bonalds-economic-thought/
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dimanche, 08 mai 2011
Ernst Moritz Arndt, jacobin romantique
Ernest Moritz Arndt, jacobin romantique
par Guy CLAES
Ernst Moritz Arndt est la figure essentielle du nationalisme romantique allemand. « Je suis né dans le petit peuple proche de la glèbe », écrivait-il en 1819. À son propos, l'éminent historien Diwald (Cf. Vouloir n°8) disait : « Au contraire de presque tous les autres romantiques, le romantique Arndt est issu de ce terreau populaire, de cette glèbe que les ruraux travaillent ; il s'est hissé à l'esprit du romantisme et n'a pas suivi la voie inverse comme les Schlegel, Tieck, Novalis qui sont, eux, partis de l'intellect et de l'esprit pour découvrir les merveilles de la forêt et la joie des fêtes de la moisson ». Arndt est effectivement né d'une famille de paysans poméraniens de l'Ile de Rügen, en 1769, la même année que Napoléon.
Aucun de ses ancêtres n'était libre. Son père fut affranchi par son seigneur puis devint inspecteur de ses terres et, enfin, métayer. Son père acquiert suffisamment de moyens pour lui payer un précepteur et l'envoyer au gymnasium de Stralsund. Après avoir quitté cet établissement sur un coup de tête et par dégoût pour l'étroitesse d'esprit petite-bourgeoise rencontrée chez ses condisciples, il étudie la théologie aux universités de Greifswald et d'Iéna. Après cette pose studieuse, il reprend sa vie errante, traverse et visite toute l'Europe, poussé par une soif de connaître la diversité des peuples et des mœurs. Cette vie vagabonde lui donne conscience de son identité d'Allemand et le récit de ses expériences vécues sera codifié dans son Geist der Zeit (= L'esprit du temps) dont l'impact, dans la société, fut finalement plus important que le Discours à la Nation Allemande du philosophe Fichte. Dans cet ouvrage fait de plusieurs volumes, sans prétention philosophique, il y a "flammes et enthousiasme".
Sa prise de conscience identitaire l'oblige à choisir son camp : il sera pour la Prusse de Gneisenau et de Clausewitz et Napoléon sera l'ennemi, le "Satan à la tête de ses troupes de bandits". Il sera l'ennemi mais aussi le modèle à suivre : il faudra faire de l'Allemagne une nation aussi solide que la France, et lui donner une constitution moderne calquée sur les acquis positifs de la Révolution française, acquis revus et corrigés par le Baron von Stein. Arndt sera un "jacobin allemand", un "jacobin romantique", les deux termes n'étant pas antinomiques dans le contexte de son époque et de sa patrie.
En 1818, Arndt, le paysan voyageur, devient professeur d'histoire à Bonn. Son esprit farouchement contestataire lui cause ennui sur ennui. Accusé de "démagogie", il est emprisonné, chassé de sa chaire, relâché sans explications, jamais jugé. À partir de 1822, il ne cessera d'écrire, notamment sur le problème de l'indépendance belge (nous y reviendrons). En 1848, il siège à l'Assemblée Nationale de Francfort pour en être chassé en mai 1849. En 1860, il meurt âgé de 90 ans et un mois.
Ces 90 années d'une vie dûment remplie et mise entièrement au service de la cause de son peuple, ont permis à Arndt d'élaborer, avec un vocabulaire clair et limpide que les Français croient rare en Allemagne, la théorie du "jacobinisme romantique". L'anthologie que nous offre la Faksimile-Verlag nous permet de saisir les piliers de cette vision (c'est à coup sûr davantage une vision qu'une théorie sèche et ardue) et de comprendre les racines du nationalisme populaire, non seulement allemand mais propre à tous les pays continentaux de langue germanique. Le Mouvement Flamand en a été fortement influencé et, dans l'élaboration de son corpus culturel, a tenu compte des écrits enthousiastes d'Arndt à propos de nos provinces, écrits qui ont précédé ceux de Hoffmann von Fallersleben (ajoutons ici qu'Arndt distinguait Wallons, Flamands et Luxembourgeois par la langue mais englobait les trois ethnies dans la sphère des mœurs sociales germaniques).
Né sujet du roi de Suède, Arndt a voulu favoriser l'union des Allemands au sein d'un même État. Son modèle initial fut le modèle suédois. Les Suédois constituaient, disait-il, un vrai peuple ("ein echtes Volk"), conscient, depuis Gustav Adolf, de la valeur des vertus politiques et de la nécessité de protéger le peuple par une structure étatique solide. L'anthologie de la Faksimile-Verlag nous dévoile le système d’Arndt : les rouages de sa conception du "Volk", les lois vitales du peuple, le peuple et l'État dans la perspective d'un double combat contre la réaction féodale et le révolutionnarisme de 1789 et les projets pour la constitution d'un État "völkisch".
L'idée de "Volk" repose sur trois batteries de définitions : empiriques, métaphysiques et politiques. Sur le plan empirique, tout observateur décèlera l'existence tangible et concrète de spécificités ethno-culturelles, de folklores immémoriaux, de réseaux de liens communautaires, d'us et de coutumes ancestrales. Sur le plan métaphysique, le "Volk" est le réceptacle d'une unicité idéelle, d'une religiosité particulière que rien ni personne ne saurait rendre interchangeable. Sur le plan politique, le "Volk" est une volonté. La volonté de demeurer dans l'histoire est une force redoutable : les Anglais et les Suédois ont tenu tête ou se sont imposés à des voisins plus puissants quantitativement parce qu'ils avaient une conscience très nette de leur identité et refusaient de se laisser guider par l'arbitraire de leurs gouvernants. Les peuples libres (et Arndt regrette ici que le peuple allemand n'en fasse pas partie) ont une claire conscience de leur honneur (Ehre) et de leur honte (Schande).
Arndt distingue la notion de "Volk" de celles de "Menge" (= masse, foule) et "Pöbel" (= populace). "Menge" est la masse "neutre", sans opinions clairement définies ; elle est cette "majorité silencieuse" que tous réclament comme clientèle. Le "Pöbel" est l'ensemble des éléments déracinés, incapables de discipliner leurs comportements parce que dépouillés de toute norme ancestrale, de toute pesanteur stabilisatrice. La Révolution française, par son individualisme (manifeste notamment dans les lois qu'elle édicte contre les corporations et contre le droit de coalition), a hissé au pouvoir le "Pöbel" qui a mené la "Menge" dans l'aventure révolutionnaire et napoléonienne. Le "Pöbel" s'est imposé en "maître", en despote sur une "Menge" d'esclaves. La collusion des "despotes" et des "esclaves" ne donne pas un "Volk". Pour que "Volk" il y ait, il faut une circulation des élites, une égalité des chances et une adhésion spontanée et non contrainte à un même ensemble de valeurs et à une même vision de l'histoire.
Pour Arndt, le peuple est un tout organique d'où jaillit une Urkraft (force originelle) qu'il convient de reconnaître, de canaliser et de faire fructifier. Sans ce travail d'attention constant, le "Volk" dégénère, subit l'aliénation (qui deviendra concept-clef du socialisme), sort de l'histoire. Arndt, poète, compare le "Volk" à un volcan, à un Vésuve que les despotes veulent maintenir éteint. Les éruptions sont pourtant inévitables.
Pour accéder à l'idée d'État, le peuple doit mener une double lutte contre la "réaction" et la "révolution". Cette lutte doit d'abord se concentrer contre la conception mécaniste de l'État, issue à la fois de l'absolutisme et de la Révolution française. L'enthousiasme créatif part d'un enracinement, d'une terre (Heidegger nous systématisera cette vision) où vit encore une dimension historique et non des belles et vibrantes rhétoriques abstraites que les premières heures de la Révolution française avaient connues et diffusées par la presse à travers l'Europe. Arndt, dès les séminaires de Stralsund, ressent un malaise inexplicable à l'écoute des discours parisiens contre l'absolutisme et la monarchie. Son "bon sens" paysan perçoit et dénonce la mascarade lexicale des clubs jacobins. Ce sentiment confus d'antipathie, Arndt le retrouvera lors d'une conversation en Haute-Italie en 1799 avec un officier républicain français qui s'enivrait de trop belles paroles à propos de la liberté (au nom de laquelle, expliquait-il, on venait de fusiller deux députés plus ou moins responsables de l'assassinat d'un tribun). Ces paroles sonnaient faux dans l'oreille d'Arndt et la légèreté avec laquelle beaucoup d'adeptes de la terreur envisageaient fusillades et "guillotinades" l'effrayait. La "force tranquille" de l'organicité se passait de tels débordements.
L'idée d'État née lors de la Révolution de 1789 est inorganique. Elle est "constructiviste" et néglige l'évolution lente qui a germé dans les inconscients collectifs. Malgré ce jugement sévère, partagé par Burke, par certains contre-révolutionnaires français ou par les romantiques traditionalistes (dits parfois réactionnaires) allemands, Arndt reconnaît les aspects, les éléments positifs de la Révolution. Les Allemands doivent beaucoup à cette Révolution : elle a permis leur prise de conscience nationale. Elle a accéléré le processus de décomposition amorcé déjà sous l'Ancien Régime. Elle nous a appris que les peuples ne commettaient, ni en intention ni en pratique, de crime contre les rois en voulant être gouvernés par des lois qu'ils connaissent et reconnaissent, qui sont le fruit d'une sagesse trempée dans l'expérience des générations antérieures. Il a manqué à la France révolutionnaire cette sagesse organique et le torrent révolutionnaire a débouché sur la Terreur puis sur un nouvel absolutisme ; ce qui fermait la boucle et ne résolvait rien. Les Princes allemands ont trahi leur peuple en se comportant comme des "grands mogols" ou des "khans tatars". C'est à cela que mène l'irrespect des liens organiques et de la faculté d'écouter qu'ils impliquent.
Arndt critique le droit romain, destructeur du droit coutumier (il préfigure ici von Savigny) et voit dans une paysannerie sainement politisée, le fondement de l'État völkisch (cette idée, Spengler, Spann et bien d'autres la reprendront à leur compte). Enfin, il nous expose les raisons pour lesquelles il ne croit pas en une Pan-Europe qui se ferait au-delà, par-delà les peuples. Cette Europe ne serait qu'une panacée insipide dépourvue de cette organicité stabilisante que cherchent, au fond, tous les peuples depuis l'effondrement de l'Ancien Régime. Cette anthologie est une lecture impérative pour tous ceux qui veulent comprendre l'Allemagne du XIXème siècle, la genèse des socialismes et les idéaux des acteurs du 1848 allemand.
G.C.
Ernst Moritz ARNDT, Deutsche Volkswerdung : Arndts politisches Vermächtnis an die Gegenwart, Bremen, Faksimile Verlag (Adresse : Postfach 10 14 20, D2800 Bremen 1, RFA), 160 pages avec un portrait d'Arndt et une courte biographie, DM 15.
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dimanche, 01 mai 2011
A Arte de Sir Lawrence Alma-Tadema
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jeudi, 28 avril 2011
A Arte de William Bouguereau
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lundi, 18 avril 2011
El romanticismo ruso
El romanticismo ruso
Adrià Solsona
Ex: http://idendidadytradicion.blogia.com/
El movimiento romántico ruso tendrá una espectacular repercusión en la literatura, en la formación de unas nuevas corrientes de pensamiento, en la estética, en la música y en la pintura de su país. La poesía será el gran galvanizador y aglutinador de todos los criterios románticos.
El siglo XIX puede considerarse la edad de oro de las letras rusas. Son cien años intensos y que técnicamente podemos dividir en cinco etapas:
1ª) 1790-1820: corriente prerromántica.
2ª) 1820-1840: Romanticismo.
3ª) 1840-1855: aparición de la escuela natural.
4ª) 1855-1880: Realismo.
5ª) 1880-1895: etapa de transición entre el Realismo y el Modernismo.
Esta fase dorada la podemos considerar iniciada con la época romántica. Los siguientes factores darán a las letras rusas una impronta superior, única y diferencial: la calidad técnica, la brillantez argumental, la capacidad de exprimir todas las potencialidades de una lengua, la forja de una literatura transmisora de una conciencia nacional, la recuperación del pasado, la elevación de la poesía a espejo del alma rusa y la presencia de un sentido de peculiaridad y de orgullo identitario.
Las primeras tendencias románticas llegarán de la mano de autores como M. N. Muraviov, N. M. Karamzín y I. I. Dmítriev. A ello le deberemos sumar la fuerte influencia alemana del movimiento Sturm und Drang.
El romanticismo ruso (del periodo 1800-1825), asoció lo propio y peculiar a la recuperación del antiguo espíritu de comunidad popular y esto se llevó a cabo a través de recuperar el mundo de las viejas mitologías eslavas y de todo aquel folklore que era portador de una substancial herencia histórica que, poco a poco, pasó a ser valorada como irrenunciable. La recuperación de cuentos y leyendas, pasaron a ser una bombona de oxígeno para la reactivación de ciertos valores que habían entrado en crisis. Todo ello se conjugó con una búsqueda intensa para intentar hallar cuáles eran las verdaderas esencias de su arte y su cultura. Este clima permitirá generar un elemento diferencial a todo el romanticismo europeo; el carácter optimista y, con él, la superación de la desesperación dramática y del sufrimiento universal. Tal vez, sin pretenderlo, los escritores rusos habían superado al cristianismo doliente y lastimero del que eran hijos. A partir de 1825-1830, se incorpora el elemento social que cobrará un protagonismo notable.
La poesía romántica rusa nace con El cementerio de la aldea, de V. A. Zhukovski. Pero este movimiento poético se especializará en la poesía épica, que será su verdadero estandarte y la prueba de madurez de las letras rusas. Esta épica es muy importante porque nace de la búsqueda del propio centro espiritual del ser ruso. Esta vía espiritual, lógicamente, fue trasladada al hombre, que tuvo que empezar a mirar en su interior para intentar hallar las respuestas personales al desafío del universo. En este sentido, tenemos que reconocer que no todos los autores lograron su objetivo. Igual que pasó en el resto de Europa, muchos se perdieron en el campo de lo sentimentaloide. Este inconveniente puede quedar, parcialmente, compensado con el hecho de que el orgullo y la dignidad, siempre acompañan a los grandes personajes que se crean por las plumas de estos inspirados románticos rusos. De este género épico, vale la pena citar El prisionero del Cáucaso, de Pushkin; El monje, de I. I. Kozlov; Voinarovski, de K. F. Ryléiev; Vladímir, de V. A. Zhukovski y La sirena y Riúrik, de K. N. Bátiushkov.
También el héroe romántico ruso tendrá algo de especial y diferente. Es un héroe que a diferencia de los héroes mitológicos y de muchos de los románticos, será un héroe próximo a las gentes, capaz de cosas y hechos asumibles por todos los lectores pero al mismo tiempo, siempre será un portador de valores eternos e indestructibles. Es el ejemplo a través del cual se intentaba reconquistar la dignidad colectiva y demostrar que todo héroe es, en sí mismo, un portador de valores espirituales.
El poeta V. A. Zhukovski (1783-1852), intuyó que el mundo se rige por una energía sutil, indefinible e inmaterializable[1] y que el hombre, por extensión, tiene un mundo interior que es muy superior a cuanto pueda acontecer en su exterior.
Discípulo del anterior fue K. N. Bátiushkov (1787-1855), el gran perfeccionista de la lengua rusa y que consideró que el hombre era prisionero de una fuerza misteriosa que gobernaba la humanidad en todas las épocas. Esta fuerza conducía a una realidad cruel que no podía ser cambiada por ningún esfuerzo mental ni político. Sólo la vía espiritual podía dar respuestas «porque es la única que puede ser útil en todos los tiempos y para todos los casos». Fíjese el lector que estos poetas están rozando o intuyendo el concepto del Eterno Retorno y también han sabido percibir que la única vía de salida es la interior.
La poesía será, especialmente, mimada y elevada a la categoría de virtuosismo por los decembristas [2], que consideraron el acto de la creación poética como un hecho heroico y una aproximación al espíritu. Este grupo también cantó a la libertad y a las acciones viriles en sus poemas. Es útil retener nombres como K. F. Ryléiev (1795-1826), W. K. Küchelbecker (1797-1846) y A. A. Bestúzhev (1797-1837).
Liubomudry, es el nombre del grupo que creó el poeta D. V. Venevítinov (1805-1827) y que dará paso al romanticismo filosófico. S. P. Shevyriov (1806-1864), definió magistralmente el sentido de este grupo: «la naturaleza no sólo está íntimamente unida al ser humano, sino que parece existir, ante todo, para explicar al hombre. Los misterios de la naturaleza son también los misterios humanos». Para el príncipe Odóievski, el poeta es la expresión universal de la búsqueda de la verdad única. Por ello, el poeta se halla en perpetua armonía con los dioses, las musas, la naturaleza y la belleza.
A. S Jomiakov, en El consuelo, nos plantea el tema de la muerte. Nunca hay una muerte definitiva, siempre queda algo… y el poeta, filosófico, comprendió que él era el portador del pensamiento inmortal. La única vía para conquistar la verdadera Libertad. ¡Éste fue el auténtico sentido de todas sus poesías! La suma de todas las obras y poemas que han tocado el tema de la muerte, durante este periodo, confirma aquello que luego Unamuno supo sintetizar magistralmente: «Dios es el resultado del instinto de inmortalidad del hombre».
Dos últimos personajes pondrán punto y final a esta somera presentación del poco conocido romanticismo ruso. En la figura de F. I. Tiútchev (1803-1873), tenemos a una de las cimas más altas de la poesía rusa, eslava y europea. Merece una reflexión profunda su Peregrino, pues por él transitan elementos sumamente interesantes para el discurso espiritual de la Tradición occidental. Finalmente, nos encontramos con A. S. Pushkin. Él ha representado los valores sólidos, la creación de versos que para siempre han acompañado el día a día de los rusos, es el motor de expansión de la brillantísima prosa rusa del siglo XIX, es el herrero de la lingüística rusa. Ha sido y es, la referencia para muchas generaciones de escritores de todas las tendencias y de todos los países europeos. Curiosamente, sólo se apartó del romanticismo, en el momento en que fue capaz de penetrar una parte de la sabiduría que subyace en la obra de Shakespeare.
Adrià Solsona
[1] Los actuales estudiosos han hecho una lectura restrictiva y se han limitado a hacer valoraciones psicológicas. Planteamiento que sólo consideramos aplicable a algunos de sus poemas. Pero en el conjunto de toda su obra se apunta hacia una percepción mucho más profunda de las cosas.
[2] Nombre asociado al pronunciamiento militar del 14 de diciembre de 1825.
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dimanche, 17 avril 2011
A Arte de Lord Frederick Leighton
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samedi, 16 avril 2011
Wilhelm Heinrich Riehl (1823-1897)
Archives 1994
Wilhelm Heinrich Riehl (1823-1897)
Jos VINKS
Il y a 170 ans, W. H. Riehl naissait, le 6 mai 1823, à Bieberich dans le pays de Hesse, aux environs de Giessen. Je m’étonne que son nom ne soit plus cité dans les publications conservatrices ou dextristes. Récemment, la très bonne revue allemande “Criticon” a consacré un article à Riehl. En 1976 était paru, dans une collection de livres publiés par l’éditeur Ullstein, le texte “Die bürgerliche Gesellschaft”, un des plus importants écrits socio-politiques de notre auteur, paru pour la première fois en 1851.
Avant de traiter de l’oeuvre de cet auteur zélé et fécond, nous retracerons en bref sa biographie, ce qui s’avère nécessaire pour la situer dans le temps et dans la société.
Riehl a suivi l’école primaire à Bieberich, le lieu de sa naissance, après quoi il fréquenta le Pedagogium de Wiesbaden. En 1837, il s’inscrit au Gymnasium de Weilheim. En 1839, son père se suicide, parce qu’il estimait être une victime de l’arbitraire bureaucratique. Riehl voulait étudier la théologie et devenir prédicateur évangélique, contre la volonté de son père, qui, en tant qu’homme de confiance des Ducs de Nassau et d’intendant de leur château, avait quelque connaissance du monde, grâce aux voyages qu’il avait entrepris. Riehl se trouvait tout à la fois sous l’influence des théories de son père, un rationaliste et un adepte des idées de 1789, et sous celles, traditionalistes, de son grand-père, Grand Maître de Maison auprès des Nassau. C’est ainsi que l’on peut expliquer la position intermédiaire qu’il prendra, entre l’ordre ancien d’une communauté d’états (Stände) et la problématique d’un dépassement révolutionnaire de ces vieilles structures, ce qui donnera un “conservatisme réflexif”. En 1841, il débarque à l’Université de Marbourg. Son intérêt pour l’histoire culturelle s’y éveille. De Marbourg, il ira à Giessen car l’université de cette ville se trouvait plus près de Bieberich; ce seront surtout des considérations financières qui le forceront à prendre cette décision. A Giessen, il se lie d’amitié avec Michael Carrière, un ami de Bettina von Arnim, égérie du “Cercle des Romantiques”. Le romantisme, avec la sympathie qu’il cultivait pour le moyen âge, avec sa vision artistique mais aussi sociale et économique sur l’histoire, sur le caractère national et sur la “populité”, va s’emparer de la pensée de notre auteur, même s’il s’était auparavant familiarisé avec les pensées de Kant et de Hegel, par l’intermédiaire de ses professeurs de Marbourg et de Giessen. Plus tard, il aurait dit qu’il avait des dispositions trop nettes pour le réalisme et ne pouvait dès lors pas s’enfermer dans un système philosophique.
Après Giessen, il s’en va à Tübingen, une université où les Jeunes Hégéliens donnent le ton. Dans les textes qu’il rédige à l’époque, il salue avec passion le succès de la Révolution de Juillet en France, en 1848. Sa position politique, à ce moment, n’est pas unilatéralement révolutionnaire, selon Geramb (Bibliographisches Jahrbuch, 1900) mais témoigne bel et bien d’une liberté de pensée et d’esprit, surtout dans le domaine religieux. L’influence des Jeunes Hégéliens et de l’esprit libéral de cette époque se perçoivent clairement chez lui ainsi qu’un sens résolument national, opposé à toutes les idées cosmopolites. A l’automne 1843, Riehl avait passé l’examen de théologie à Herborn et avait obtenu des subsides pour poursuivre ses études. Ce qu’il fera à Bonn, où, notamment, le fougueux nationaliste démocrate Ernst Moritz Arndt dispensait ses leçons. Finalement, il abandonnera les études de théologie pour se consacrer entièrement à l’étude du peuple et des structures que celui-ci génère, dans la continuité anthropologique qu’il représente. Il finit par admettre que l’Etat constitue le “peuple organisé” et qu’il existe “pour la volonté du peuple”. Pour gagner son pain, il se fait journaliste dans les colonnes du journal libéral-conservateur “Oberpostamts-Zeitung” de Francfort entre 1845 et 1847. A partir de 1847, il devient rédacteur auprès de la “Karlsruher Zeitung”, puis directeur du “Badische Landtagsbote”.
La révolution de 1848 impulse un tournant à son développement intellectuel. D’après lui-même, ce fut l’année où il devint conservateur en pleine conscience. Il quitte Bade et revient à Wiesbaden. Il y fonde la “Nassauische Allgemeine Zeitung” et devient aussi le cofondateur du Parti démocrate-monarchiste. Pendant un bref laps de temps, il dirigera le Théâtre de la Cour à Wiesbaden. La conséquence de tout cela fut une prise de distance avec la politique et avec le journalisme: il quitte son poste de rédacteur en 1850. Il commence alors les études qui le conduiront à rédiger “Die bürgerliche Gesellschaft”. Même s’il a quitté la politique, il y revient indirectement par le biais de ses études culturelles. Il publie dans un ouvrage en quatre volumes, “Naturgeschichte des Volkes”, les études qu’il avait fait paraître dans les journaux ainsi que quelques travaux de circonstances.
En 1851 parait la première édition de “De bürgerliche Gesellschaft” et, trois ans plus tard, “Land und Leute” (“Le pays et les gens”). “Die bürgerliche Gesellschaft” avait pour intention première de décrire le peuple dans tous les liens qu’il tisse, dans tous ses “états”, mais détaché de toute particularité locale. Dans “Land und Leute”, au contraire, il s’efforcera de pénétrer dans toutes les particularités et les différences locales et régionales du peuple. “Au départ des relations individuelles du pays et des hommes se développe l’abstraction culturelle/historique de la société bourgeoise/citoyenne”, écrit-il. Le Roi Maximilien II de Bavière est vivement impressionné par ce travail. Il appelle donc Riehl à ses côtés.
Riehl devient ainsi membre du “Cabinet littéraire” puis est admis dans le “Symposium”, sorte de table ronde autour de la personne du Roi, où siègent déjà, entre autres illustres personnages, Liebig, Bodenstedt, Geibel et Kaulbach. Au cours de cette même année 1853, il obtient un poste honoraire de professeur à l’Université de Munich. Il avait déjà été nommé responsable des relations avec la presse pour la Maison Royale et pour le Ministère bavarois des affaires étrangères. Son discours inaugural à l’Université était consacré à l’ethnographie: il y déclara que la richesse et la diversité de la nature, des paysages et des sols dans les Allemagnes d’alors dépendait de la formation individuelle au sein du peuple allemand et que, pour cette raison, l’Allemagne devait impérativement viser son unité politique, sans toutefois sombrer dans les affres d’un unitarisme centralisateur. Les activités de Riehl se mesurent au nombre de ses conférences et des lieux qu’il a visités —plus de cent— et au nombre de personnes qui sont venues l’écouter: environ 300.000.
En 1857, Riehl, avec Felix Dahn, prend en charge un important travail d’ethnographie et de topographie: les “Bavarica”. En 1860 parait le volume consacré à la Haute Bavière (Oberbayern) et en 1863 un volume sur le Haut Palatinat (Oberpfalz) et la Souabe. En 1873, il est promu recteur de l’Université de Munich et en 1883 il reçoit un titre de noblesse. En 1885, il est nommé directeur du Musée National Bavarois et conservateur général des bâtiments et monuments classés de Bavière. En 1894, l’année où meurt sa femme, il écrit son dernier livre, “Religiöse Studien”. Deux ans plus tard, notre philosophe, à moitié aveugle et fort affaibli, épouse Antonie Eckhardt, qui le soignera jusqu’à sa mort, le 16 novembre 1897.
Riehl est le père de l’ethnographie scientifique. Il nous a aussi laissé un testament politique. Ses critiques disent que ce testament, qui insiste sur le concept social d’état (Stand), ne tient pas compte des nouvelles formes d’organisation de la société industrielle. Selon Riehl, les peuples, dans leur diversité, sont un produit de différences et de caractéristiques de nature ethnique, historique ou naturelle/territoriale. Pour lui, les noyaux naturels (la famille, la tribu, le peuple/Volk) reçoivent une sorte de primauté. Ils revêtent une signification plus profonde que l’Etat. Les liens familiaux et tribaux sont plus anciens que la conscience individuelle ou la conscience d’appartenir à un Etat, c’est-à-dire plus anciens que les formes créées par les individus ou par les Etats. L’importance qu’il assigne à la famille se voit encore soulignée par le fait qu’il y consacre un volume entier de son oeuvre principale, “Naturgeschichte”.
Ses conceptions socio-politiques sont dominées par l’idée de deux forces qui influencent toute la vie sociale: la force de maintenir (Macht des Beharrens) et la force du mouvement; c’est-à-dire une force conservatrice et une force révolutionnaire. Les forces conservatrices sont représentées par la paysannerie et l’aristocratie. Les forces du mouvement par la bourgeoisie et par le quart-état. Parmi les forces du mouvement, Riehl compte aussi le prolétariat, à côté de la bourgeoisie. Mais son concept de prolétariat est totalement différent de celui de Marx. Il est “le stade de la chute” et “l’état d’absence d’appartenance à un état”. Les ressortissants du prolétariat sont ceux qui se sont détachés ou ont été exclus des groupes existants de la société. Ils se sont alors déclarés “véritable peuple” et c’est dans cette proclamation tacite qu’il faut voir l’origine de toutes les tentatives d’égalitarisme.
On peut certes rejeter la division de la société en “états”, que propose Riehl, comme étant en contradiction flagrante avec les réalités sociologiques de la société moderne. Mais on ne peut pas non plus considérer que Riehl est un théoricien borné, dont la pensée s’est figée sur les rapports sociaux préindustriels. Il s’est efforcé de partir du donné réel pour affronter une société en train de se moderniser et de comprendre celle-ci à l’aide de concepts conservateurs-sociaux (cf. Peter Steinbach, Introduction à “Die bürgerliche Gesellschaft”).
La tentative de classer les strates sociologiques de la société selon des forces fondamentales, telle les “états”, pour les opposer au concept de classe selon Marx, s’est manifestée également après Riehl. Ferdinand Tönnies a défini la société comme une “Communauté” (Gemeinschaft) et comme une “Société” (Gesellschaft) tout à la fois. La première consiste en un ordonnancement selon des caractéristiques et des liens naturels (famille, tribu, peuple); la seconde selon des appartenances changeantes et interchangeables (classe, parti, travail, profession, etc.). A côté du cosmos naturel de la vie du peuple, Riehl a placé la nature proprement dite sur un pied d’égalité avec la culture et a suggéré qu’il fallait la conserver, la défendre, car c’était une nécessité incontournable. Le mouvement de préservation de la nature, le mouvement pour la Heimat (en Allemagne et en Suisse, ndt), le mouvement de jeunesse Wandervogel, entre 1890 et 1914, ont trouvé chez Riehl des idées d’avant-garde (ainsi que nos mouvements verts, avec trois quarts de siècle de retard!). Ernst Rudolf se réclame de Riehl à plusieurs reprises, notamment dans “Heimatschutz” (Berlin, 1897). En dénonçant la destruction du patrimoine forestier allemand, il soulève une question éminemment conservatrice, en réclamant un droit propre à la nature. Sa critique de l’urbanisation outrancière doit également être lue à la lumière des travaux de Riehl.
Riehl avait ses défenseurs et ses critiques. Grimm se basait sur ses écrits, par exemple pour expliquer la différence essentielle entre Schiller et Goethe. Marx en revanche considérait que les conceptions sociales et politiques de Riehl constituaient “une injure au siècle du progrès”. Treitschke aussi s’attaqua à la conception organique du peuple chez Riehl et surtout contre sa vision de la société divisée en “états”: “il n’y a pas plus d’états naturels qu’il y a un état de nature”, écrivait-il dans sa thèse universitaire. Riehl eut un admirateur en la personne de Tolstoï. Leo Avenarius le nommait le “Altmeister der Wanderkunst” (“le vieux maître en l’art de pérégriner”) et avait chaleureusement recommander la lecture de ses “Wanderbücher” à la jeunesse du Wandervogel.
Riehl fut honoré dans l’Allemagne nationale-socialiste: cela s’explique pour maintes raisons mais ne signifie rien quant à ses options véritables. Jost Hermand, dans son ouvrage “Grüne Utopien in Deutschland” (“Utopies vertes en Allemagne”), écrit, entre autres choses: “Riehl avait la ferme conviction qu’une industrialisation et une urbanisation croissantes, avec pour corollaire la destruction du fond paysan, devaient immanquablement conduire à une ‘dégénérescence de la nature’”.
Le conservatisme de Riehl, avec son idée centrale de conservation de la nature et de la culture et son rejet principiel de l’individualisme libéral et de la pensée libérale qui ne raisonne qu’en termes de déploiement de puissance matérielle, font de l’auteur de “Die bürgerliche Gesellschaft”, un philosophe qui, au début de l’ère industrielle, théorisait non pas l’ère pré-industrielle, mais l’ère post-industrielle. Il pensait donc ses idées parce qu’il avait préalablement investiguer les racines mêmes du peuple, les avait décortiquées et en avait conclu, après observation minutieuse et reconnaissance des données naturelles, qu’il fallait protéger et la nature et la culture populaire.
Jos VINKS.
(article paru dans “Dietsland Europa”, Anvers, n°5/1994).
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vendredi, 18 mars 2011
Bonald's Theory of the Nobility
Bonald’s Theory of the Nobility
F. Roger Devlin
Ex: http://www.counter-currents.com/
Unlike Edmund Burke and Joseph de Maistre, Louis de Bonald devoted little space to analyzing the French Revolution itself. His focus instead was on understanding the traditional society which had been swept away. His review of Mme. de Staël’s Considerations on the Principal Events of the French Revolution, e.g., ends up turning into a theory of the nobility and its function. Bonald scholar Christopher Olaf Blum calls this “his most original contribution to the theory of the counter-revolution.”
Any advanced society requires men who devote themselves to the public good in preference to the private good of their families. This is particularly so in the professions of law and war: Bonald calls judges and warriors “merely the internal and external means of society’s conservation,” and hence the two fundamentally political or public professions.
To entice men into public service, two things are required. First, such men must be economically independent. They cannot rely on the changeable will of an employer who pays them a salary, however generous. Nor would their public duties allow them leisure to busy themselves with commerce. Therefore they must be landholders.
Second, men must be socialized to see public service as an honor and a distinction:
The [pre-revolutionary] constitution said to every private family: “when you have fulfilled your destination in domestic society, which is to acquire an independent property through work, order and thrift—when, that is, you have acquired enough that you have no need of others and are able to serve the state at your own expense, from your own income and, if necessary, with your capital—the greatest honor to which you can aspire will be to pass into the order particularly devoted to the service of the state.
In reality, this is a kind of noble fiction: the service nobility’s “distinction, by a strange reversal of conceptions, has seemed, even to them, to be a prerogative, while it is in fact nothing but servitude.” Their own interest would dictate their continued devotion to their families and the concerns of private life.
Pre-revolutionary France had a remarkable way of filling public offices: they were sold. Known as the “venality of offices,” the system is most often cited as an example of the irrationality of the ancien régime’s finances. Liberal historians especially have criticized the system for delaying the onset of large-scale capitalism in France: instead of expanding their commercial operations indefinitely, successful merchants would convert their fortunes into land in order to purchase more ‘honorable’ offices for themselves or their sons. Bonald warmly defends the custom:
There could be no more moral institution than one which, by the most honorable motive, gave an example of disinterestedness to men devoured by a thirst for money in a society in which the passion was a fertile source of injustice and crime. There could be no better policy than to stop, by a powerful yet voluntary means, and by the motive of honor, the immoderate accumulation of wealth in the same hands.
A large payment for occupying offices of public trust, he says, functioned as proof of a candidate’s independence and disinterestedness. The ‘opening of careers to talents’ (which the Revolution made such a fuss over) merely encouraged bribery and endless strife over who was talented. Open venality was, strange to say, the more objective procedure.
Bonald contrasts the service nobility of France favorably with what he calls the political nobility of England: the English peers were “no body of nobles destined to serve political power but a senate destined to exercise it.” Nor were they wholly devoted to public duties: “The peer who makes laws for three months of the year sells linens for the other nine.”
The liberal might respond that “private” linen merchants are serving the public just as much as judges or military men: they provide merchandise to the “general public.” Contemporary libertarians have effectively satirized the notion of “public servants” who consume half our incomes, while “selfish businessmen” labor so that we may feed, clothe, and house ourselves more cheaply than any people in history.
Bonald mentions someone’s suggestion that actors be considered “public servants” since they perform for the public: this notion was universally and deservedly ridiculed, even by many who could not explain why actors were not “public men.”
The case with merchants is similar: “the merchant who arranges for a whole fleet of sugar and coffee serves individuals no less than the shopkeeper who sells them to me.” But the soldier who sacrifices his life for his country does not act merely for the benefit of the particular persons who make up the country at a particular moment. Justice has a similar irreducibly impersonal or universal intention: it is ideally “blind” or without regard for persons. Economic thinking cannot account for these types of human action.
(The philosophically inclined may wish to consult my discussion of the essential difference between universalist vs. particularist action in Alexandre Kojeve and the Outcome of Modern Thought, p. 92ff. Bonald’s views on this matter are quite similar to Hegel’s.)
It should be acknowledged that Bonald’s theory of the nobility is an idealizing interpretation. Since the time of Louis XIV, the grande noblesse at Versailles had not performed much of any function, and well before the Revolution, many noblemen bore a closer resemblance to the dissolute characters in Les liaisons dangereuses than to the ideal type described by Bonald. As Blum says, “in making [his] argument, [Bonald] was a reformer, for the French nobility had shown itself willing to jettison its duties in favor of the kind of freedom that would enable them, the wealthy, to dominate more effectively and without the hindrance of traditional strictures.”
Recommended reading:
Louis de Bonald
The True & Only Wealth of Nations: Essays on Family, Economy, & Society
Translated by Christopher Olaf Blum
Naples, Fla.: Sapientia Press of Ave Maria University, 2006
Critics of the Enlightenment: Readings in the French Counter-Revolutionary Tradition
Edited and translated by Christopher Olaf Blum
Wilmington, Del.: ISI Books, 2004
Louis de Bonald
On Divorce
Translated and edited by Nicholas Davidson
New Brunswick, N.J.: Transaction Publishers, 1992
TOQ Online, Dec. 4, 2009
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jeudi, 03 février 2011
Une passion pour Wagner
Une passion pour Wagner...
Par Jean-Gilles Malliarakis
Ce 14 janvier à 6 heures du matin, une queue deux fois plus longue que d'habitude, en dépit du froid, rassemblait les passionnés de musique. L'opéra Bastille ouvrait les dernières réservations de la saison pour Siegfried et pour le Crépuscule des Dieux. Le chef-d’œuvre final de la Tétralogie n’avait pas été représenté à Paris depuis plus d'un demi-siècle.
Il semble juste aux connaisseurs de sortir le maître de Bayreuth de son injuste ostracisme, au moment où, en revanche, notre franco-tunisien ministre de la Culture décide d'y maintenir le cuirassier Destouches dit Louis-Ferdinand Céline.
Comparons donc le grand génie musical à son contemporain, dont la mémoire demeure impunie, Karl Marx, autre révolutionnaire. On se doit ainsi d'évoquer la question, scabreuse par excellence, du lourd traité antisémite de Marx intitulé "la Question juive". Insupportable aujourd'hui, à la vérité. À l'époque, la plupart des socialistes succombent à la mythologie anti-Rothschild. Wagner, hélas, malgré l'humanisme profond qui se dégage de ses livrets d'opéra, n'échappe pas entièrement aux préjugés anticapitalistes de son temps. Auteur de quelques pages regrettables dans ce registre, alors très banal, on lui doit reconnaître le mérite de s'en être tenu à la musique, croyant régler son compte à Mendelsohn. La plupart des musiciens juifs semblent lui avoir pardonné depuis, qui ont fourni d'admirables interprétations.
Tout cela pour dire que ni à la vérité Marx, ni donc encore moins Wagner, décédés l'un comme l'autre en 1883, ne sauraient, ni l'un ni l'autre, être tenus pour responsables de la noirceur du XXe siècle. Un peu moins vrai pour Karl Marx, cependant, et pour son ami Engels, qui eussent pris quelque plaisir, semble-t-il, à l'idée de trucider les bourgeois, et les démocrates. "Avoir compté Staline au nombre de ses admirateurs ne rend pas Marx responsable du Goulag", voilà sans doute ce que professera en ronchonnant un Pierre Bergé, nouvel actionnaire du "Monde" et président, par ailleurs, des "Amis", très parisiens, politiquement si corrects, "du Ring" wagnérien.
Pendant une trop longue période, l'œuvre de Wagner avait été proscrite du répertoire sur les rives de la Seine. Puis on a consenti à nouveau à la présenter au public. On a pris bien soin, pendant de trop longues années, d'en discréditer la dimension scénique. Nous avons subi de la sorte pendant des décennies des Lohengrin de carton-pâte, des Parsifal en fausses chemises brunes façon "cabaret cuir" de Hambourg. Le sommet fut atteint à l'époque du règne fâcheux de M. Mortier, où nous vîmes représenter un Tristan et Iseut de gay pride et/ou de télé réalité. Les deux héros passaient à l'acte sur scène, cependant que l'on nous révélait une "affaire" entre le jeune homme et le roi. Bill Clinton était enfoncé : sa Monika devenait un garçon.
Heureusement la bave de tous les crapauds n'a jamais réussi à enfermer le fleuve immense du génie musical et poétique wagnérien dans la misère de tels pastiches réducteurs et profanateurs.
En comparaison de tant de souvenirs, plutôt pénibles, les fautes de goût, bien réelles, de la dernière production de "l'Or du Rhin" en 2009 nous auront ont paru presque vénielles. Mieux vaut par conséquent ne pas même en énumérer la liste. Évoquons plutôt un vrai bonheur lyrique, une très belle direction d'orchestre, quelques voix de haute école, une Erda inoubliable, un Alberich très convaincant et des Filles du Rhin de grand talent, malgré des costumes fâcheux. Quelques semaines plus tard, la "Walkyrie", interprétée triomphalement et pratiquement sans faute, revenait sur les lieux du crime.
Que retenir dès lors, de cette introduction à la fresque dramatique et sacrée de l'Anneau du Nibelung ?
Osons le dire, d'abord : même en temps que révolutionnaire, Wagner se révèle supérieur à Marx, son contemporain presque exact. Concordance des dates. 1813-1883 pour le compositeur et dramaturge de génie ; 1818-1883 pour le chancre du British Museum. Le "Manifeste" est écrit en 1848 ; "l'Art dans la Révolution" date de 1849.
À la différence de son cadet, le beau Richard prend part aux événements de l'insurrection qui se voulait libératrice et que l'État prussien écrasera pour empêcher une unification démocratique de l'Allemagne.
On me saura gré, j'imagine, de ne pas chercher à tirer argument de ce que Marx a inspiré, mais non breveté, les systèmes totalitaires de Staline et de Mao Tsé-toung.
Richard Wagner fait le coup de feu sur les barricades. Karl Marx s'enferme dans sa bibliothèque.
En 1867 Das Kapital. En 1869 Rheingold à Munich.
Ce qui les sépare ne s'appelle pas seulement poésie, action, amour. Sur ce dernier terrain, les passions successives du musicien le brûlent comme un feu, le ténia du socialisme les amalgames chez lui, sa maîtresse vivant à domicile, dans son impudique pot-au-feu.
Il s'agit donc aussi, et d'abord, de deux vues du monde. À balles réelles pour l'un ; par procuration pour l'autre.
L'un comme l'autre expriment, dira-t-on, le même dégoût de ce qu'on appelle l'argent-roi. Mais de l'argent d'un roi, le poète saura construire à Bayreuth le temple du sublime.
Il reste encore à le découvrir, dans sa vérité. (1)
Note
(1) cf. Richard Wagner, sa vie, ses idées, son oeuvre par Guido Adler, aux Editions du Trident (cliquez ici)
11:47
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vendredi, 14 janvier 2011
Konstantin Leontiev, l'inaudible
Konstantin Leontiev, l'inaudible
par Thierry Jolif
(Infréquentables, 10)
Ex: http://stalker.hautetfort.com/
«La flatterie politique [...] n'est absolument pas obligatoire en littérature.»
Konstantin Leontiev.
Infréquentable, à coup sur, Konstantin Leontiev l'est. Non qu'il le fut, de son vivant. Certainement pas. Sûrement même le fut-il moins, bien moins, que Dostoïevski ou Tolstoï aux yeux d'une grande partie de la bonne société de l'époque. Actuellement, par contre, il l'est évidemment, pour la très simple raison qu'il est mort, et pour la tout aussi simple raison qu'il n'a pas eu l'excellente idée de laisser à la postérité une œuvre immortelle selon les actuels canon de l'immortalité.
Le voici donc bel et bien frappé d'oubli et, conséquemment, contraint de se voir classer parmi les infréquentables, non pas seulement en raison de son décès mais aussi, et surtout, à cause, précisément, de ses écrits. En fait, pas tant à cause de ses écrits mais bien plutôt en conséquence de son écriture ! De son style ! Style que lui reprochaient déjà ses contemporains, trop clair, trop «latin» pour les slavophiles, trop russe pour les occidentalistes. Politiquement concret et précis, sans sentimentalisme, extrêmement réaliste et profondément religieux, philosophiquement spirituel (et pas spiritualiste) et rigoureux, ni romanesque, ni romantique, aucunement utopique. Ainsi Leontiev, en dehors de son infréquentabilité physique due à son trépas, demeure stylistiquement infréquentable !
Il est hélas à peu près certain que, selon les très actuels critères qui font qu'un écrivain est «lisible» ou mérite d'avoir des lecteurs, notre très oublié Leontiev serait recalé. Il suffit, pour s'en convaincre, de relire une seule petite phrase du penseur russe : «L'idée du bien général ne contient rien de réel» (1).
Qui, parmi les lecteurs contemporains, souhaite encore lire de pareilles formules, et qui, parmi les marchands qui font profession de fournir de la matière imprimée, aurait encore envie de fourguer une telle camelote ? Non, soyons sérieux, ce genre de sortie, et plus encore le comportement qu'elle suppose, datent d'une autre époque, époque, fort heureusement, révolue pour nous, qui sommes gens évolués et accomplis. En outre, le bonhomme eu l'impudence de critiquer Dostoïevski ! Du moins, ce qui à notre époque revient au même, certaines idées avancées par l'auteur des Frères Karamazov. Ainsi l'obscur et impudent, à propos de Crime et châtiment, a-t-il osé écrire que «Sonia... n'a pas lu les Pères de l'Église» ! Voilà qui le rend «suspect» et par trop réactionnaire, même pour les chrétiens ! Pourtant Leontiev ne dit pas là autre chose que Chesterton lorsque celui-ci écrit qu’«En dehors de l'Église les Évangiles sont un poison», proposition raisonnable et si juste de la part d'un Britannique. «Toutes les idées modernes sont des idées chrétiennes devenues folles» : là encore, l'amateur éclairé opinera du chef et se régalera d'une telle sagacité bien audacieuse. Mais que ce grand Russe, petit écrivain compromis par sa «proximité avec le régime», se permette d'écorcher, pour les mêmes motifs, ce que la Russie nous a donné de meilleur, qu'il s'en prenne à ce style psychologique qui a fait, justement, le régal des belles âmes, voilà ce qui est proprement impardonnable.
J'aurais pu écrire «Leontiev l'illisible» mais alors je n'aurais pas touché juste. Notre époque peut tout lire, tout voir, tout entendre, et elle le veut d'ailleurs. En fait, plus qu'elle ne le veut elle le désire, et même ardemment ! Son incapacité est ailleurs : «J'entends mais je ne tiens pas compte.» Cela vous rappelle quelque chose ? Toute ressemblance avec des faits réels n'est nullement fortuite. Cette confession est révélatrice de cet autisme tant individuel que collectif et, à la fois, paradoxalement, volontaire et inconscient.
L'écriture de Leontiev est donc devenue inaudible. Notre temps désire tout entendre mais il ne sait plus écouter. Or, une telle écriture demande un réel effort d'attention et d'écoute. Leontiev, pourrais-je dire, a écrit, de son vivant, pour «ces quelques-uns dont il n'existe peut-être pas un seul». Depuis son décès, cette vérité est encore plus cinglante. Un autre écrivain russe, grand solitaire également, Vassili Rozanov, écrivait de Leontiev qu'il était plus «nietzschéen que Nietzsche».
Pendant une brève période ces deux contempteurs de leur époque entretinrent une correspondance. Ils se fréquentèrent donc, du moins par voie épistolaire. Rien de très étonnant à cela tant ces deux caractères, pourtant si profondément différents l'un de l'autre, se trouvèrent, tous deux, radicalement opposés à tout ce qui faisait les délices intellectuelles de leur siècle. Rien d'étonnant non plus à ce que leurs tombes aient été rapidement profanées et détruites par les persécuteurs socialistes; leur «infréquentabilité» devenait ainsi plus profonde, et plus large même, post-mortem. (Rozanov avait tenu à être inhumé auprès de Leontiev, dans le cimetière du monastère de Tchernigov à Bourg-Saint-Serge).
Inaccessible Konstantin Leontiev l'est, sans nul doute possible. Né charnellement en janvier 1831, né au ciel en novembre 1891 après avoir reçu la tonsure monastique sous le nom de Kliment à la Trinité Saint-Serge. Ce russe, typiquement XIXe et pourtant si terriblement, si prophétiquement «moderne» qui vécut en une seule vie les carrières de médecin militaire, de médecin de famille, de journaliste, de critique littéraire, de consul, de censeur..., côtoya aussi tous ceux qui, inévitablement, lui faisaient de l'ombre, Soloviev, Dostoïevski, Tolstoï. Inévitablement, à cause de leur talent, certes, mais aussi parce qu'ils furent toujours plus «libéraux» que lui, qui ne put jamais se résigner à l'être.
Inaccessible plus encore qu'infréquentable, car tout ce qui «sonne» un peu trop radicalement réactionnaire est, on le sait, furieusement réprimé par notre époque douce et éclairée et qui a su, si bien,
retenir les leçons du passé. Les excités tel que Leontiev ne peuvent qu'être dangereux (pensez donc, défenseur d'une ligne politique byzantino-orthodoxe : même un Alexandre Duguin, de nos jours, dénonce ceux de ces compatriotes qui se laissent aller à ce rêve-là). Même à leur corps défendant, même s'ils sont, par ailleurs, nous pouvons bien le reconnaître, des «êtres délicieux», nous ne saurions tolérer leur imprécations obscurantistes. De même qu'en France un Léon Bloy, c'est «amusant»; c'est, nous pouvons bien le concéder, stylistiquement admirable (surtout à le comparer à nos actuels littératueurs, pisse-copies patentés d'introversions fumeuses et professionnels de la communication et du marketing), mais non, philosophiquement, allons, soyons sérieux, tout cela est dépassé, dépassé parce que faux, pis : incorrect !
Oui, en quelque sorte, à nos oreilles éduquées par d'autre mélopées, plus suaves, la tonalité de Leontiev sonne méchamment; c'est bien cela ! Pour notre moralisme, que nous pensons si rationnel et si réaliste, les propos de Leontiev sont affreusement méchants, et ce d'autant plus qu'il y mit lui-même toute sa force de conviction non moins réellement réaliste, mais d'un réalisme qui sut rester non matérialiste et non idéologique, d'un réalisme outrageusement chrétien. Et c'est au nom de ce christianisme réaliste que Leontiev osa adresser ses reproches à Léon Tolstoï, à Dostoïevski, à Gogol aussi (l'un des buts littéraires avoués de Leontiev était de mettre fin à l'influence de ce dernier sur les lettres russes !). Comble de l'audace perfidement rétrograde, qui scandalise plus aujourd'hui qu'alors ! À tous ceux qui étaient tentés de justifier la mélasse socio-démocratique par le christianisme, voire à faire de celui-ci rien de moins que l'essence même de cette eau-de-rose truandée, Leontiev rappelait quelques utiles vérités. Tout comme les authentiques musiques traditionnelles des peuples sont, à l'opposé des soupes sirupeuses avariées du new age, fortes et rugueuses aux oreilles non-initiées et ne dévoilent leur vraie douceur qu'après une longue intimité dans la chaleur de la langue et de l'esprit, le christianisme, à l'opposé de la doucereuse tolérance socio-démocrate, est austère et exigeant avant que d'être accueillante et lumineuse bonté !
Et puis surtout, que pourrions-nous bien en faire de ce furieux vieux bonhomme qui a osé écrire
L'Européen moyen, idéal et outil de la destruction universelle ? Puisque, ne l'oublions pas, la littérature «vraie» doit être, nécessairement, engagée; c'est-à-dire, au-delà de critiques de pure forme, aller, toujours, dans le sens du courant. Or, nous y sommes d'ores et déjà en la belle et unie Europe, nous y sommes depuis un bon bout de temps dans ce moment historique, dans cet événement des événements qui va durer encore et encore, en plein dans cette heureuse période de l'unification, dans l'heureuse diversité des êtres équitablement soumis aux choses. Certes, avec des heurts et quelques accidents de parcours, mais bénins en somme, insignifiants même, au regard du grand espoir de «paix universelle» vers lequel tous, dans une belle unanimité, nous tendons. En tout cas nous y sommes bel et bien, oui en Europe ! Alors, quel besoin aurions-nous de nous auto-flageller en lisant ce «grand-russien» décédé, dépassé, déclassé ?
Eh bien il se trouve que la distance s'avère souvent nécessaire pour mieux se connaître. Pour nous autres, très fréquentables européens moyens et contemporains, quelle plus grande distance que celle qui nous sépare de cet inclassable russe ?
Ce grand-russien qui, de son vivant, s'ingénia à se montrer implacable envers l'européen moyen pourrait bien s'avérer, par ses écrits, un viatique pour le même à l'heure d'une renaissance russe qui pourrait offrir à une Europe épuisée et ridiculisée par quelques décennies d'une politique frileuse, cupide et aveugle à son être authentique, de regagner une place qui lui est véritablement propre, possibilité à envisager sans fol optimisme puisque Leontiev lui-même insistait sur le fait que «la véritable foi au progrès doit être pessimiste».
Conservateur comme il l'était, Konstantin Leontiev faisait partie de cette race d'hommes qui savait encore que sentiments (et non sentimentalisme) et intelligence aiguisée, loin d'être antinomiques, sont intimement liés. Ainsi, c'est avec une acuité et une intelligence épidermique que notre auteur se montrait absolument et irrémédiablement opposé à l'idéologie du progrès, du bien et de la paix universelles, idéologie dont il avait su flairer les relents dans les différents partis en présence de son temps. Refusant cette idéologie comme une utopie mortifère qu'il identifiait à un état d'indifférence, degré zéro de toute activité humaine, il refusait aussi à la politique de se projeter vers un hypothétique futur, vers le lointain, lui assignant pour seul objectif le «prochain» : «[…] cette indifférence est-elle le bonheur ? Ce n'est pas le bonheur, mais une diminution régulière de tous les sentiments aussi bien tristes que joyeux.»
Dès lors, comme tout authentique conservateur, ce que Leontiev souhaitait conserver ce n'était certainement pas un système politique ou économique quelconque ou bien quelques grands et immortels principes : «Tout grand principe, porté avec esprit de suite et partialité jusqu'en ses conséquences ultimes, non seulement peut devenir meurtrier, mais même suicidaire.» Non, ce que Leontiev aimait et voulait voir perdurer c'était bien la véritable diversité humaine, les différences dont notre époque, si douce et éclairée, nous enseigne qu'elles sont sources de conflits et d'agressions tout en en faisant une promotion trompeuse : «L'humanité heureuse et uniforme est un fantôme sans beauté et sans charme, mais l'ethnie est, bien entendu, un phénomène parfaitement réel. Qu'est ce qu'une ethnie sans son système d'idées religieuses et étatiques ?» (2).
Toute la philosophie de l'histoire développée par Konstantin Leontiev projette sur ces questions une lumière qui, bien que crue, est loin d'être aussi cynique que ses contempteurs voudraient le faire croire.
«La liberté, l'égalité, la prospérité (notamment cette prospérité) sont acceptés comme des dogmes de la foi et on nous affirme que cela est parfaitement rationnel et scientifique. Mais qui nous dit que ce sont des vérités ? La science sociale est à peine née que les hommes, méprisant une expérience séculaire et les exemples d'une nature qu'ils révèrent tant aujourd'hui, ne veulent pas admettre qu'il n'existe rien de commun entre le mouvement égalitaro-libéral et l'idée de développement. Je dirais même plus : le processus égalitaro-libéral est l'antithèse du processus de développement» (3).
Pour Leontiev, cette loi de l'histoire qu'il nomme processus de développement est une «marche progressive de l'indifférencié, de la simplicité vers l'originalité et la complexité», mais loin de tendre vers une amélioration constante, vers un bonheur complet et épanoui, qui n'est, en définitive, qu'une abstraction, cette marche connaît une forme d'arrêt qui se traduit par une simplification inverse dont Leontiev analyse trois phases : le mélange, le nivellement et, finalement, l'extinction.
Selon lui, cette loi quasi cyclique s'observe dans tous les domaines des civilisations historiques. Et, ce que nous appelons unanimement progrès, il le distingue très nettement de ce processus de développement, le nommant «diffusion» ou «propagation» et l'attachant à cette phase dissolvante de «simplification syncrétique secondaire» : «[…] l'idée même de développement correspond, dans les sciences exactes d'où elle a été transférée dans le champs historique, à un processus complexe et, remarquons-le, souvent contraire au processus de diffusion, de propagation, en tant que processus hostile à ce mécanisme de diffusion» (4).
Ainsi, dans les pages de son maître-livre Byzantinisme et slavisme, Leontiev scrute scrupuleusement les mouvements, les courants, lumineux et obscurs de l'histoire, leurs lignes droites, leurs déviations, leurs dérivations, sans jamais se laisser prendre aux rets des lumières crépusculaires des idéologies. Admirateur avoué de l'idée byzantine et de sa réception créatrice en Russie, Leontiev refusera pourtant l'idéal slavophile, tout autant, mais cela paraît plus «logique», que l'occidentalisme. Profondément fidèle, quoiqu'avec une élégante souplesse, à la vision des lignes de force et de partage qu'il avait su dégager de l'histoire ancienne et récente, Leontiev repèrera dans tous les courants contemporains la même force agissante : «La marche tranquille et graduelle du progrès égalitaire doit avoir vraisemblablement sur le futur immédiat des nations une action différente de celle des révolutions violentes qui se font au nom de ce même processus égalitaire. Mais je prétends que, dans un avenir plus éloigné, ces actions seront similaires. Tout d'abord un mélange paisible, l'effondrement de la discipline et le déchaînement par la suite. L'uniformité des droits et une plus grand similitude qu'auparavant de l'éducation et de la situation sociale ne détruisent pas les antagonismes d'intérêts, mais les renforcent sans doute, car les prétentions et les exigences sont semblables. On remarque également que, partout, vers la fin de l'organisation étatique, l'inégalité économique devient plus grande à mesure que se renforce l'égalité politique et civique» (5).
Bien qu'il ait considéré, en littérature, le réalisme comme désespoir et auto-castration, c'est bien à cause de son réalisme qu'il ne voulut jamais sacrifier à aucune «idée supérieure», que Leontiev a vu se refermer sur lui la porte du placard étiqueté «infréquentables».
La grande faute de Leontiev fut de dire, comme le répétait Berdiaev lui-même, que «l'homme privé de la liberté du mal ne saurait être qu'un automate du bien» ou bien encore que «la liberté du mal peut être un plus grand bien qu'un bien forcé.»
Mais... énorme mais, Berdiaev ne cessa d'essayer de convaincre, et de se convaincre, qu'il était socialiste. Cela suffit pour qu'on entrouvre, même très légèrement, la porte.
Notes
(1) Toutes les citations de Leontiev sont tirées de l'ouvrage Écrits essentiels (L'Âge d'Homme, Lausanne, 2003).
(2) Op. cit., p. 108.
(3) Op. cit., p. 139.
(4) Op. cit., p. 137.
(5) Op. cit., ibid.
L’auteur
36 ans, père de famille, chanteur et auteur breton, créateur de la “cyberevue” bretonne Nominoë et du blog Tropinka, Thierry Jolif, après avoir fondé et animé, pendant plus de dix ans l’ensemble musical Lonsai Maïkov, a étudié la civilisation celtique, le breton et l’irlandais à l’Université de Haute-Bretagne. Il a scruté et médité, durant plusieurs années, les aspects tant pré-chrétiens que chrétiens de la civilisation celtique (religion, art, musique, poésie). Orthodoxe, ayant étudié la théologie, il s’est particulièrement penché sur les aspects théologiques, mystiques et ésotériques du Graal, ainsi que sur l’étude du symbolisme chrétien, de l’écossisme maçonnique, de la philosophie religieuse russe et de l'histoire et de la mystique byzantine.
Il a collaboré aux revues Sophia (États-Unis), Tyr (États-Unis), Hagal (Allemagne), Contrelittérature (France), Terra Insubre (Italie) et est l’auteur de Mythologie celtique, Tradition celtique, Symboles celtiques et Les Druides dans la collection B-A. BA. des éditions Pardès.
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mardi, 04 janvier 2011
Essenza della filosofia e coscienza della sua storicità nel pensiero di Wilhelm Dilthey
Essenza della filosofia e coscienza della sua storicità nel pensiero di Wilhelm Dilthey
Sarebbe difficile sopravalutare l’importanza del padre dello storicismo, Wilhelm Dilthey, nel panorama della filosofia del Novecento. Il suo influsso, diretto o indiretto, si propaga in almeno quattro direzioni principali: quella dello storicismo tedesco, i cui massimi esponenti sono stati Ernst Troeltsch e Friedrich Meinecke; quella della sociologia, rappresentata da Max Weber e Karl Mannheim; quella della fenomenologia, con Edmund Husserl e Max Scheler; e infine quella dell’esistenzialismo, con Martin Heidegger e Karl Jaspers.
Nato a Biebrich, in Renania, nel 1833, e morto a Siusi, presso Bolzano, nel 1911, fu docente a Basilea, Kiel e Breslavia, prima di occupare, per quasi un trentennio (dal 1882 alla morte) la cattedra all’Università di Berlino che era già stata, prima di lui, di Rudolph Hermann Lotze e, prima ancora, di G. F. W. Hegel. Nella sua lunga e operosa attività di ricerca e di insegnamento (formò pensatori come Georg Misch e Bernard Groethuysen) fu uno dei massimi rappresentanti di quel prodigioso rigoglio intellettuale che caratterizzò il mondo di lingua tedesca negli ultimi decenni dell’Ottocento e agli inizi del Novecento; quel periodo che, più tardi, gli storici hanno chiamato della belle époque, ma di cui gli Europei del tempo, come osserva giustamente Philippe Daverio, non avevano consapevolezza, perché “bella” sarebbe apparsa poi, nella nostalgia del ricordo: dopo i massacri insensati della prima guerra mondiale.
Le sue opere maggiori sono: Introduzione alle scienze dello spirito (1883); Idee di una psicologia descrittiva e analitica (1894); Storia della giovinezza di Hegel (1905); L’esperienza sensibile e la poesia (1905); L’essenza della filosofia (1907); La costruzione del mondo storico nelle scienze dello spirito (1910); L’analisi dell’uomo e l’intuizione della natura dal Rinascimento al secolo XVIII, una raccolta di studi pubblicati fra il 1891 e il 1904.
Con Wilhelm Dilthey, la filosofia si stacca decisamente sia dalla categorizzazione astratta di stampo idealista, sia dall’ingenuo e ottimistico razionalismo positivista, per tornare verso la vita, verso i suoi fatti concreti e immediati, verso la centralità dell’esperienza. La parola chiave della filosofia di Dilthey, infatti, è proprio l’Erlebnis, che si può tradurre con “esperienza”, “vissuto” o “esperienza vissuta”. L’Erlebnis è un’esperienza interiore, che consente all’individuo di conoscere gli oggetti e gli eventi storici, secondo una esplicita finalità. Non si tratta, comunque, di un atto conoscitivo isolato e, per così dire, frammentario; bensì di una componente della vita psichica individuale che rimanda alla totalità, collegandosi organicamente con tutti gli altri atti e gli altri vissuti, in un rapporto di tipo dinamico.
Non intendiamo esporre qui le linee dettagliate del pensiero diltheyano, cosa che richiederebbe uno spazio molto più ampio; ci limiteremo a una sintesi estremamente rapida, per poi focalizzare la nostra attenzione sull’ultima fase di esso, quella esposta nel libro L’essenza della filosofia, in cui si insiste sulla coscienza della propria storicità che la filosofia matura nel corso degli ultimi secoli della storia occidentale, particolarmente dal Rinascimento e dalla Riforma in poi.
Il pensiero di Dilthey prende le mosse da una critica al movimento neocriticista, che tende a concepire l’uomo come un essere pensante, isolato e avulso da ogni contesto. Già in Kant, massimo esponente dell’illuminismo, tali aspetti erano presenti e sottesi a tutta la sua concezione antropologica. Ma, per Dilthey, l’uomo non è affatto isolato, è anzi l’essere storico per eccellenza; e la sua interiorità non si risolve nella sola dimensione razionale, poiché volontà e sentimento sono le sue caratteristiche concrete più importanti; mentre la ragione è la facoltà che, essendo universale, accomuna gli uomini in una generalità astratta.
In questo senso, la battaglia di Dilthey a favore di una fondazione rigorosa delle «scienze dello spirito» è, in fondo, una battaglia neoromantica per valorizzare quanto, nell’essere umano, è individuale e irripetibile, oltre che una battaglia anti-positivistica per affermare, di contro alle tanto esaltate «scienze della natura», la superiorità del fatto umano, colto nella sua concretezza esperienziale; e qui una analogia può essere fatta in direzione dell’illustre precedente di Giambattista Vico, ma anche con il Bruno degli heroici furori (e al Bruno, infatti, sono dedicate alcune delle pagine più belle del già citato L’analisi dell’uomo e l’intuizione della natura dal Rinascimento al secolo XVIII).
Il compito della filosofia, per Dilthey, non è quello di costruire metafisiche, ma di comprendere i vari momenti storici attraverso i quali l’uomo è giunto a realizzarsi; e, al tempo stesso, di cogliere i sottili ma numerosi e vitali legami che collegano il singolo individuo con la sua società e il suo tempo. In questo senso, la sua filosofia può essere anche definita come una sorta di relativismo storico, perché intende storicizzare ogni prodotto del pensiero e ogni attività pratica, mostrando il legame necessario che esiste fra l’uomo e il suo tempo, fra la parte e il tutto; e quanto le concrete condizioni storiche abbiano influenzato le manifestazioni individuali del pensiero.
Ecco come Dilthey, nello scritto Nuovi studi sulla costruzione del mondo storico nelle scienze dello spirito, compreso nella Critica della ragione storica (traduzione italiana Einaudi, Torino, 1982, pp. 383-384), chiarisce con esemplare limpidezza questo concetto:
La coscienza storica della finitudine di ogni fenomeno storico, di ogni situazione umana e sociale, la coscienza della relatività di ogni forma di fede è l’ultimo passo verso la liberazione dell’uomo. Con esso l’uomo perviene alla sovranità di attribuire a ogni Erlebnis il suo contenuto e di darsi a esso completamente, con franchezza, senza il vincolo di nessun sistema filosofico o religioso. La vita si libera dalla conoscenza concettuale, e lo spirito diventa sovrano dinanzi alle ragnatele del pensiero dogmatico. Ogni bellezza, ogni santità, ogni sacrificio, rivissuti e interpretati, schiudono delle prospettive che rivelano una realtà. E così pure attribuiamo a tutto ciò che c’è di malvagio, di temibile e di brutto in noi, un posto nel mondo, una realtà sua propria, che deve essere giustificata nella connessione del mondo: qualcosa su cui non ci si può illudere. E di fronte alla relatività si fa valere la continuità della forza creatrice come l’elemento storico essenziale.
Così dall’Erleben, dall’intendere, dalla poesia e dalla storia deriva un’intuizione della vita, la quale esiste sempre in e con questa. La riflessione la eleva a distinzione e a chiarezza concettuale. La considerazione teleologica del mondo e della vita viene riconosciuta come una metafisica che poggia su una visione unilaterale, non arbitraria cioè ma parziale della vita, e la dottrina di un valore oggettivo della vita come una metafisica che va oltre ogni possibile esperienza. Ma noi abbiamo esperienza di una connessione della vita e della storia, in cui ogni parte ha un significato. Come le lettere di una parola, la vita e la storia hanno un senso, e come una particella o una coniugazione, nella vita e nella storia vi sono momenti sintattici che hanno un significato. Ogni uomo procede alla sua ricerca. Nel passato si è cercato di penetrare la vita in base al mondo; ma c’è solo la via che procede dall’interpretazione della vita al mondo, e la vita esiste solo nell’Erleben, nell’intendere e nella comprensione storica. Noi non rechiamo nella vita nessun senso del mondo. Noi siamo aperti alla possibilità che il senso e il significato sorgano soltanto nell’uomo e nella sua storia. Ma non nell’uomo singolo, bensì nell’uomo storico. Poiché l’uomo è un essere storico…
In altri termini, se nelle scienze naturali il rigore del metodo consiste nella rigida separazione di soggetto e oggetto, il mondo della storia vive nella ripresa operata dal soggetto storico, operazione che è resa possibile – come bene aveva visto il Vico – nella essenziale unità di soggetto e oggetto, in quella unità della vita che scaturisce dall’Erlebnis, l’esperienza del mondo vissuta direttamente dall’individuo, in tutta la complessità e la ricchezza di quella data situazione storica. In questo senso, anti-intelletualismo, storicismo e vitalismo sono i poli di una filosofia della vita vissuta, che si sforza di comprendere in sé, valorizzandoli al massimo, ogni atto, ogni pensiero, ogni esperienza come fili di una vastissima tela che abbraccia l’intero mondo della realtà storica.
Riassumendo, pertanto, possiamo dire che la filosofia di Dilthey poggia sui seguenti aspetti fondamentali:
1) la valorizzazione dell’individuo, contro ogni generalizzazione di tipo idealistico (facendo sue, ma con diversi presupposti e diverse prospettive, le “rivolte” antihegeliane di Schopnehauer, Kierkegaard e Nietzsche);
2) la centralità della nozione di “esperienza”, contro ogni astrattezza metafisica; riabilitando la dimensione a-razionale dell’uomo e le sue connessioni con le diverse forme del conoscere e del sapere;
3) la volontà di tradurre il mondo “soggettivo” della storia nei termini, scientifici e “oggettivi”, di un vero e proprio sistema di scienze dello spirito;
4) la centralità delle categoria del comprendere (diversa da quella dello spiegare), come elemento indispensabile per la conoscenza dell’oggetto storico da parte del soggetto.
Circa quest’ultimo punto, ci sembra opportuno riportare quanto scrive Sergio Moravia in Educazione e pensiero (Le Monnier, Firenze, 1983, vol. 3, p. 275):
Vertice ed emblema stesso della gnoseologia diltheyana è il principio del «comprendere» (Verstehen), un concetto destinato ad alimentare importanti dibattiti epistemologici anche in anni a noi vicini. In linea generale, il comprendere consiste nell’assunzione di un certo atteggiamento nei confronti della vita, e ciò mediante “sue” categorie «che sono estranee alla conoscenza naturale come tale». Solo grazie al comprendere il soggetto si innalza e distanzia dalla troppo immediata dimensione esistenziale dell’Erleben. Per quanto produca anch’esso un determinato tipo di conoscenza, il comprendere non ha nulla a che fare con lo spiegare: mentre questo tende all’analisi dei fenomeni oggettivi in quanto tali e all’enucleazione delle leggi generali che li governano, quello si sofferma e si applica sull’individuo, sul soggettivo e su tutto ciò che eccede dai quadri oggettivo-nomologici dello spiegare.
La categoria dello spiegare (in tedesco: Erklären), infatti, è la modalità conoscitiva tipica delle scienze della natura, la quale non modifica l’essenza dell’oggetto conosciuto, non genera valori né realizza scopi di sorta. Al contrario, il comprendere (Verstehen) è la modalità conoscitiva tipica dello spirito, nella quale l’atto del conoscere non è diverso da ciò che viene conosciuto, e, inoltre, l’oggetto viene modificato dal comprendere stesso, che si serve delle categorie del fine e del valore e ne crea il significato per l’individuo storico (cfr. Francesco Donadio, voce Dilthey nella Enciclopedia della Filosofia e delle scienze umane, Istituto Geografico De Agostini, Novara, 1996, pp. 219-220).
Per Dilthey, il mondo non può essere veramente compreso nel modo indicato da Hegel, né alla luce dell’immagine iper-razionalistica dell’uomo postulata da Kant. Le tre componenti dell’uomo diltheyano, che è una essere integralmente storico, sono la ragione, il senso e l’intuito.
D’altra parte, specialmente nell’ultima fase del suo percorso speculativo, Dilthey si rese conto che, se il linguaggio e i concetti portano con sé i caratteri della storicità, allora essi non possono essere universali e non possono dare accesso a una verità definitiva. Sentimenti, valori, scienza e verità non sarebbero, dunque, che prodotti dell’evoluzione storica della società, destinati a mutare continuamente nel tempo?
Il filosofo tedesco si rese conto, specie nelle sue ultime opere, che lo spettro del relativismo veniva, così, ad incombere minaccioso sulla intera costruzione del suo pensiero; relativismo che, in seguito, sarebbe stato portato molto più innanzi da Heidegger e, soprattutto, da Feyerabend (cfr. il nostro recentissimo saggio: L’«anarchismo metodologico » di Feyerabend per spezzare la funesta alleanza tra stato e scienza, consultabile sul sito di Arianna Editrice).
Dilthey, comunque, si era reso conto del pericolo e aveva tentato di superare la minaccia del relativismo, che incombeva sulla sua filosofia, proponendo da un lato una “accettazione integrale della vita”, con tutta la sua relatività ineliminabile; dall’altro riconoscendo all’uomo la sola capacità di costituire sensi di natura storica, adeguati alle sue necessità e non eccedenti la misura della sua finitudine.
Questa problematica è specificamente trattata dal filosofo tedesco nel suo libro L’essenza della filosofia (titolo originale: Das Wesen der Philosophie, 1907; traduzione di Giancarlo Penati, Editrice La Scuola, Brescia, 1971, pp. 149-154), nel cui capitolo conclusivo si esprime in questi termini:
La filosofia si manifestò come un’implicanza di funzioni molto diverse che vengono connesse tramite la prospettiva unitaria con un vincolo normativo nell’essenza della filosofia. Una funzione si riferisce sempre a un complesso totale teleologico e descrive un ambito di utilizzazioni attinenti ad esso, che vengono portate a compimento all’interno di questa totalità. Il concetto non è assunto analogicamente dalla vita organica, né indica una facoltà od un potere originario: le funzioni della filosofia si riportano alla struttura teleologica del soggetto filosofante e a quella della società: nell’esplicarle la persona agisce su di sé e insieme al di fuori e in ciò esse sono affini a quelle della religione e della poesia. Così la filosofia è un’attività che sgorga dal bisogno del singolo spirito di riflettere sul suo agire, di dar forma e saldezza al suo operare, di consolidare il suo rapporto con il tutto della società umana, e contemporaneamente essa è una funzione fondata sulla struttura della società e perseguibile per la perfezione della vita stessa: pertanto una funzione che ha luogo similmente in molti uomini e li lega in un tutto sociale e storico. In quest’ultimo senso è un sistema di cultura, poiché le note distintive di questo sono l’eguaglianza della funzione in ogni individuo che appartiene al sistema di cultura e la comunicazione reciproca degli individui in cui ha luogo questa funzione. Questa comunanza prende forme ben definite, che costituiscono le organizzazioni del sistema di cultura. Al di sotto di tutte le connessioni teleologiche arte e filosofia legano gli individui fra loro in modo minimo, poiché la funzione esplicata dall’artista e dal filosofo non é condizionata da alcuna speciale articolazione di vita: la loro religione è quella della massima libertà spirituale. Ed anche quando l’appartenenza del filosofo alle organizzazioni universitarie ed accademiche incrementa la sua funzione sociale, il suo elemento vitale è e rimane la libertà del pensiero, che non deve in alcun modo essere intralciata e dalla quale dipendono non soltanto il suo carattere filosofico, ma anche la fiducia nella sua incondizionata sincerità e con ciò la sua efficacia.
La proprietà più generale che si estende a tutte le funzioni della filosofia è fondata sulla natura della conoscenza oggettiva e del pensiero concettuale. Così considerata la filosofia si presenta semplicemente come il pensiero più conseguente, più solido e comprensivo, e non è distinta dalla coscienza empirica da alcun limite fisso. Deriva dalla forma del pensiero concettuale che il giudicare si avanzi alle più alte generalizzazioni, alla formazione e divisione dei concetti e sino da una loro architettonica che ha per vetta più alta la relazione a un complesso totale onnicomprensivo e la fondazione in un principio ultimo. In questa sua opera il pensiero si riferisce all’oggetto comune di tutti gli atti di pensiero delle varie individualità, all’insieme totale dell’esperienza sensibile, in cui la molteplicità delle cose si ordina spazialmente e la varietà delle loro mutazioni e dislocazioni si dispone temporalmente. A questo mondo sono ordinati tutti i sentimenti e le azioni volontarie tramite la determinazione locale della materia corporea loro attinente e le parti rappresentative in essi implicate. A tal mondo sono organicamente connessi tutti i valori, fini, beni posti in questi sentimenti o azioni volontarie; la vita umana è coinvolta in esso. Ed in quanto aspira ad esprimere e a collegare l’intero contenuto di intuizioni, eventi vissuti, valori, fini come è vissuto e dato nella coscienza empirica all’esperienza e alle scienze empiriche, esso avanza dalla concatenazione delle cose e dai mutamenti nel mondo sino al concetto del mondo, e lo va fondando retrospettivamente in un principio del mondo, in una sua causa prima, cerca di determinare valore, senso e significato del mondo e si interroga circa un suo fine. Ovunque questo processo di universalizzazione, di ordinamento rispetto al tutto, di autofondazione, portato innanzi dal moto del sapere, sganciato dal bisogno particolare, dall’interesse limitato, si tramuta in filosofia. E dovunque il soggetto, riferendosi nel suo operare al mondo, si elevi nello stesso senso alla riflessione sopra questo suo operare, questa riflessione è filosofica. La proprietà fondamentale in tutte le funzioni della filosofia è pertanto il moto dello spirito oltrepassante il vincolo con l’interesse determinato, finito, limitato e aspirante a indirizzare ogni teoria sorta da un bisogno limitato ad un’idea definitiva. Questo moto di pensiero è fondato in un suo proprio insieme di regole, risponde a bisogni propri della natura umana, che a mala pena permettono un’analisi sicura, cioè alla gioia del sapere, al bisogno di una fissazione ultima del posto dell’uomo nel mondo, all’aspirazione di superare il vincolo della vita alle condizioni che la limita. Ogni atteggiamento psichico è in cerca di un punto fermo, al riparo dalla relatività.
Questa funzione generale della filosofia si estrinseca sotto le varie condizioni della vita storica in tutte quelle sue utilizzazioni che abbiamo passato in rassegna. Particolari funzioni di notevole importanza prendono rilievo dalle varie condizioni della vita: la formazione della Weltanschauung in modo universalmente valido, l’autoriflessione del sapere su di sé, la connessione delle teorie che si formano nei vari complessi finalisticamente ordinati, sino al complesso di tutto il sapere, uno spirito critico che pervade tutta la cultura, e conduce al collegamento universale ed alla sua fondazione. Queste si manifestano come funzioni particolari fondate nell’essenza unitaria della filosofia; essa si attaglia infatti ad ogni posizione nello sviluppo della cultura e a tutte le condizioni delle sue tappe storiche. In tal modo si spiega la costante differenziazione delle utilizzazioni filosofiche, la flessibilità e mobilità con cui subito essa si esplica nella gamma dei sistemi, subito fa valere la sua intera forza su di un particolare problema e applica l’efficacia del suo lavoro a sempre nuovi compiti.
Giungiamo così al limite in cui dalla rappresentazione dell’essenza della filosofia viene retrospettivamente chiarita la sua storia e anticipata la spiegazione della sua complessità sistematica. La sua storia verrebbe compresa, se fosse formulabile dall’insieme delle sue funzioni l’ordine in cui, secondo le condizioni della cultura, si presentano i problemi uno accanto all’altro e uno dopo l’altro, e vengono considerate le possibilità della loro soluzione; se si tratteggiasse la riflessione progressiva del sapere su di sé nelle sue tappe principali; se la storia seguisse il modo in cui le teorie nate nelle connessioni finalistiche della cultura vengono riferite al complesso totale del conoscere tramite lo spirito filosofico che le unisce, e così pure ampliate, il modo in cui la filosofia foggia nuove discipline nel campo delle scienze dello spirito e le assegna all’opera delle scienze particolari. E se essa mostrasse in qual modo dalle posizioni coscienziali di un’epoca e dal carattere delle nazioni si possa scorgere il particolare schema strutturale che assumono le Weltanschauungen filosofiche, ed insieme pure il costante progresso dei grandi tipi di esse.
La storia della filosofia lascia al lavoro filosofico sistematico la soluzione dei tre problemi della fondazione, giustificazione e sistemazione unitaria delle scienze particolari ed il compito di soddisfare al bisogno, non riducibile al silenzio, di un’ultima riflessione circa essere, fondamento, valore, fine e circa il loro collegarsi nella Weltanschauung, come pure di determinare in quale forma e direzione questo soddisfacimento possa aver luogo.
Così Dilthey, ne L’essenza della filosofia, ha affrontato il problema delle condizioni e della realtà della filosofia; che, nella nostra epoca – e a differenza delle epoche precedenti – è stata decisamente modificata dalla coscienza della propria storicità e, quindi, dalla relatività delle sue costruzioni spirituali.
In quest’opera Dilthey punta a superare il relativismo storicistico insito nelle premesse del suo stesso pensiero, mediante la teorizzazione di una «filosofia della filosofia» che renda ragione del formarsi delle diverse Weltanschauungen o visioni del mondo. Quella rinascimentale, ad esempio, è diversa da quella medioevale, come pure da quella dell’illuminismo; e tali diversità sono in relazione con il costante mutamento e con la trasformazione delle condizioni storiche e sociali, proprie a ciascuna epoca.
Possiamo tuttavia domandarci se il relativismo diltheyano sia stato davvero superato in questa tensione speculativa degli ultimi anni di attività del filosofo; e rimaniamo con il dubbio che proprio la consapevolezza che ciò non sia compiutamente avvenuto ha costituito il fertile stimolo per tutti i pensatori che, prendendo le mosse dalla filosofia di Dilthey, ne hanno sviluppato le premesse nelle diverse direzioni, di cui parlavamo all’inizio del presente lavoro.
Il filosofo italiano Luigi Stefanini, uno dei massimi esponenti del personalismo, acutamente mette a fuoco la contraddizione intrinseca del suo assunto di partenza: quella di voler evitare la metafisica, pur dichiarando la vita come sufficiente a spiegare se stessa, che è già un modo di fare della metafisica; se la metafisica è, come voleva Aristotele, la filosofia prima che ha in sé la giustificazione di se stessa. Dire che la vita come totalità è unità, significa aver già creato una metafisica della vita. Ma Dilthey, dichiaratamente, non vuol fare della metafisica; pertanto egli è costretto a riconoscere che l’infinito della storia, rivelatrice della vita, è un falso infinito; meglio, un incompiuto, che non potrà mai rendere ragione né di se stesso, né della vita.
D’altra parte, Dilthey vuole restare fedele al suo assunto iniziale, di non voler spiegare la storia e la vita con qualche cosa di esterno all’una e all’altra; e ciò lo costringe ad assumere questo falso-infinito come l’assoluto.
Strana contraddizione, e tuttavia inevitabile per un pensiero che voglia evitare di scivolare nelle aporie inestricabili del relativismo. Stefanini ne parla in una pagina notevole del suo libro Il dramma filosofico della Germania, Cedam, Padova, 1948, p.p. 194-195:
Mettere l’assoluto nel finito della vita e della storia vuol dire corrompere il finito e renderlo inintelligibile. Invece, recidere il nodo che stringe due coimpossibili, vuol dire salvare la stria e la vita e renderle intelligibili. (…) La connessione strutturale che ci salda a noi stessi nel processo delle nostre esperienze storiche, non esaurisce tutto l’essere e tutta la realtà: non esaurisce nemmeno l’essere che noi siamo. La vita non può mantenersi unitaria e coerente senza includere in sé il riconoscimento ch’essa non è il Tutto. È questo riconoscimento l’atto di sincerità iniziale, di vero valore metafisico anche se espresso dalla coscienza ingenua d’un fanciullo o d’un indotto, che salva (…) la coesione vitale dell’io con se stesso, dando all’identità che noi siamo e che noi faticosamente ricostruiamo il valore di simbolo, positivo, reale, ma inadeguato, della totalità nella quale siamo contenuti, anzi dell’assoluta unità vitale, infinitamente trascendente, che contiene tutta se stessa e la totalità dell’essere creato.
In fondo, si torna sempre al problema dibattuto dai filosofi del Settecento e del primo Ottocento, se l’essere umano sia interamente storico, o se vi sia una parte di esso che non si lascia circoscrivere entro le categorie della storia, ma rinvia a una essenza più profonda, imperitura, di origine extra-temporale. È il problema dibattuto, fra l’atro, dagli ideologues parigini che, dopo la scoperta di un ragazzo selvaggio nelle campagne francesi, si interessarono al caso, proprio per le sue evidenti implicazioni di carattere non solo pedagogico (sarebbe stato possibile rieducarlo?), ma anche filosofico (esistono nella mente delle idee innate, o soltanto acquisite?). Ce ne siamo occupati, di recente, nel saggio Il conflitto tra « natura » e « cultura» nel caso del ragazzo selvaggio dell’Aveyron, consultabile sempre sul sito di Arianna Editrice.
Non vi sono dubbi sulla posizione che avrebbe preso Dilthey, se fosse vissuto all’epoca dei memoriali del medico Itard, ai primi del 1800. L’uomo, per lui, non è che il prodotto della storia.
Ma siamo poi certi che avesse ragione?
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mardi, 23 novembre 2010
Der Geist von Tauroggen und Sewastopol
Der Geist von Tauroggen und Sewastopol
Wolfgang Strauss - Ex: http://www.velesova-sloboda.org/
Zahlreiche russische Staatsmänner haben die Auffassung vertreten, gute Beziehungen mit dem deutschen Volk seien das A und O der russischen Europapolitik. Die deutschen Patrioten pflichten dieser Ansicht voll und ganz bei und halten ein deutsch-russisches Bündnis für den Eckstein der deutschen Ostpolitik. Als Vorbild dient ihnen Tauroggen. Am 30. Dezember 1812 unterzeichneten der preußische General York von Wartenberg und der russische General Dibitsch in einer Mühle des litauischen Dorfes Poscherun die Konvention von Tauroggen. Diese sollte das Schicksal Napoleons endgültig besiegeln und seine Niederlage unvermeidlich machen.
In unsren Tagen geht die Bedrohung Europas von keiner Grossen Armee aus. Für Deutsche und Russen stellen die amerikanische Massenkultur sowie der westliche Liberalismus die tödlichste Bedrohung dar. Nach den Plänen Washington ist das Ziel der “Neuen Weltordnung” die Kolonisierung des europäischen Kontinents und die Vernichtung der Eigenständigkeit sowohl des russischen als auch des deutschen Volkes. Aus diesem Grund betrachten die Patrioten Deutschlands Amerika als den Hauptfeind der Deutschen und der Russen zugleich. Der geistige und ethische Widerstand dieser beiden führenden europäischen Völker bildet ein Hindernis auf dem Weg zur “Neuen Weltordnung”.
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Die wechselseitigen Beziehungen zwischen Russen und Deutschen sind untrennbar mit der Geschichte der russischen Erde verknüpft; sie bestehen seit ungefähr zweitausend Jahren und sind somit sehr viel älter als die Entdeckung Amerikas oder die Epochen der Aufklärung und des Kapitalismus. Zum Aufbau des imperialen russischen Staates haben Deutsche als Berater, Unternehmer, Diplomaten, Soldaten, Politiker, Philosophen, Pädagogen, Ärzte usw. maßgeblich beigetragen. In den Adern Afanassi Fets und Alexander Bloks floß deutsches Blut, und die deutschen Gelehrten Gmelin, G.F. Müller, Steller, Middendorf, Toll und Pallas wirkten bei der allseitigen Erforschung Sibiriens im 18. Jahrhunderts entscheidend mit.
Von diesen Männern und ihren Taten wissen die Moskau-Korrespondenten der deutschen Zeitungen, des deutschen Rundfunks und des deutschen Fernsehens nichts. Sie, die sie keine Ahnung von Geschichte haben, richten törichte Attacken gegen die nationale russische Opposition.
Gegen die einseitige Darstellung der Lage in Rußland wendet sich die nationale deutsche Opposition, insbesondere die hochkarätigen Zeitschriften “Staatsbriefe”, “Criticon”, “Nation und Europa” und “Etappe”. Diese Publikationen, die von Studenten und jungen Intellektuellen gelesen werden, stehen geschlossen hinter der nationalen Opposition Rußlands.
Russenhaß ist im heutigen Deutschland zur seltenen Ausnahme geworden. Die aus Deutschland zurückkehrenden russischen Soldaten berichten kaum je von feindseligen Gefühlen, die ihnen seitens der deutschen Bevölkerung entgegengeschlagen hätten. Unter den Deutschen ist der Geist von Tauroggen und Sewastopol noch lebendig. Alles in allem läßt sich ohne weiteres sagen, daß die antirussischen deutschen Medien gleichzeitig auch Todfeinde Deutschlands, seines Volkes und des deutschen Patriotismus sind. Ihre Feindschaft gegen Rußland geht Hand in Hand mit einer ausgeprägten Deutschfeindlichkeit. Diesen Handlanger der amerikanischen “Neuen Weltordnung” wird es so ergehen wie Napoleon bei Borodino, an der Beresina, in Tauroggen und bei Leipzig.
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dimanche, 21 novembre 2010
Prima che Nietzsche venisse: Giacomo Leopardi
Prima che Nietzsche venisse: Giacomo Leopardi
Alessandra COLLA - http://www.alessandracolla.net/
Archives: 1994
Negli scritti di Nietzsche, è stato detto, si può trovare tutto e il contrario di tutto. Questa pretesa contraddizione interna del grande pensatore ha fornito materiale in quantità per molte opere — talvolta critiche talvolta denigratorie — che hanno accompagnato negli anni la fortuna del filosofo senza, peraltro, mai scalfirne il nòcciolo.
In mezzo alla feconda complessità dei temi trattati, emergono però alcuni aspetti interessanti e solitamente poco noti ai più. Vogliamo qui accennarne qualcuno, almeno per suggerire nuove curiosità.
L’UOMO CHE VISSE DIETRO LA SIEPE
… questa siepe, che da tanta parte
dell’ultimo orizzonte il guardo esclude.
(G. Leopardi, L’infinito, 1819)
Il XVIII secolo sta per finire quando, nel 1798, nasce a Recanati Giacomo Taldegardo Francesco Leopardi, figlio del conte Monaldo e della marchesa Adelaide Antici. Autentico bambino prodigio, all’età di undici anni Giacomo si ritrova senza precettore: sa già tutto quello che c’è da sapere, e non c’è nessuno in grado di seguirlo negli studi. Con la beata incoscienza della sua età, il primogenito di casa Leopardi continua da solo. Da solo impara il greco, l’ebraico, il francese, l’inglese e lo spagnolo; padrone, a soli quindici anni, di tante lingue vive e morte, sviluppa a quest’età l’amore per gli studi filologici: le grammatiche e le sintassi non hanno più per lui alcun segreto, ed ora è finalmente libero di cogliere nella loro pienezza i tesori che si celano dietro l’aridità apparente delle forme verbali e delle declinazioni.
Il 1816 segna una svolta di importanza capitale nella vita e nel pensiero di Leopardi: è in quest’anno, infatti, che il giovane scopre le lettere e la poesia, sulle quali riversa la passione finora consacrata all’erudizione e alla disciplina filologica. Dello stesso anno è anche la prima, e non la più grave, delle molte crisi fisiche e nervose che travaglieranno la sua breve vita: con orrore e certo senza rassegnazione, Giacomo intuisce di aver definitivamente minato la sua già gracile costituzione con un’applicazione mentale eccessiva. Ad aggravare la situazione psicologica del giovane sopraggiunge, sul finire dell’anno, il breve soggiorno in casa Leopardi della bella cugina Gertrude Cassi sposata Lazzari: scoppia la prima infatuazione amorosa, tutta platonica e ovviamente unilaterale, di Giacomo, che recita qui per la prima volta il copione dell’amore illuso e deluso — lo ripeterà per tutta la vita.
Il suo stato d’animo non migliora affatto. In una celebre, drammatica lettera all’amico scrittore Pietro Giordani, datata 2 marzo 1818, Leopardi lascia sgorgare senza pudori tutta la sua amarezza profonda e inconsolabile: «[…] in somma io mi sono rovinato con sette anni di studio matto e disperatissimo in quel tempo che mi s’andava formando e mi si doveva assodare la complessione. E mi sono rovinato infelicemente e senza rimedio per tutta la vita, e rendutomi l’aspetto miserabile, e dispregevolissima tutta quella gran parte dell’uomo, che è la sola a cui guardino i più; e coi più bisogna conversare in questo mondo». Nel settembre dello stesso anno il Giordani, allarmato dalle parole del giovane, lo raggiunge a Recanati per condurlo con sé a Macerata: un viaggio di ben pochi chilometri — il primo in assoluto di Giacomo, allora ventenne. L’impatto con una dimensione estranea a quella del sonnolento “borgo natio” e la consapevolezza di un mondo vasto e sconosciuto destinato a restare fuori dalla sua portata non fanno che aumentare l’inquietudine di Leopardi, che si sente (e sa di essere davvero) profondamente diverso dagli altri, e anela alla gloria.
Nella primavera del 1819 la sua già malferma salute va peggiorando: un esaurimento fisico generale lo prostra, e si manifestano i primi disturbi agli occhi che gli impediscono di leggere per quasi un anno e che, d’ora in poi, lo accompagneranno per tutta la vita. Questo episodio rientra a pieno titolo fra i motivi scatenanti di quel pessimismo assoluto che diverrà cifra e referente del pensiero leopardiano (1).
Corollario inevitabile di questo crollo di ogni illusione è la perdita della fede religiosa; per compensare la quale il Leopardi si getta nell’elaborazione di un suo sistema filosofico — una sorta di materialismo pessimistico radicale sull’onda, paradossalmente, delle suggestioni illuministiche. Se infatti l’illuminismo tracciava il disegno grandioso di un progresso inarrestabile volto a condurre l’umanità intera verso luminosi e necessari destini, per il Leopardi le istanze deterministiche e la constatazione di uno “stato di natura” suggeriscono piuttosto l’idea di un decadimento dell’uomo dalle altezze dell’età antica alle bassure di quella moderna; e la civiltà, lungi dal rappresentare il punto d’arrivo dell’evoluzione umana, si configura invece come l’allontanamento dell’uomo dalla beata condizione naturale, unica e sola in grado di garantire la felicità — cioè l’assenza o la cessazione del dolore (secondo la scuola stoica prediletta dal poeta-filosofo). Il grande passo è compiuto: da qui in avanti il Leopardi alternerà meditazioni filosofiche a composizioni poetiche, per approdare, dopo un silenzio durato cinque anni (dal 1823 al 1828), alla sublime fusione di sostanza filosofica e forma poetica. Sempre più minato nel fisico, trascinerà un’esistenza sofferente, alleviata soltanto dalle cure assidue e affettuose di pochi amici, fino alla morte, sopravvenuta il 14 giugno 1837 a Napoli, in casa dell’amico Antonio Ranieri.
IL POETA E IL FILOSOFO: AFFINITÀ ELETTIVE
È un destino singolare, come si vede, quello che accomuna Giacomo Leopardi e Friedrich Nietzsche: entrambi sono stati mutilati dalla critica, contemporanea e successiva, in gran parte della loro opera — si sa che il Leopardi è noto, apprezzato e studiato come poeta, ma per lo più ignorato come filosofo, mentre Nietzsche è giudicato a buon diritto un gigante del pensiero ma poco più che un semplice dilettante nel campo delle arti. Eppure, come pochi ormai si azzardano a negare, la verità è molto diversa.
Ma le somiglianze non finiscono qui. Sia l’italiano inquieto che il riservato tedesco iniziano il loro percorso intellettuale sui testi di filologia, anche se per motivi dìversi: il piccolo Giacomo perché la pur nutrita biblioteca paterna non era in grado di offrire più niente a un bambino così sorprendentemente dotato; il giovane Federico perché la formazione ricevuta nel prestigioso istituto di Pforta gli aveva rivelato le immense possibilità speculative legate allo studio del mondo classico e delle sue lingue. Inoltre, entrambi furono costretti a viaggiare molto, ed entrambi per questioni di sopravvivenza, soggiornando addirittura negli stessi luoghi; entrambi furono di salute assai cagionevole, soffrendo persino degli stessi disturbi; entrambi trovarono l’ultimo conforto nella vicinanza di amici fedeli e disinteressati; e, per finire, il pensiero di entrambi è stato spesso snaturato e stravolto così da renderli invisi non soltanto a generazioni di studenti, ma anche a molti seri studiosi irrimediabilmente viziati nell’interpretazione dei loro testi.
La complementarità dei loro destini li rende simili al di là delle differenze oggettive, portandoli verso un unico sentire e un’identica visione della vita, tanto che sarà proprio Leopardi ad anticipare alcune delle più brillanti e rivoluzionarie intuizioni di Nietzsche.
Il pensatore di Röcken conosceva, almeno in parte, il Leopardi: sappiamo che nella biblioteca di Nietzsche figuravano due traduzioni tedesche di Leopardi, ad opera dello Hamerling e dello Heyse; sicuramente vi erano compresi i Canti, che il poeta italiano scrisse a partire dal 1818, lo Zibaldone e molto probabilmente le Operette morali. Ed è lo stesso Nietzsche a menzionare il Leopardi, anche se di passata e in modo non proprio lusinghiero: «Gli infelici raffinati, come Leopardi, che dalla loro sofferenza traggono orgogliosamente vendetta su tutta l’esistenza, non si accorgono come il divino mezzano dell’esistenza rida di loro: proprio così essi ora berranno di nuovo dalla sua coppa; infatti la loro vendetta, il loro orgoglio, la loro inclinazione a pensare tutto quanto soffrono, la loro arte nel dirlo: tutto questo non è di nuovo — dolce miele?» (2).
Alla luce di un’attenta lettura del poeta italiano e del filosofo tedesco, è innegabile che le influenze del primo sul secondo esistano, e siano ben documentabili. Confrontiamo, ad esempio, Il sabato del villaggio e La sera del dì di festa (composte entrambe nel settembre 1829) con un frammento di Nietzsche. Il Leopardi scrive:
«[…] intanto riede alla sua parca mensa,
fischiando, il zappatore,
e seco pensa al dì del suo riposo.
Poi, quando intorno è spenta ogni altra face,
e tutto l’altro tace,
odi il martel picchiare, odi la sega
del legnaiuol, che veglia
nella chiusa bottega alla lucerna,
e s’affretta, e s’adopra
di fornir l’opra anzi il chiarir dell’alba.
Questo di sette è il più gradito giorno,
pien di speme e di gioia:
diman tristezza e noia
recheran l’ore, ed al travaglio usato
ciascuno in suo pensier farà ritorno» (3).
E ancora:
«[…] Ahi, per la via
odo non lunge il solitario canto
dell’artigian che riede a tarda notte,
dopo i sollazzi, al suo povero ostello;
e fieramente mi si stringe il core,
a pensar come tutto al mondo passa,
e quasi orma non lascia. Ecco è fuggito
il dì festivo, ed al festivo il giorno
volgar succede, e se ne porta il tempo
ogni umano accidente. […]» (4).
Quello che segue, invece, è il testo nietzscheano:
«Il pomeriggio del sabato si deve passare per un villaggio, se si vuol vedere sui volti dei contadini la vera quiete del dì di festa: allora essi hanno ancora indelibata davanti a sé la giornata di riposo e si industriano a far ordine e pulizia in suo onore con una specie di piacere anticipato, quale non sarà raggiunta dal piacere stesso. La domenica è già quasi lunedì» (5).
Oppure si paragonino questi due brani:
«Ogni grande amore porta con sé il crudele pensiero di uccidere l’oggetto dell’amore, perché sia sottratto una volta per tutte al sacrilego giuoco del mutamento: giacché di fronte al mutamento l’amore inorridisce più che di fronte alla distruzione»;
«Il veder morire una persona amata, è molto meno lacerante che il vederla deperire e trasformarsi nel corpo e nell’animo da malattia (o anche da altra cagione)».
Il primo è di Nietzsche (6), mentre il secondo è di Leopardi (7).
Con un minimo di attenzione, è facilissimo trovare, sparsi qua e là nello Zibaldone senza un ordine fisso, ma sull’onda di meditazioni e concatenamenti apparentemente confusi che fanno delle elaborazioni leopardiane un autentico “pensiero in movimento” destinato ad arrestarsi soltanto con la morte, intuizioni e abbozzi di teorie poi ripresi e sviluppati compiutamente da Nietzsche nell’arco di pochi decenni, e che nella prosa densa del Leopardi spiccano in tutta la loro grandezza.
Così alcuni notevoli passi che anticipano la Genealogia della morale sono del 4-5 settembre 1821: «La legge naturale varia secondo le nature. Un cavallo che non è carnivoro giudicherà forse ingiusto un lupo che assalga e uccida una pecora, l’odierà come sanguinario, e proverà un senso di ribrezzo e d’indignazione abbattendosi a vedere qualche sua carnificina. Non così un lione. Il bene e il male morale non ha dunque nulla di assoluto. Non v’è altra azione malvagia, se non quelle che ripugnano alle inclinazioni di ciascun genere di esseri operanti: né sono malvage quelle che nocciono ad altri esseri, mentre non ripugnino alla natura di chi le eseguisce» (8); «Si suol dire che tutte le cose, tutte le verità hanno due facce, diverse o contrarie, anzi infinite. Non c’è verità che prendendo l’argomento più o meno da lungi, e camminando per una strada più o meno nuova, non si possa dimostrar falsa con evidenza ec. ec. ec. Quest’osservazione (che puoi molto specificare ed estendere) non prova ella che nessuna verità né falsità è assoluta, neppure in ordine al nostro modo di vedere e di ragionare, neppur dentro i limiti della concezione e ragione umana?» (9); «Da ciò che si è detto della legge pretesa naturale, risulta che ne vi è bene né male assoluto di azioni; ci queste non sono buone o cattive fuorché secondo le convenienze, le quali son stabilite, cioè determinate dal solo Dio ossia, come diciamo, dalla natura; che variando le circostanze, e quindi le convenienze, varia ancora la morale, né v’è legge alcuna scolpita primordialmente ne’ nostri cuori; che molto meno v’è una morale eterna e preesistente alla natura delle cose, ma ch’ella dipende e consiste del tutto nella volontà e nell’arbitrio di Dio padrone sì di stabilire quelle determinate convenienze che voleva […]. Da tutto ciò resta spiegata la differenza fra la legge che corse prima di Mosè, quella di Mosè, e quella di Cristo. […] L’antica legge Ebraica permetteva il concubinato, fuorché colle donne forestiere ec. L’odio del nemico costituiva lo spirito delle antiche nazioni. Ecco le leggi di Mosè tutte patriottiche, ecco santificate le invasioni, le guerre contro i forestieri, proibite le nozze con loro, permesso anche l’odio del nemico privato. E Gesù comandando l’amor del nemico, dice formalmente che dà un precetto nuovo. Come ciò, se la morale è eterna e necessaria? Come è male oggi, quel ch’era forse bene ieri? Ma la morale non è altro che convenienza, e i tempi avevano portato nuove convenienze. Questo discorso potrebbe infinitamente estendersi generalizzando sullo stato del mondo antico e moderno, e sulla differente morale adattata a questi diversi stati. L’uomo isolato non aveva bisogno di morale, e nessuna ne ebbe infatti, essendo un sogno la legge naturale. Egli ebbe solo dei doveri d’inclinazione verso se stesso, i soli doveri utili e convenienti nel suo stato. Stretta la società, la morale fu convenienza, e Dio la diede all’uomo appoco appoco, o piuttosto ora una ora un’altra, secondo i successivi stati della società: e ciascuna di queste morali era ugualmente perfetta, perché conveniente; e perfetto è l’uomo isolato, senza morale» (10).
Un rilievo del 1823 sembra attagliarsi perfettamente a certe considerazioni contenute nell’Anticristo: «Persone imperfette, difettose, mostruose di corpo, tra quelle che non arrivano a nascere e […] tra quelle che son tali dalla nascita […]; quelle che così nate vivono e […] quelle finalmente che tali son divenute dopo la nascita […]; sommando dico e raccogliendo tutti questi individui insieme, si vedrà a colpo d’occhio e senza molta riflessione che il loro numero nel solo genere umano, anzi nella sola parte civile di esso, avanza di gran lunga non solamente quello che trovasi in qualsivoglia altro intero genere d’animali, non solamente eziandio quello che veggiamo in ciascheduna specie degli animali domestici, che pur sono corrotti e mutati dalla naturale condizione e vita, e da noi in mille guise travagliati e malmenati; ma tutto insieme il numero degl’individui difettosi e mostruosi che noi veggiamo in tutte le specie di animali che ci si offrono giornalmente alla vista, prese e considerate insieme. La qual verità è così manifesta, che niuno, io credo, purché vi pensi un solo momento e raccolga le sue reminiscenze, la potrà contrastare. Simile differenza si troverà in questo particolare fra le nazioni civile e le selvagge, e proporzionatamente fra le più civili e le meno, secondo un’esatta scala» (11). Di questa lunga citazione merita, a nostro avviso, sottolineare anche l’accenno agli animali, che è una costante del Leopardi: la sua attenzione nei confronti della natura e degli esseri viventi è continua e delicata, comprendendo ogni forma di vita nel mistero del dolore universale e del pessimismo cosmico. Anche questo è un tratto (e non dei minori) che lo accomuna a Nietzsche.
Sempre nell’Anticristo, troviamo invece una frase illuminante del filosofo tedesco: «Se si avesse nel petto una qualche misura, anche esigua, di religiosità, un Dio che cura al momento giusto il raffreddore o che ci fa salire in carrozza nel preciso istante in cui si scatena un acquazzone dovrebbe essere per noi tanto assurdo, che occorrerebbe eliminarlo anche nel caso in cui esistesse. Un Dio come domestico, come portalettere, come venditore d’almanacchi — una sola parola, in fondo, per indicare la specie più stupida tra tutte le circostanze fortuite…» (12). Il riferimento alla celebre operetta morale che il Leopardi scrisse nel 1832, e intitolata appunto Dialogo di un venditore di almanacchi e di un passeggere, ci sembra assolutamente fuor di dubbio: nel Dialogo, il poeta immagina l’incontro fra un “passeggere” e un venditore di calendari che propone al passante l’acquisto di un calendario per l’anno nuovo. Il passante si informa se l’anno nuovo sarà o no migliore del precedente, e il venditore risponde di sì; ma il passante incalza, e vuole sapere a quale degli ultimi vent’anni potrebbe essere paragonato l’anno nuovo in quanto a bontà; il venditore annaspa, travolto dalla stupidità dei luoghi comuni che il passante gli sciorina uno dietro l’altro, e il dialogo si conclude col timido “speriamo…” del venditore che non può fare altro che rifilare al passante un calendario qualsiasi, nell’illusione che il futuro sarà comunque migliore del passato. Eccolo qua, il Dio schernito da Nietzsche: un Dio buono per tutte le stagioni, che porterà il sole al villeggiante e la pioggia al contadino, la pace a chi combatte e la guerra al mercante d’armi — proprio un Dio che, se davvero esistesse, andrebbe eliminato.
Non sono — ovviamente — tutti qui i paralleli fra il poeta-filosofo e il filosofo-poeta. L’argomento meriterebbe ben più di qualche cenno frettoloso, ma sappiamo che l’insofferenza di troppi per la poesia leopardiana non è certo né il minore né l’ultimo dei guasti fatti dalla scuola italiana. Per chiudere in bellezza, scegliamo l’insegnamento supremo di Zarathustra il Distruttore: «Uomini superiori, imparatemi - a ridere!» (13), adombrato in uno degli ultimi appunti dello Zibaldone: «Terribile e awful è la potenza del riso; chi ha il coraggio di ridere, è padrone degli altri, come chi ha il coraggio di morire» (14).
(testo apparso originariamente sulla rivista “Origini”,
numero monografico su Friedrich Nietzsche, 1994)
NOTE
(1) Lui stesso descriverà così l’avvenuto mutamento, in un’annotazione datata 1 luglio 1820: «Sono stato sempre sventurato, ma le mie sventure d’allora erano piene di vita, e mi disperavano perché mi pareva […] che m’impedissero la felicità, della quale gli altri credea che godessero. […] La mutazione totale in me […] seguì […] nel 1819 dove privato dell’uso della vista, e della continua distrazione della lettura, cominciai […] a divenir filosofo di professione (di poeta ch’io era), a sentire l’infelicità certa del mondo» (Giacomo Leopardi, Zibaldone, Oscar Mondadori, Milano 1972, vol. 1, p. 118).
(2) Friedrich Nietzsche, Umano, troppo umano (e scelta di frammenti postumi), Oscar Mondadori, Milano 1976, vol. II, fr. 38 [2], p. 273.
(3) G. Leopardi, Il sabato del villaggio, vv. 28-42.
(4) Idem, La sera del dì di festa, vv. 24-33.
(5) F. Nietzsche, Umano…, cit., fr. 45 [3], p. 286.
(6) Ivi, fr. 280. p. 95.
(7) G. Leopardi, Zibaldone, cit., p. 290 (8 gennaio 1821).
(8) Idem, Zibaldone, cit., vol. II, p. 582 (4 settembre 1821).
(9) Ivi, p. 585 (5 settembre 1821).
(10) Ivi, pp. 587-589 (5 settembre 1821).
(11) Ivi, p. 844 (28 luglio 1823).
(12) F. Nietzsche, L’Anticristo. Maledizione del cristianesimo, Adelphi, Milano 1977, par. 52, p. 75.
(13) F. Nietzsche, Così parlò Zarathustra, Adelphi, Milano 1973, p. 359 (“Dell’uomo superiore” - 20, 25).
(14) G. Leopardi, Zibaldone, cit., vol. II, p. 1160 (23 settembre 1828).
(© Alessandra Colla, Prima che Nietzsche venisse, 1994, in “Origini - Nietzsche”, 2006)
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mercredi, 20 octobre 2010
Un ouvrage collectif sur Schopenhauer (ou huit raisons de le relire)
Archives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1989
Un ouvrage collectif sur Schopenhauer (ou huit raisons de le relire)
par Robert STEUCKERS
♦ Wolfgang Schirmacher (Hrsg.), Schopenhauers Aktualität : Ein Philosoph wird neu gelesen, Passagen-Verlag, Vienne, 1988, 362 p.
Le 200ème anniversaire de la naissance de Schopenhauer a amorcé un intérêt pour sa personne et sa philosophie. Ce philosophe demeure d'actualité, pense Reinhard Margreiter, vice-président de la Internationale Schopenhauer-Vereinigung, pour 8 raisons essentielles :
- 1) Il a développé un discours philosophique double : académique d'une part, populaire d'autre part.
- 2) Il insiste sur la vérité et cultive un affect anti-idéologique.
- 3) Il donne la priorité à la réflexion par rapport à l’intuition.
- 4) Il est l'un des premiers, en Europe, à abandonner l'euro-centrisme philosophique de façon conséquente.
- 5) Il déploie une éthique ontologique, non anthropocentrique.
- 6) Il entonne un plaidoyer pour une mystique non obscurantiste, ancrée dans les phénomènes.
- 7) Il jette les bases d’une phénomenologie critique des religions.
- 8) Il traite de façon originale le problème de la dialectique.
I. Discours académique et discours populaire
Les premiers adeptes de Schopenhauer ne furent pas seulement des universitaires mais aussi des gens issus de tous les milieux sociaux et professionnels. Cette hétérogénéité du public crée une communauté de communication, où s'échangent des vues et se commentent des expériences très différentes les unes des autres, provoquant l'émergence d'un discours interdisciplinaire de nature plurielle et « exotérique ». C'est dans cette volonté de limiter l'ésotéricité du discours philosophique et de promouvoir l’exotéricité de la philosophie que réside l'actualité de Schopenhauer. Dans le discours pluriel qui en découle, les éléments philosophiques, scientifiques, existentiels, etc., interagissent les uns sur les autres et la philosophie doit explorer ces plages d'interaction, tout en résistant à la tentation de s'abstraire de ce tumulte. La philosophie, placée à l'intersection du savoir et de la vie quotidienne, doit servir de pont.
II. La « vérité » et l'affect anti-idéologique
Quand Schopenhauer se concentre sur la « vérité », il ne cherche pas un monde au-delà du monde, un « double » du monde (pour reprendre une expression de Clément Rosset qui lui a consacré une biographie dans la collection SUP des PUF) (1), mais marque sa volonté d'aller à l'essentiel en toute indépendance sans avoir à dépendre d'institutions ou de donateurs. L'insistance sur la « vérité » est aussi refus du culte des personnalités (qui ne sont dès lors que gesticulations éphémères) et de l'hypocrisie de toutes les orthodoxies (qui impliquent fermeture au monde). Les idéologies étant les travestissements d'un optimisme béat, Schopenhauer les combat parce qu'elles empêchent le philosophe de mener à fond sa quête intellectuelle, de parfaire sa recherche des ressorts ultimes du monde, ressorts qui n'autorisent en rien l'optimisme historicisant.
III. Réflexion et intuition
À l'époque où Schopenhauer formule sa philosophie, les principaux idéalistes allemands, Fichte, Schelling et Hegel, plaçaient l'intuition au-dessus de la réflexion. Pour Schopenhauer, c’est ouvrir la porte à toutes les charlataneries. La réflexion intellectuelle a ses droits et elle n’est pas le contraire de l’Anschaulichkeit, c’est-à-dire de la vision directe, inspirée et spontanée du concret. Elle n'est évidemment pas but en soi mais moyen de ne pas basculer dans l'obscurantisme. Pour Margreiter, ce rôle dévolu à la réflexion doit nous interpeller à nouveau, à notre époque dite « postmoderne », où une certaine postmodernité sauvage, diffuse, charlatanesque, risqué d’étouffer l’éclosion d’une postmodernité précise et sérieuse (2). Schopenhauer défendait la réflexion contre l’intuitionnisme aveugle et acritique en vogue à son époque. Dans son plaidoyer pour la “réflexion”, on peut tirer bon nombre de leçons pour notre actuelle “ère du vide”, qui permet à quantité de déviances mystico-farfelues et de subjectivismes délétères d'envahir notre univers réflexif.
IV. Pour en finir avec l'euro-centrisme
Schopenhauer annonce la fin de l'euro-centrisme en philosophie. Après lui, tout ce qui s'est pensé et se pense en dehors d'Europe n'est plus simple objet d'intérêt exotique mais matière à dialogue. C'est l'amorce d'un dialogue interculturel, d'un dialogue mondial entre les cultures. Mais cette reconnaissance des créations philosophiques extra-européennes ne s'accompagne pas, chez Schopenhauer, d'une fébrilité de converti. Il ne se pose pas comme « déserteur de l'Europe », pour reprendre l'expression de Max Weber. En réhabilitant la pensée indienne, Schopenhauer réintroduit dans le discours philosophique des linéaments aussi importants que l'idée du malheur structurel et incontournable inhérent à la vie humaine et animale, l'égalité en rang du règne animal et du règne humain, un principe de réalité non intellectuel, etc. Cet arsenal d'idées, de méthodes inconnues ou oubliées en Europe, de questions et de réponses, permet un fantastique jeu de corrections et, surtout, la réappropriation d'une vision de l'harmonie qui est non chrétienne.
V. Une éthique ontologique, non anthropocentrique
L'agir humain, pour Schopenhauer, se réfère systématiquement à l'Être, lequel est la totalité de notre réel. D'où les normes de notre agir, pour autant qu'elles existent, sont structures de ce réel et ne lui sont pas étrangères, ne sont pas plaquées sur le réel à la manière d'un “tu dois” extérieur. Quant au réel, il n'est pas un socle rassurant, une base fiable cachée par la prolixité des phénomènes, mais un gouffre insondable auquel correspond le gouffre insondable de la nature humaine. Les stratégies et calculs anthropocentriques ne sont alors que des dérivatifs, visant à masquer ce chaos qui est fond-de-monde. L'historicisme, le pragmatisme, même le décisionnisme vitaliste et le “nihilisme de l'action” de Nietzsche, ne sont pas des réponses satisfaisantes. Toute “identité”, ou plus exactement toute “pose” que nous voulons bien nous donner ou nous forger, est par conséquence irréelle, éphémère, factice. Comme les volontés fébriles sont souvent mises en œuvre par les hommes pour se construire ces identities rassurantes et factices, Schopenhauer prône l'abandon des volontés illusoires pour regarder avec lucidité l'Abgrund, l'abîme, le chaos, le monde sans double.
Schopenhauer, dans la facette exotérique de son œuvre, démontre que les volontés, couplées aux chimères du rationalisme équarisseur et moralisant, ont mis les mondes animal, végétal, biochimique, etc., à disposition de l'homme et entraîné, par voie de conséquence, un processus d'holocide, un processus destructeur de l'écosystème, de la vie. La Machbarkeit rationaliste est anthropocentrique, ne tient donc pas compte de tout le réel et oublie l'abîme constitutif de ce réel. D'où la vision schopenhauérienne est double : le monde et les hommes sont interpellés par 2 catégories de faits ; 1) les volontés qui s'entre-déchirent parce qu'elles sont mues par le principium individuationis et 2) l'harmonie du tat-tvam-asi, que nous enseigne la philosophie hindoue et qui nous apaise et nous conduit à la solidarité. L'éthique de Schopenhauer, au vu de l'infécondité fondamentale des constructivismes et de la la raison prescriptive, nous amène à accepter une phénoménologie descriptive, prenant en compte le comportement humain tel qu'il est, se référant à une ontologie du chaos et de l'abîme (sans aucun arrière-monde consolateur), s'identifiant à une mystique réalitaire, celle du tat-tvam-asi postulant l'unité de tout le vivant. Par le biais de cette unité, cette éthique peut être qualifiée d'“écologique”, ce qui la repropulse aussitôt dans notre actualité, où il y a urgence en matière écologique et où les pesanteurs d'une politique politicienne anachronique sont ébranlées par un vote écologiste. Le dépassement de l'anthropocentrisme, par l'ontologie de l'abîme, implique simultanément un dépassement des formes prescriptives et impératives de la vieille éthique reposant sur Dieu, la Raison ou le positivisme optimiste. La démarche de Schopenhauer consiste donc en un « saut cosmologique » qui quitte le domaine étroit du sociétaire, étouffoir des « perspectives aquilines ».
VI. Pour une mystique non obscurantiste
L'unité fondamentale de toute chose et de toute vie ne peut se saisir que par une mystique. La mystique saisit donc la réalité au-delà de tout dicible et de tout pensable. C'est la réalité d'avant le langage, la réalité non cognitive, laquelle se borne à “se montrer”, se dévoiler. Schopenhauer a, sur ce plan, inspiré directement Ludwig Wittgenstein pour son Tractatus logico-philosophicus, dont l'un des thèmes centraux est de constater que le langage masque le réel, masque la prolixité féconde et ubiquitaire de l'indicible et de l'impensable, de l'incommensurable. Ce travail de masquage est arbitraire, illusoire, comme les poses et les gesticulations de ceux qui se laissent exclusivement mouvoir par le principium individuationis et en tirent toutes sortes de profits. Chez Schopenhauer, la trame du monde se fonde sur 2 logiques : celle de la volonté (expansive, aveugle, exploitrice, etc.) et celle de la négation de la volonté (mystique, harmonique, solidaire, acceptatrice du vivant sous toutes ses formes, etc.). L'intellect humain, d'abord instrument borné de la volonté aveugle, peut, dans l'art ou dans la musique, s'émanciper de cette funeste tutelle et accéder à une saisie des archétypes sans plus se limiter à formuler des généralisations abstraites. C'est cette démarche, à la fois mystique et immanente, qui inspire Wittgenstein, lequel cherche à dépouiller le langage de toutes les traces de cette non-empiricité gesticulatoire, de tous les reliquats d'arbitraire qui vicient sa pertinence, tout en valorisant l'art et la musique, dévoilements de l'indicible et des archétypes. La mystique de Schopenhauer et de Wittgenstein demeure de ce fait immanente et logique ; elle ne part pas à la recherche d'un arrière-monde qui dévaloriserait et masquerait (obscurcirait) ce monde dans lequel nous sommes jetés et qui repose en dernière instance sur l'abîme, le ginnungagap de l'Edda (3). L'obscurantisme étant ici le travail peureux de travestissement, de voilement, d'illusionnisme.
VII. Pour une phénoménologie critique des religions
Le projet rationaliste d'éliminer les religions, de les houspiller en des niches périphériques de la société, a largement échoué. Notre époque assiste à des renaissances religieuses, y compris dans les pays de “socialisme reel” et dans les sociétés libérales où elles offrent du sens et de la transcendance avec plus ou moins de bonheur. Ce retour inattendu des religions prouve que, malgré la charlatanerie obscurantiste que les religiosités marginales véhiculent, surtout aux États-Unis, la religion recouvre un besoin de transcendance inhérent à l'homme. Mais le constat de ce besoin ne conduit pas Schopenhauer à accepter les obscurantismes. Au contraire, sa mystique tragique, réalitaire et consciente du chaos, permet d'élaborer une religion dégagée de tout obscurantisme, de tout recours à des arrière-mondes (Clément Rosset).
VIII. Le problème de la dialectique
Parce qu'elle englobe des contradictions sans les nier ni chercher à les escamoter, la philosophie de Schopenhauer ne relève pas du monisme, n'est pas une philosophie de l'origine (unique) des choses. Schopenhauer est dialecticien car il ne salue pas les contradictions d'un haussement d'épaules et ne les emprisonne pas trop rapidement dans la camisole d'une synthèse. Il prend les contradictions du monde au sérieux ; il les inclut dans sa pensée et les articule à des niveaux multiples et disparates (d'où le reproche de désordre que l'on a souvent adressé à sa philosophie). Sa dialectique est éristique, c'est-à-dire acceptatrice des controverses et des antinomies, notamment celles qui sous-tendent notre connaissance. Les subjectivistes transcendantaux affirment que le monde est le produit de l'esprit humain ; les objectivistes réalistes affirment qu'il est le produit de la matière. Opter pour les uns ou pour les autres, c'est mutiler le monde, mettre entre parenthèses des éventails de perspectives pourtant bel et bien existantes. Mais comme on ne peut raisonner sans base de départ, on est contraint d'opter arbitrairement pour l'esprit ou pour la matière. C'est pourquoi, il faut se ménager une porte de sortie, prévoir un mode rectificateur et se montrer capable de changer de paradigme. De ce fait, Schopenhauer nous enseigne qu'il n'y a pas de “premier absolu”, donc pas de philosophie de l'origine (unique) qui tienne. Schopenhauer suggère une philosophie ouverte, qui échappe aux assertions ultimes de la métaphysique prescriptive tout en rendant possible l'événement d'une métaphysique empirique.
Le volume édité par Schirmacher contient encore plusieurs essais féconds, dont un texte de Wim van Dooren sur le caractère “ouvert” de la philosophie de Schopenhauer ; de Wolfgang Weimer sur la dialectique du corps et de la conscience ; de Dorothée Jansen sur la musique comme dévoilement de la vérité chez Schopenhauer et de Georges Goedert sur les rapports Schopenhauer/ Nietzsche dans la critique de la démocratie. Nous reviendrons sur ces textes dans notre série “Nietzscheana”, commencée dans Orientations n°9.
► Robert Steuckers, Orientations n°11, 1989.
◘ Notes :
- (1) Clément Rosset, Schopenhauer, PUF, 1968. Une réédition de cet ouvrage est parue en 1988 à l'occasion du 200ème anniversaire de la naissance de Schopenhauer dans la collection Quadrige des PUF.
- (2) Pour une définition des postmodernités « diffuse » et « précise » , cf. Wolfgang Welsch, Unsere postmoderne Moderne, VCH-Acta Humaniora, Weinheim, 1987. Recension par R. Steuckers in Vouloir n°54/55, 1989.
- (3) L'abîme constitutif du monde apparaît dans la mythologie hindoue et Schopenhauer s’y réfère (Rgveda, X, 129, 1). La mythologie nordique évoque le ginnungagap, trou béant existant avant que tout n'existe, et que les chrétiens assimileront, avec Adam de Brème, à l'enfer (ghinmendegop en vieil-haut-allemand). Exégète de l'Edda, le professeur de Zürich, Karl A. Wipf, parie pour une traduction plus précise, en l'occurrence « abîme travaillé par la magie », donc un grouillement, un bouillonnement informel d'où jaillira la vie pour y retourner ensuite. Cf. Kart A. Wipf, « Der Weltbau bei den Germanen » in Dieter Korell u. Hermann Maurer (Hrsg), Gesellschaft fur Vor- und Frühgeschichte, Tagung Niederösterreich 1985 Vorträge, Bonn/Wien, numéro spécial de Mannus, 3/4-1985.
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mardi, 19 octobre 2010
Temps, éternité et posthistoire (Arthur Schopenhauer)
Temps, Éternité et Posthistoire
Considérations inactuelles à l'occasion du bicentenaire de la naissance de Schopenhauer
par Hans-Christof KRAUS
[Ci-contre portrait (détail) de Schopenhauer par LS Ruhl, 1815. Sa philosophie prend le contre-pied du rationalisme et de l'optimisme progressiste du XlXe siècle. En effet, pour Schopenhauer, l'homme, à l'origine, n'est pas un être de connaissance mais un être d'instinct et de volonté. Une volonté qui s'anime dans un temps cyclique et non linéaire. Cette absence d'idéalité, posée comme un double du monde, et de progressisme a attiré l'attention de Clément Rosset en France. HC Kraus retient surtout la notion schopenhauerienne du temps : un temps dépourvu de toute historicité. Cette approche lui permet de réactualiser Schopenhauer en utilisant ses concepts pour appréhender l'ère post-historique que nous vivons aujourd'hui. Cette lecture croisée de Schopenhauer et des sociologues Arnold Gehlen (RFA) et Roderick Seidenberg (USA) permet bien des extrapolations et des innovations dans le territoire de la philosophie.]
I
Heidegger a défini les temps modernes comme « le temps des vues-du-monde », c'est-à-dire comme une époque où « l'essence de l'homme est en mutation », où « l'homme devient sujet ». Et il expliquait : « L'homme devient cet étant sur lequel se fonde tout étant dans la nature de son être et de sa vérité » (1). Le monde de l'homme de la modernité (Neuzeit) englobe simultanément la nature et l'histoire : en tant qu'« image » (Bild), le monde est désormais « l'étant dans le Tout en tant qu'il nous sert de règle (maßgeblich) » (2). Du coup, ce monde, tel qu'il se constitue pour l'homme de la modernité, prépare « la voie d'un épanouissement possible de l'humanité » (3). « Possible », car les chances d'épanouissement de l'homme ne sont pas illimitées : elles s'insèrent dans le cadre tracé par la vue-du-monde. Elles ne peuvent aller au-delà.
Mais le discours heideggerien sur le « temps des vues-du-monde » peut être compris et interprété dans un autre sens ; examinons-le : à la « vue-du-monde » et donc, si l'on y regarde de plus près, à chaque période de ce « temps de la vue-du-monde », correspond une conception déterminée du temps tout court ; cette conception, qui n'est nullement fortuite, s'avère inséparable de telle ou telle époque. Bref, l'idée, la conception du temps présente dans l'esprit de l'homme moderne doit être conçue comme le résultat de sa vue-dumonde et des potentialités qu'elle recèle.
Le « temps des vues-du-monde » perdure encore aujourd'hui ; le monde est resté pour nous « image », même si cette image s'est profondément altérée sous tel ou tel aspect depuis l'aube des temps modernes. La philosophie de Schopenhauer s'inscrit elle aussi dans cette grande tradition de la pensée moderne que décrit Heidegger : pour lui aussi, la réalité du monde tel que nous le percevons est l'image que s'en fait l'homme en tant que sujet autonome ; « Le monde est ma représentation » : c'est la première phrase de son œuvre principale (4). Mais Schopenhauer, on le sait, va plus loin : d'épigone de Kant, il devient philosophe vitaliste. Car voici que la volonté entre en lice, cette soif de vie sans direction ni but, cette tension vers l'infini qui anime tout ce que produit la nature.
Prenant le contre-pied de la tradition rationaliste, celle qui va de Descartes à Kant, Schopenhauer affirme que l'homme n'est nullement « à l'origine un être de connaissance ni même un être qui pense dans l'abstrait ». Il déclare en revanche : « Mon opinion fondamentale est que... tout cela n'est qu'une confusion entre l'effet et la cause : c'est la volonté qui est primordiale, originelle ; la connaissance n'est venue qu'après, c'est elle qui fait apparaître la volonté, mais elle n'en est que l'instrument » (5). Nous touchons ici à l'une des raisons de l'incontournable actualité de Schopenhauer : sa thèse, rigoureusement structurée, du primat de la volonté, de l'inconscient, de l'instinct, et même de l'imagination, sur l'intellect, la raison et la connaissance. Les philosophies vitalistes ultérieures, la psychanalyse freudienne et l'anthropologie philosophique de Gehlen ont d'ailleurs toujours été conscientes de ce qu'elles devaient au travail de pionnier accompli par Schopenhauer (6).
Mais un autre aspect de la philosophie de Schopenhauer apparaît plus actuel aujourd'hui qu'au siècle dernier, resté trop tributaire d'une pensée de type historiciste : il s'agit de sa conception du temps et de l'histoire qui le différencie autant des schémas de pensée tracés par Kant et Hegel que de la nouvelle pensée, légèrement postérieure, de Nietzsche. Curieusement incomprise, et largement ignorée à l'époque, cette doctrine acquiert, en ce XXe siècle finissant, une dimension entièrement nouvelle et une actualité insoupçonnée voici encore quelques années.
II
Évidemment, la philosophie de Schopenhauer — et ceci s'inscrit au passif de son auteur — a un point d'ancrage historique : l'époque où, pour reprendre la formule fameuse de Hegel, « la philosophie est peinte en gris », où « la chouette de Minerve ne prend son vol qu'à la tombée du jour » (7). Voilà qui éclaire ce que disait Gehlen quand il remarquait que « seule l'actualité la plus récente nous fait découvrir ce qui, chez ce grand penseur, dépasse les XVIIIe et XIXe siècles, car ce n'est qu'aujourd'hui qu'il se révèle dans toute sa grandeur » (8).
Le rôle du poète
Il faut ici faire mention de la doctrine schopenhauerienne du temps. À première vue, sa conception de l'histoire, qui en découle, apparaît extrêmement déroutante à l'observateur formé à la pensée historiciste du XIXe siècle. Défendant Aristote contre Hegel, Schopenhauer déclare que la poésie est plus philosophique que l'historiographie. En effet, le poète « conçoit l'idée d'humanité à partir d'un angle d'observation précis, qu'il s'agit justement d'expliquer, et c'est l'essence de son propre moi qui, en elle, s'objective à lui. À travers le miroir de son esprit, le poète nous montre l'idée pure et distincte, et ce qu'il décrit a la véracité de la vie elle-même » (9). La connaissance de l'essence de l'homme, telle qu'elle s'exprime à travers la poésie, se rapporte au général, à l'universel, tandis que l'historien reste engoncé dans le particulier :
« L'historien est obligé de scruter et de sélectionner les faits et les personnages non pas selon leur importance intrinsèque, véritable, celle qui exprime l'idée, mais en fonction de leur importance extérieure, apparente, relative, c'est-à-dire en relation avec les conséquences » (10).
Selon une thèse qui est centrale dans la philosophie de Schopenhauer, la volonté devient représentation sous la forme de l'idée. Les idées ne sont que des objectivations de la volonté à différents niveaux. Ces idées ont une valeur générale, elles sont éternelles et constituent à ce titre l'objet véritable de la réflexion philosophique.
« Il s'ensuit — écrit Schopenhauer —, que l'histoire de l'espèce humaine est l'enchevêtrement des faits, la mutation des temps, les formes complexes de l'existence humaine au fil des siècles. Mais tout cela n'est que la forme accidentelle de la manifestation de l'idée : ce n'est pas l'idée mais seulement sa manifestation, aussi étrangère, inessentielle et indifférente à l'idée que le sont aux nuages les formes qu'ils dessinent, au ruisseau la forme de ses tourbillons et de son écume, à la glace ses stalactites » (11).
C'est à partir de cette conviction fondamentale que Schopenhauer clame avec force son mépris pour l'histoire, constatant qu'« il en est dans le monde comme dans les drames de Gozzi, où ce sont toujours les mêmes personnages qui entrent en scène, avec les mêmes projets et la même destinée. Si les thèmes et les événements varient d'un drame à l'autre, l'esprit dans lequel s'inscrit l’action est invariable » (12).
Le point de mire de ces idées apparaît clairement : ce sont les « récits constructivistes » hégéliens qui, « guidés par un optimisme fade, débouchent régulièrement sur l'État confortable, nourricier, obèse, doté d'une belle structure, d'une justice, d'une police, d'une technique et d'une industrie bien réglées » (13). Bref, la cible, c'est l'optimisme du Progrès au XIXe siècle, optimisme dont nos contemporains, semble-t-il, sont en train de se guérir. Retenant les leçons de la pensée antique, Schopenhauer affirme, à propos des fondements de sa conception du temps, que :
« l'objet de la philosophie est l'immuable, ce qui est de toujours, non le contingent, ce qui est tantôt comme ceci, tantôt comme cela. Tous ceux qui échafaudent ce genre de constructions théoriques sur la marche du monde ou, comme ils disent, de l'histoire, n'ont pas saisi la vérité fondamentale de toute philosophie, à savoir que le même est de tout temps, que tout devenir et toute genèse ne sont qu'apparence, que les idées seules perdurent, que le temps participe de l'idée » (14).
Pour Schopenhauer, le temps n'a aucune “qualité”
La démarche intellectuelle de Schopenhauer consiste à ne reconnaître au temps aucune qualité. Ce qui est dans le temps, c'est-à-dire les choses, les phénomènes, images des idées, acquièrent par eux-mêmes leur valeur et leur signification, non par l'effet du temps ou de leur position accidentelle, fortuite, dans le temps. La philosophie, souligne Schopenhauer, est seule à nous inculquer une telle façon de voir : si « l'histoire nous enseigne qu'à chaque époque, il s'est passé des choses différentes », la philosophie, elle, nous aide à comprendre que le même fut, est et sera de tout temps (15). La forme accidentelle de la manifestation de l'idée et ses avatars dans le temps sont inessentiels par rapport à son essence véritable. Tout est éternel présent, il n'y a ni commencement ni fin :
« La terre tourne, le jour succède à la nuit, l'individu meurt, mais le soleil brûle sans trêve au Midi éternel. Pour le vouloir-vivre, la vie est une certitude : sa forme est un présent infini, même si les individus, manifestations de l'idée, naissent et passent dans le temps, semblables à des rêves fugitives » (16).
Pour Schopenhauer, il n'y a rien de nouveau sous le soleil, le nouveau est toujours de l'ancien et l'ancien toujours du nouveau ; la roue du temps tourne éternellement ; tout passe et tout re(de)vient, inessentiel et fortuit, car la voie véritable de l'ad-venir est préétablie, inexorable : nul être, nulle chose ne peut se dérober aux effets de la volonté.
III
Si l'on veut maintenant répondre à la question de l'actualité de cette conception du temps, typique de Schopenhauer, force est de relativiser, mais sur un point seulement, la prétention à l'universalité qui caractérise cette pensée : il s'agit d'ailleurs d'un problème que Schopenhauer lui-même a éludé en le déclarant sans intérêt : celui de la position historique de sa philosophie, autrement dit la question de savoir pourquoi c'est dans l'Europe centrale du début du XIXe siècle que le penseur Arthur Schopenhauer a conceptualisé les grandes vérités, toujours valables, sur l'existence du monde et de l'homme. Parvenus au stade actuel de réflexion, la question s'impose ; rapportée à la philosophie du temps chez Schopenhauer, elle peut se lire comme suit : si une conception déterminée du “temps” est “actuelle” (zeitgemäss) au sens strict, il faut qu'à une certaine époque, elle n'ait pas été telle, et si elle est actuelle aujourd'hui, elle ne l'est que pour le temps présent et l'avenir prévisible.
Dans l'un des textes les plus importants de son œuvre tardive, une conférence intitulée Über kulturelle Kristallisation (De la cristallisation culturelle) (17), Arnold Gehlen souligne à juste titre que le temps des grandes « attitudes-clés », des systèmes et conceptions du monde philosophiques traditionnels, qui prétendaient interpréter et expliquer le monde, était révolu. Voilà pourquoi la notion de temps chez Schopenhauer doit nécessairement être relativisée, remise en perspective (18).
Schopenhauer a-t-il préfiguré la “ posthistoire” ?
Mais Gehlen nous montre aussi pourquoi cette notion doit malgré tout être reprise, fût-ce sous une forme légèrement modifiée. Il faut lire à cet égard l'analyse que fait Gehlen de l'époque contemporaine, époque qu'il appelle la « posthistoire » (19) : le monde moderne, imprégné de civilisation techno-scientifique, dit-il en substance, peut désormais s'embrasser du regard, il n'a rien de bien nouveau à nous apprendre (il est « informatisch übersehbar »), il devient « sans surprise » (überraschungslos), en ce sens qu'« aucun événement inopiné de quelque importance ne peut plus s'y produire » (20). Le temps de la religion et de l'utopie est révolu car une « foi perdue, la foi naïve et désintéressée, ne peut être restaurée » (21). L'an-historicité à venir est définie comme une « mobilité sur des assises qui, elles, sont stationnaires » (22, ndt). Notre civilisation devient « stationnaire », c'est-à-dire que « d'une part, les grandes évolutions futures de la politique mondiale n'ont d'autres alternatives que des solutions de toute façon prévisibles... et d'autre part, les bases mêmes des sociétés industrielles sont définitivement jetées à l'échelle planétaire. Enfin, on attend vainement un “grand appel” capable de mobiliser notre enthousiasme et notre combativité spirituelle » (23).
Lorsque s'installe une telle situation de « cristallisation culturelle » (la formule est empruntée à Pareto), de post-histoire (et à notre époque, divers indices tendent à confirmer la thèse de Gehlen), les chances d'un authentique renouveau intellectuel et culturel sont extrêmement restreintes. Lorsqu'elles existent, elles s'inscrivent obligatoirement « dans le champ prédéterminé par des postulats fondamentaux déjà éprouvés (eingelebt), postulats que nul ne songe plus à remettre en cause » (24).
Dans son ouvrage Posthistoric Man, dont la première édition date de 1950, le sociologue américain Roderick Seidenberg avait déjà, quelques années avant Gehlen, développé l'idée que la civilisation techno-scientifique ferait transiter l'humanité vers la post-histoire. Celle-ci se caractériserait par un trop-plein de l'intellect par rapport à un instinct qui s'atrophie lentement, alors que dans la pré-histoire, c'est l'instinct qui primait l'intellect (25). Pour Seidenberg, l'histoire proprement dite n'est qu'un intérim, une période transitoire entre le primat de l'instinct et celui de l'intellect. Dès lors l'histoire n'est plus qu'un « stade, une étape entre des périodes beaucoup plus longues », « a transitional stage or phase between epochs of far longer duration » (26).
Rien de nouveau sous le soleil ?
Malgré quelques divergences (et, il faut bien le dire, certaines insuffisances), les analyses, diagnostics, prévisions de Gehlen et de Seidenberg s'accordent sur un point : l'évolution du monde a atteint un état stationnaire où, certes, des changements sont possibles (et se produisent du reste en permanence), mais uniquement dans un cadre strictement limité -- et délimité – en fonction de postulats précis et de possibilités préétablies. La civilisation technique, aboutissement et stade suprême du « temps des vues-du-monde », selon la définition de Heidegger, élabore ainsi une vision du temps qui, sous tous ses aspects essentiels, correspond à celle de Schopenhauer : il ne peut y avoir du « nouveau sous le soleil », la voie dans laquelle s'accomplissent la transformation et l'évolution des choses est tracée d'avance et les possibilités qui nous restent sont rigoureusement limitées. Autrement dit, le temps en tant que tel est devenu inessentiel, il a perdu sa qualité propre. Le progrès est impossible : qu'une chose arrive plus tôt ou plus tard dans le temps, cela est sans importance.
IV
La conscience temporelle et celle de l'être-dans-le-temps, propre à la post-histoire, n'a nulle part été exprimée de façon plus forte qu'au début du second volume du Monde comme volonté et comme représentation :
« Des boules innombrables brillent dans un espace infini. Autour de chacune d'elle gravite une douzaine de boules plus petites, éclairées, intérieurement brûlantes, mais recouvertes d'une écorce raidie par le froid où une moisissure a fait naître des êtres vivants et connaissants : c'est la vérité empirique, le réel, le monde. Et pourtant, c'est une situation précaire, pour un être vivant que d'être debout sur l'une de ces boules innombrables qui flottent dans l'espace illimité, sans savoir d'où l'on vient ni où l'on va, d'être l'un quelconque de ces êtres innombrables, tous semblables, qui se pressent, se poussent et se bousculent sans cesse, naissant et s'effaçant aussi vite dans un temps sans commencement ni fin où rien ne perdure, sauf la matière toujours recommencée... » (27).
On note toutefois une différence (déjà relevée) entre le temps post-historique et celui de Schopenhauer : chez celui-ci le temps prétend à l'infini : il n'a ni commencement ni fin, il englobe l'éternité en ce sens que non seulement il est éternel, mais il reste éternellement pareil à lui-même. La conception posthistorique du temps, en revanche, part du fait qu'il y eu, jadis, ce que l'on pourrait appeler une histoire « véritable » : la période historique qui précède nécessairement, et par définition, l'époque posthistorique, se caractérisait par une conception qualitative du temps : la dynamique du « changement », qui fait de l'histoire un processus, y prédomine (contrairement à se qui se passe dans la posthistoire). La dynamique historique a pour corollaire une notion qualitative du temps car toute transformation historique, quelle qu'elle soit, est toujours considérée soit comme une ascension vers le mieux soit comme une progression vers le pire, bref comme une évolution ascendante ou déclinante. À tout temps historique s'attache une qualité particulière (28).
Cette perspective perd toute signification dans la posthistoire. Certes, l'on sait qu'une telle conception (très valable d'ailleurs) a pu jadis exister, mais l'on sait aussi qu'elle n'a plus aucun sens. Si la notion de temps chez Schopenhauer est « actuelle », cela veut dire qu'elle s'applique au présent et à l'avenir, pas au passé. Il n'en a pas toujours été ainsi, certes, et le temps a pu autrefois posséder une qualité historique propre, mais ce n'est plus le cas, et il en sera de même dans un avenir proche.
Il convient donc de relativiser la vision schopenhauerienne du temps afin de pouvoir l'actualiser. Or, même actualisée, cette vision peut avoir des effets paralysants : car si tout ce qui est décisif a déjà eu lieu et si toute évolution qualitative est impossible, que reste-t-il donc à faire dans la post-histoire ? Quels objectifs l'action humaine peut-elle encore valablement se fixer à une époque où les processus ont leur dynamique propre et où leur sens est préétabli ? Une réponse possible est peut-être la suivante : maîtriser les contingences et réduire la complexité au sein de systèmes sociaux donnés.
Conserver les bribes d'histoire dans le nivellement de la posthistoire
Ceux qui trouveront cette réponse un peu courte pourront toujours se souvenir de ce que disait Gehlen : ce n'est que lorsque la posthistoire sera accomplie que « mourra l'ancienne tradition historique, naguère encore vivante, et avec elle l’intérêt pour ce qui fut » (29). Tant que la posthistoire ne sera pas réalisée dans tous les domaines, aussi longtemps que nous serons dans la période de transition, il restera, selon Gehlen, un dernier impératif qui pourra servir de fil d'Ariane à l'action consciente et réfléchie : « On peut préserver sa dignité en soutenant ce qui ne doit pas sombrer, je veux dire la tradition historique et sociale. Faute de quoi, nous sommes des opportunistes, manchots de surcroît » (30). C'est cette « philosophie du pessimisme et du sérieux de l'existence » (31), ainsi qu'il définit lui-même sa pensée dans un autre ouvrage, qui amène Gehlen à lancer contre toute attente, le mot d'ordre du « Züruck der Kultur ! » (revenons à la culture) (32) : il n’est pas question de laisser un seul pouce de terrain aux résurgences du primitivisme.
Contrairement à une supposition hâtive et trompeuse, cet état d’esprit n’était pas étranger à Schopenhauer. En s’appréhendant comme sujet autonome à l’« époque de la vue-du-monde », l'homme occidental imprime sans cesse sa marque sur le monde. Il ne peut, malgré tout, sombrer dans un fatalisme aboulique ou dans une douillette quiétude. Schopenhauer le savait. Dans un essai sur les Grundzüge des gegenwärtigen Zeitalters (Traits fondamentaux de l'âge contemporain) de Fichte, il avait écrit : « la chose suprême dont l'homme est capable, c'est de ne pas baisser les bras mais de lutter, de lutter encore jusqu'à son dernier souffle... » (33).
► Hans-Cristof Kraus, Orientations n°11, 1989. (texte paru dans Etappe n°1, Bonn, 1988 ; tr. fr. : J.L. Pesteil)
◘ Note du traducteur : Il faut relire, dans le sillage de ce texte de Hans-Christof Kraus, l'analyse pertinente de Guillaume Faye et de Patrick Rizzi, in : Nouvelle École n°39, 1982 (La culture de masse), pp. 11-20 : « Les micro-variations (événementielles) servent de masque et d'exutoire à un système globalement macro-stable ». Voir également, dans le même numéro, les articles de Christopher Lasch (traduit par Alain de Benoist) et de Régis Debray.
◘ Notes :
- (1) Martin Heidegger, Holzwege, 6ème éd., Francfort, 1980, p.86.
- (2) Ibidem, p. 87.
- (3) Ibidem, p. 89.
- (4) Arthur Schopenhauer, Œuvres en 10 volumes, éd. de Zurich, 1977, vol. 1, p. 29 (abrégé ci-après en EZ).
- (5) op. cit., vol. II, p. 368.
- (6) Cf. not. S. Freud, Gesammelte Werke, Francfort, 1947, vol. XII, p. 117 ; A. Gehlen, « Die Resultate Schopenhauers », in : Gedächtnisschrift für Arthur Schopenhauer zur 150. Wiederkehr seines Geburtstages, hrsg. von Carl August Emge & Otto von Schweinichen, Berlin, 1938, not. p. 101 sq.
- (7) Georg Wilhelm Friedrich Hegel, Grundlinien der Philosophie des Rechts, hrsg. von Johannes Hoffmeister, 4. Aufl., Hamburg, 1955, p. 17 (Vorrede)
- (8) Cf. note n°6, p. 118.
- (9) Schopenhauer, EZ 1, p. 309 sq.
- (10) Ibidem I, p. 309.
- (11) Ibidem I, p. 236.
- (12) Ibidem I, p. 237 ; à comparer avec p. 311 ss.
- (13) Ibidem IV, p. 521.
- (14) Ibidem II, pp. 345 sq.
- (15) Ibidem IV, p. 519.
- (16) Ibidem II, pp. 354 sq.
- (17) A. Gehlen, Studien zur Anthropologie und Soziologie, Neuwied, Berlin, 1963, pp. 314 sq.
- (18) Inutile de s'arrêter plus longuement au problème soulevé ici, à savoir que toute réception d'idées philosophiques procède par sélection : Schopenhauer ne fait pas exception à la règle, lui qui a adapté, en le recevant, l'héritage kantien et platonicien. Une telle démarche est d'ailleurs inévitable. Sinon, comment une pensée vraiment créatrice serait-elle possible ?
- (19) Cf. Gehlen (note 17), pp. 246, 323 et 344 ; du même : Einblicke, Francfort 1975, pp. 126, 131 sq.
- (20) Gehlen, Studien zur..., (note 17), p. 323.
- (21) Gehlen, Einblicke, (note 19), p. 119.
- (22) Ibidem p. 122.
- (23) Ibidem p. 125.
- (24) Gehlen, Studien zur..., (note 17), p. 321.
- (25) Roderick Seidenberg, Posthistoric Man - An Inquiry, Boston, 1957, pp. 55 sq.
- (26) Ibidem p. 56 ; Seidenberg lui aussi employait déjà le terme de « cristallisation », cf. ibid. pp. 135, 178 sq.
- (27) Schopenhauer, EZ III, p. 9.
- (28) Nous n’aborderons pas plus en détail, dans le contexte de cet article, la question importante qui vient immédiatement à l’esprit, de la situation historique spécifique à partir de laquelle l’on attribue une qualité au temps, ainsi que des critères de cette attribution.
- (29) Gehlen, Einblicke, (note 19), pp. 127 et 133.
- (30) Ibidem p. 133.
- (31) Arnold Gehlen, Anthropologische Forschung, Reinbek bei Hamburg, 1961, p. 59.
- (32) Ibidem p. 60.
- (33) Arthur Schopenhauer, Der handschriftliche Nachlaß, hrsg. von Arthur Hübscher, München, 1985, Bd. ll, p. 345.
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jeudi, 14 octobre 2010
Ludwig Woltmann: la obsesion por la hegemonia germanica
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mercredi, 13 octobre 2010
Nietzsche contra Wagner - Etica contra estética
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jeudi, 07 octobre 2010
Les origines du communisme expliquent bien des choses
Les origines du communisme expliquent bien des choses
Pour plusieurs générations, et depuis un siècle, le mot communisme n'a eu de sens que pour désigner les disciples du prophète du British Museum. Plus précisément encore, parmi eux, il désigne ceux qui, à la suite de Lénine et de Trotski, ont choisi la violence "accoucheuse de l'Histoire". Tous les sympathisants de cette interprétation du marxisme professent, comme chacun devrait le savoir, un profond mépris pour la sociale démocratie. (2)
La même année, où le livre de Sudre était publié (3) paraissait le fameux Manifeste communiste. Il était écrit par Marx et Engels, à la demande d'une petite organisation révolutionnaire. Celle-ci s'appelait initialement la ligue des Justes. Or cette quasi secte prétendra dès lors rompre avec la grande tradition de l'utopie communiste, celle que Marx appelle dédaigneusement "socialisme utopique".
On sait la suite. Ou plutôt on croit la connaître. Car l'expérimentation marxiste puis léniniste ne fait que confirmer toute l'Histoire de l'Utopie ; elle n'en forme que la continuation.
Alfred Sudre en suit la trame, à partir du Platon de "La République", admirateur des institutions de Sparte et de la Crète. Dès l'échec de sa propre théorie, lui-même la remet en cause.
Il examine ensuite toutes les hérésies, folies, et autres aventures sectaires du Moyen Âge et de la Renaissance. Certaines, à tort, et Alfred Sudre le démontre, ont été accusées, – y compris les chrétiens de l'Antiquité tardive, y compris certains ordres monastiques, et aussi les cathares, – de vouloir l'abolition de la propriété privée. D'autres ont bel et bien préfiguré le bolchevisme. Ainsi les anabaptistes de Münzer, responsables de la terrible Guerre des paysans qui ravagea l'Allemagne du sud au XVIe siècle, propageront leur pestilence jusqu'en Amérique.
De même, l'Utopie de Thomas More, apparue en 1516 en Angleterre, contient en germe toutes les idées subversives ultérieures. Marx ne leur donnera qu'un vernis de théorie économique. Son apparente pertinence se veut tirée des fondateurs classiques de cette discipline : Adam Smith et David Ricardo. Le co-auteur du Manifeste lui-même reconnaît que sa pensée tend à associer l'économie anglaise, la philosophie dialectique allemande et ce qu'il considère comme le socialisme français.
Ce mot de "socialisme" est en effet apparu en France au XIXe siècle. Il revient à Pierre Leroux, auquel Alfred Sudre consacre son dernier chapitre de lui avoir donné en 1834 sa signification contemporaine.
Les représentants de celui-ci se trouvent particulièrement actifs, aux côtés de "communistes" et utopistes plus caractérisés, comme Cabet et Fourrier dans les milieux révolutionnaires français. Et ces derniers vont, précisément en cette même année 1848, où toute l'Europe est secouée d'une vague de révolutions, les unes nationales, les autres républicaines, mettre l'accent, d'une façon toute particulière sur la dimension sociale des événements. Ce dernier point, combiné avec d'autres intentions philosophiques, conférera au marxisme tel que nous l'avons connu, tel qu'il subsiste malheureusement encore dans une partie résiduelle de l'intelligentsia, son apparence d'originalité
De nos jours, 20 ans après l'effondrement du "communisme", le sens que le XXe siècle donnait à ce mot se trouve peu à peu oublié. Cette chose, ce fait sociologique que Jules Monnerot décrira en 1949 comme "l'entreprise" (3) marxiste-léniniste, ose dire de la dictature de son "parti" qu'elle correspond à celle du "prolétariat".
Il peut donc sembler à certains que rien de bien nouveau ne soit apparu dans la sphère des idées.
Auteur de cette "Histoire du communisme" avant Marx, Alfred Sudre montre à vrai dire la permanence, depuis l'Antiquité grecque et le Moyen Âge européen de deux familles de doctrines sociales dans l'Histoire des idées. Elles se sont affrontées, de tous temps, depuis "la République" de Platon.
Face à ceux qui, très majoritaires, reconnaissent le droit de propriété, s'affirment les partisans de la communauté. Les intéressées apprécieront beaucoup, de nos jours, que cette dernière doctrine consistât le plus souvent en la mise en commun, par les hommes, des biens mais aussi des femmes, considérées comme leur appartenant.
Parmi les mérites de cet ouvrage, on lui doit aussi un chapitre particulièrement passionnant, résumant les aspects les plus radicaux de l'œuvre de Pierre-Joseph Proudhon pour qui j'ai toujours éprouvé une grande tendresse. Alfred Sudre nous permet de retrouver des citations réjouissantes. Quand il aborde le point de vue de l'économiste, Proudhon devient lumineux, presque irréfutable.
Ici j'en choisirais une seule (4):
"Le communisme, pour subsister, supprime tant de mots, tant d'idées, tant de faits, que les sujets formés par ses soins n'auront plus le besoin de parler, de penser, ni d'agir : ce seront des huîtres attachées côte à côte, sans activité ni sentiment, sur le rocher de la fraternité. Quelle philosophie intelligente et progressive que le communisme !"… mais je ne voudrais pas déflorer ce que le livre souligne par ailleurs.
Oui, les origines du communisme expliquent bien des choses.
JG Malliarakis
Apostilles
- Jusqu'au 15 octobre les lecteurs de l'Insolent peuvent commander directement ce livre de 459 pages proposé en souscription au prix franco de port de 18 euros. Il sera ultérieurement commercialisé au prix de 25 euros.
- On retrouve la trace d'un tel dédain à l'époque de la refondation du "nouveau" parti socialiste (c'est-à-dire de l'actuel), de son congrès fondateur d'Epinay, et du programme commun de 1972 rédigé par Jean-Pierre Chevènement. À noter que dès 1976, ce dernier osera assurer que "si le Général [De Gaulle] était vivant, il soutiendrait le programme commun de la gauche."
- Son sous-titre original le présente comme une "réfutation historique des utopies socialistes". Très rapidement épuisé, cet ouvrage reçut en mai 1849 le prix Montyon décerné l'Académie française et fit l'objet cette année-là d'une seconde édition aux dépens de Victor Lecou, rue de Bouloi, imprimé par Gustave Gratiot, rue de la Monnaie. Quoique réimprimé depuis, dans divers pays non-francophones, par procédé "anastatique", il avait été, durant des décennies, superbement ignoré de l'édition et plus encore des bibliographies parisiennes.
- Cf. sa "Sociologie du communisme" où, caractérisant cette aventure révolutionnaire il y voit (Tome Ier) "l'islam du XXe siècle"
- Cf. "Histoire du communisme avant Marx" par Alfred Sudre page 356.
Vous pouvez entendre l'enregistrement de cette chronique
sur le site de Lumière 101
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mardi, 05 octobre 2010
Schopenhauer, philosophe de la volonté
Schopenhauer, philosophe de la volonté et archétype du solitaire méprisant la politique
Baal MÜLLER :
Il y a 150 ans mourrait Arthur Schopenhauer
« L’absence d’esprit prend toutes les formes pour se dissimuler : elle se camoufle en pathos, en emphase ; elle prend le ton de la supériorité et se donne des grands airs et tout cela de cent autres façons »
Arthur Schopenhauer (1788-1860).
La philosophie allemande classique du 19ème siècle peut se subdiviser, grosso modo, en deux courants majeurs qui, tous deux, commencent avec Kant. Celui-ci avait accompli dans sa « Critique de la raison pure » une « révolution copernicienne » passant ainsi de l’ontologie à la théorie de la connaissance ; il avait aussi affirmé que la capacité humaine de connaître était intrinsèquement liée aux formes de la représentation que sont le temps et l’espace, d’une part, les douze catégories de la raison, d’autre part, parmi lesquelles le principe de causalité. Pour faire en sorte que la raison ne produise pas elle-même ces propres objets, Kant s’était vu contraint d’accepter une « chose en soi » transcendantale, qui, pour le sujet connaissant, n’était pas connaissable au-delà de cet appareil fonctionnel.
Côté subjectif de ce monde coupé en deux par Kant, nous trouvons vers 1800 la philosophie idéaliste, qui culminera dans les grands systèmes de Hegel et de Schelling, puis, sous le signe du matérialisme, sera poursuivie par Marx et Engels. L’autre courant est moins visible, il est plutôt souterrain et cherche à saisir la face objective, en dépit de la césure kantienne. Ce courant-là commence avec Arthur Schopenhauer et nous amène, au-delà de Nietzsche, vers la modernité, une modernité qui n’est pas seulement philosophique.
Schopenhauer, né le 22 février 1788 à Danzig dans le foyer d’un négociant, est un penseur et une personnalité de la transition. Selon la tradition philosophique allemande, et surtout selon cet idéalisme allemand contre lequel il engage la polémique, Schopenhauer participe lui aussi à cette volonté de systématiser, c’est-à-dire de chercher à expliquer les principes métaphysiques du monde en un seul ouvrage : en effet, c’est ce qu’il tentera de faire dans son ouvrage principal, « Die Welt als Wille und Vorstellung » (= « Le monde comme volonté et comme représentation »), dont le premier volume paraît dès 1819 et dont le second ne paraitra qu’en 1844. Il amorce ses réflexions au départ du principe fondamental de Kant, celui de la subjectivité de la faculté de connaître, et le soumet à une métaphysique volontariste, dans la mesure où il identifie la « chose en soi » avec la volonté, qu’il interprète comme une pulsion d’existence, agissant derrière tous les phénomènes. Contrairement à l’usage habituel, il entend la volonté comme un principe irrationnel, que l’on n’expérimente pas seulement lorsque l’on procède à une analyse introspective de soi et, partant, comme une pulsion vitale et sexuelle, mais qui se manifeste, compénétrante, à travers la nature toute entière voire aussi dans le déroulement causal non vivant.
En dépit du caractère universel de la volonté qui se combat elle-même éternellement par le truchement des phénomènes qu’elle génère et qui détermine ainsi tout élan individuel de volonté, comme l’explique Schopenhauer dans un écrit de 1839, qui lui vaut un prix de la Société Royale Norvégienne des Sciences, et qui a pour titre « Über die Freiheit des menschlichen Willens » (= « De la liberté de la volonté humaine »), eh bien, en dépit de cela, il existe tout de même deux portes dérobées par lesquelles l’homme peut se dégager de la souffrance que lui inflige le monde : l’une est constituée par la morale, l’autre par l’esthétique. Par empathie avec les autres créatures souffrantes, l’homme peut dépasser son isolement apparent et reconnaître la même volonté de vivre (et en fin de compte se reconnaître lui-même) en tous les autres êtres, ce que Schopenhauer exprime par les mots « tat twam asi » (« cela, tu es »), empruntés aux Upanishads de l’Inde ancienne. Dans son éthique de la compassion, qu’il explicite dans « Über das Fundament der Moral » (= « Du fondement de la morale »), il se tourne, de manière radicale, contre l’impératif catégorique de son maître Kant, dont il mésinterprète l’appel à toujours penser aux conséquences de sa propre action pour l’universalité (pour la chose publique), comme une obligation à se soumettre à une pensée obéissante à l’autorité. Tout anti-étatiste pourrait, en se soumettant à une telle pensée, considérer que les lois ne sont que contraintes et non par autant de formules dont la validité est universelle.
L’autre échappatoire vers le paradis (toutefois sans Dieu) est la « contemplation détachée de tout intérêt » qu’offre la contemplation esthétique : en jouissant d’une œuvre d’art, surtout une œuvre musicale, l’homme peut aussi dépasser le « principium individuationis » et s’unir au fond cosmique de l’univers.
Schopenhauer comme précurseur de la psychanalyse freudienne
Aujourd’hui on ne juge pas tant l’importance de Schopenhauer à la teneur de ses principales idées philosophiques qu’à ses multiples influences postérieures. De son vivant, son ouvrage principal n’a quasiment pas été pris en considération. Il a fallu attendre le dernier tiers du 19ème siècle, donc après la mort de Schopenhauer, pour assister à une réception de son œuvre d’une rare intensité. Schopenhauer a amorcé ses réflexions philosophiques à l’époque dite des « Biedermeier » en Allemagne ; dans sa jeunesse, il a encore connu Goethe. Sa mère, Johanna Schopenhauer, écrivait des romans et tenait un salon littéraire à Weimar. Sa célébrité posthume, Schopenhauer la doit au fait qu’il fut un contemporain de Richard Wagner, dont « L’Anneau des Nibelungen » avait été fortement imprégné par la pensée de notre philosophe. Il la doit également à Friedrich Nietzsche qui, dans ses « Considérations inactuelles », évoque « Schopenhauer comme éducateur » et fait l’éloge de sa « volonté de vérité » et de son pessimisme héroïque. C’est justement au départ de cette réflexion nietzschéenne sur Schopenhauer qu’un filon s’amorce en direction de la critique révolutionnaire/conservatrice du vingtième siècle. En effet, l’archétype du solitaire et du précepteur oisif, méprisant la politique, se repère dans le philosophe grognon des « Considération d’un apolitique » de Thomas Mann. Celui-ci reconnaît encore sa dette à l’endroit de Schopenhauer dans quelques-uns de ces récits, dont la nouvelle « Tobias Mindernickel », où il traite de l’éthique de notre philosophe.
L’œuvre de Schopenhauer a eu un impact considérable sur des écrivains aussi importants que Hermann Hesse, Samuel Beckett et Thomas Bernhard. Dans l’univers des philosophes, l’impact a d’abord été moindre et ce sont, dans un premier temps, des figures marginales du monde universitaire du début du 20ème siècle qui se sont intéressées à lui : songeons à Georg Simmel et à Max Scheler qui, tous deux, font démarrer leurs réflexions à la suite de Schopenhauer. La plupart du temps, les philosophes universitaires l’ont considéré d’abord, et souvent à raison, comme un disciple original de Kant ou comme un précurseur de Nietzsche. Certes, il fut l’un des principaux précurseurs de Nietzsche mais il fut surtout l’une des principales figures anticipatrices de la psychanalyse. La réduction freudienne de la vie sentimentale à la pulsion sexuelle se retrouve, bien avant Freud, dans l’œuvre de Schopenhauer, et sans la moindre ambiguïté. Dans la conception schopenhauerienne de la volonté comme une puissance irrationnelle dépassant la conscience individuelle, nous trouvons les prémisses essentielles de l’inconscient collectif de Carl Gustav Jung.
Schopenhauer nous a transmis aussi la sagesse indienne, ce qui ne fut pas le moindre de ses mérites. Le premier contact qu’il a eu avec l’univers mental indien date de 1813, lorsqu’il séjournait à Weimar et qu’il y rencontra pour la première fois l’orientaliste Friedrich Majer, disciple de Herder. Sous l’influence des études de Majer, Schopenhauer finit par se considérer comme « le premier bouddhiste d’Europe ». Ainsi débuta l’histoire d’une méprise créatrice, comparable à l’interprétation quiétiste de l’antiquité classique, dont on vantait « la noble simplicité et la grandeur tranquille ». Les conséquences de cette méprise résident surtout dans une interprétation fausse du bouddhisme comme nihilisme, un nihilisme qui reposerait sur une rétention vis-à-vis de tout agir et verrait le but le plus élevé de l’existence dans une immersion dans le « néant ». On a vu l’effet de cette mésinterprétation du bouddhisme sévir dans la décennie qui suivit la Grande Guerre, où régnait une ambiance de déclin, comme, plus tard, dans la vogue bouddhiste qui se retrouve en Occident jusque aujourd’hui.
Petit bourgeois réactionnaire et ennemi des bourgeois étriqués
Schopenhauer est lié à son temps quand il exprime son système philosophique basé sur la volonté ; il l’est également dans l’insouciance relative dont il fait montre à l’endroit de toute recherche empirique, ainsi que dans sa prétention à pouvoir présenter une interprétation générale du monde qui sera à jamais irréfutable. Mais les impulsions qui partent de son œuvre pour aboutir à notre temps sont fort nombreuses. Parmi elles : son « habitus » non académique de philosophe artiste et de littérateur. Il y a aussi son attitude ambivalente face à la classe bourgeoise : d’une part, Schopenhauer est très nettement un petit bourgeois réactionnaire qui méprise la période prérévolutionnaire d’avant 1848, le « Vormärz » ; d’autre part, en tant que demi bohémien, il est un ennemi de la mentalité bourgeoise étriquée (le « Spiessertum »), qui se manifeste surtout dans l’institution du mariage, cible de sarcasmes perpétuels pour ce misogyne grognon et animé par ses pulsions. Pour s’assurer un certain équilibre émotionnel, notre célibataire endurci s’est flanqué pendant toute sa vie d’un compagnon canin, un caniche : dès que l’un de ces animaux favoris mourrait, il s’en procurait un nouveau qu’il baptisait invariablement « Atman », comme tous ses prédécesseurs. Ce nom signifiait en sanskrit « souffle de vie » ou « âme individuelle », car, croyait-il, il y avait, actif, dans chaque caniche un seul et même principe de vie, le « Pudels Kern », le « noyau du caniche ».
Arthur Schopenhauer meurt le 21 septembre 1860, comme un vieil original, peu célèbre et bizarre, à Francfort sur le Main, ville où, après ses années de pérégrination et d’études, il s’était fixé pour y passer la seconde moitié de sa vie. Quelques années après son passage de vie à trépas, Léon Tolstoï le nomme « le plus génial de tous les hommes ».
Baal MÜLLER.
(article paru dans « Junge Freiheit », Berlin, n°38/2010 ; http://www.jungefreiheit.de/ ).
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jeudi, 09 septembre 2010
Johann Nepomuk Ringseis (1785-1880)
Archives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1991
Robert STEUCKERS:
RINGSEIS, Johann Nepomuk 1785-1880
Né le 16 mai 1785 à Schwarzhofen en Bavière, le jeune Ringseis, très tôt orphelin, fréquentera l'école abbatiale des Cisterciens à Walderbach, puis le séminaire d'Amberg, avant de commencer des études de médecine en 1805 à Landshut sous la direction d'Andreas Röschlaub, dont il deviendra l'assistant. Influencé par les Lumières lors de sa première année d'étude, Ringseis se dégage vite du rationalisme étroit sous l'influence des idées de Stolberg et des écrits de Baader et des romantiques (surtout Joh. Mich. Sailer). Les mesures de confiscation des biens d'église en Bavière, dues à l'influence française, le choquent, le révoltent et ancrent définitivement ses convictions anti-révolutionnaires . Ringseis entame une brillante carrière médicale; philosophes célèbres, membres de la famille royale bavaroise sont ses patients attitrés. Plusieurs séjours en Italie avec le Kronprinz de Bavière contribuent à conforter son catholicisme. Quand le prince héritier, devenu Louis Ier, monte sur le trône en 1825, Ringseis est nommé Obermedicinalrath (ce qui équivaut à Ministre de la santé), avec pour mission de réformer la médecine en Bavière. C'est dans le cadre de ces activités politico-médicales que paraît en 1841 son ouvrage le plus célèbre: System der Medizin. Avec l'appui du roi Louis Ier, Ringseis devient en quelque sorte le promoteur de la nouvelle université de Munich, où se télescoperont et se fructifieront mutuellement les idées protestantes et catholiques de l'époque. Son engagement ultramontain se précise. Entre 1848 et 1850, période agitée dans toute l'Europe, Ringseis participe à la vie politique bavaroise. En 1852, il quitte l'université pour marquer son désaccord avec les réformes envisagées mais y revient en 1855 et prononce un discours sur la nécessité de l'autorité dans les hautes sphères de la science. En 1872, à 87 ans, il quitte ses fonctions ministérielles. Il meurt à Munich le 22 mai 1880.
System der Medizin. Ein Handbuch der allgemeinen und speziellen Pathologie und Therapie; zugleich ein Versuch zur Reformation und Restauration der medicinischen Theorie und Praxis (System de la médecine. Manuel de pathologie et thérapie générales et spéciales; en même temps tentative de réformer et de restaurer la théorie et la pratique médicales) 1841
Les thèses principales de cet ouvrage très contesté dans les milieux médicaux du XIXième siècle sont: a) chaque organisme est dominé par un principe vital unitaire et individuel; b) la santé est l'état dans lequel ce principe domine seul; c) la maladie est l'état dans lequel ce principe ne domine plus seul mais est troublé par un élément étranger qu'il ne peut pas assimiler ni dominer; d) la guérison survient quand la force vitale, éventuellement soutenue par des médications, soumet et assimile le principe étranger entré dans le corps, l'élimine ou le maintient inoffensif; elle est complète quand la force vitale spécifique règne à nouveau seule dans l'organisme. Ce qui est pertinent dans cet ouvrage de médecine, c'est que Ringseis perçoit nettement la faiblesse des rationalismes issus du "satanique Descartes": ceux-ci imposent une logique qui ne vaut que pour les phénomènes extérieurs, dispersés et juxtaposés dans l'espace, et rejettent toutes formes de logique qui vaudraient pour les phénomènes intérieurs, qui s'emboîtent les uns dans les autres et se compénètrent mutuellement. Cette idée d'un "imbriquement quasi infini" (ein fast unendliches Ineinander) rejoint les critiques contemporaines des rationalités unilinéaires et unidimensionnelles, notamment les épistémologies philosophiques inspirées par les sciences physiques modernes de Heisenberg à Prigogine, de même que certaines audaces postmodernes.
(Robert Steuckers).
- Bibliographie complète, articles et discours universitaires et circonstantiels compris, dans E.R., "Johann Nepomuk Ringseis", Allgemeine Deutsche Biographie, 28. Band, Leipzig, Duncker & Humblot, 1889; comme textes principaux: Über den revolutionären Geist der deutschen Universitäten, Rectoratsantrittsrede, Munich, 1833; Manifest der bayerischen Ultramontanen, écrit anonyme, Munich, 1848; Über die Nothwendigkeit der Autorität in den höchsten Gebieten der Wissenschaft, Rectoratsantrittsrede, Munich, 1855 (2ième et 3ième éd. complétées, 1856); Über die naturwissenschaftliche Auffassung des Wunders, Munich, 1861; Über das Ineinander in den Naturdingen, texte publié par les Dr. Schmauß et Geenen dans Beilage zum Tagblatt der 36. Versammlung deutscher Naturforscher und Aertze in Speyer, 1861.
- En français: références in Georges Gusdorf, L'Homme romantique, Payot, 1984, pp. 273-277; Georges Gusdorf, Du néant à Dieu dans le savoir romantique, Payot, 1983, pp. 242-245.
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mardi, 07 septembre 2010
Lovecraft's Politics
Lovecraft’s Politics
To many of his admirers, the scariest things H. P. Lovecraft wrote were not about Cthulhu, they were about politics. But, as I hope to show, the politics of this master of looming, irrational, metaphysical horror are solidly grounded in reality and reason.
Lovecraft, like many of the literati who turned to Left- or Right-wing politics early in the 20th century, was concerned with the impact of capitalism and technology on society and culture. The economic reductionism of capitalism was simply mirrored by Marxism, both of them emanations of the same modern materialist Zeitgeist.
Beginning in the late 19th century, a pervasive discontent with materialism led to a search for an alternative form of society, including alternative foundations for socialism, which occupied Europe’s leading socialist minds like Georges Sorel. What emerged early in the 20th Century was variously called “neosocialism” and “planism,” the most prominent exponents of which were Marcel Deat in France and Henri De Man in Belgium. Neosocialism, in turn, influenced the rise of fascism.[1]
Neosocialists primarily feared that the material abundance and leisure promised by socialism would lead to decadence and banality unless joined to a hierarchical vision of culture and education.
This was, for instance, the focus of Oscar Wilde’s The Soul of Man under Socialism, which envisioned an individualistic socialism that liberated humanity from economic necessity to pursue self-actualization and higher cultural and spiritual activities, even if these consisted of nothing more than quietly contemplating the cosmos.[2]
Such concerns cannot be dismissed as effete dandyism. They were shared, for instance, by the famous Depression era New Zealand Labour politician John A. Lee, a one-armed hero of the First World War who more than any other individual tried to pressure the 1935 Labour Government into keeping its election pledges on banking and state credit.[3] In Lee’s words:
Joe Savage . . . sees socialism as piles of goods fairly equitably divided and work equitably divided. I am sure he never sees it as the opportunity to play football, get brown on a beach, dance a fox trot, lie on one’s back beneath the trees, enjoy the intoxication of verse, the perfume of flowers, the joys of a novel, the thrill of music.[4]
Lee envisioned a form of socialism that was not directed primarily towards “piles of goods and work equitably distributed” as an end in itself, but as the means of achieving higher levels of being.
These neosocialist concerns were also shared by the fascists and National Socialists. Combating the enervating and leveling effects of wealth and leisure, and edifying the characters and tastes of the masses were the goals of Dopolavoro in Fascist Italy and Strength Through Joy in National Socialist Germany, as disquieting as this thought may be to socialists of the Left.
While it seems unlikely that Lovecraft was aware of this ideological tumult in European socialism, he arrived at similar conclusions in some key areas.
Lovecraft, like other writers who rejected Marxism,[5] deemed both democracy and communism “fallacious for Western Civilization.”[6] Instead, Lovecraft favored:
. . . a kind of fascism which may, whilst helping the dangerous masses at the expense of the needlessly rich, nevertheless preserves the essentials of traditional civilization and leaves political power in the hands of a small and cultivated (though not over-rich) governing class largely hereditary but subject to gradual increase as other individuals rise to its cultural level.[7]
Lovecraft feared that socialism, like capitalism, would pave the way for universal proletarianization and the consequent leveling of culture. Thus he proposed instead full employment and the shortening of the work day through mechanization under the cultural guidance of an aristocratic socialist-fascist regime.
This again was probably a perceptive insight arrived at independently by Lovecraft, but it was very much a part of the new economic thinking of the time. In England, the Fabian-socialist review, The New Age, edited by guild-socialist A. R. Orage, became a forum for discussing Maj. C. H. Douglas’ “Social Credit” theory, which was proposed as an alternative to the debt finance system, with the issue of a “social credit” to all citizens through a “National Dividend” allowing the full value of production to be consumed. They also aimed at fostering mechanization to decrease work hours and increase leisure, which they thought would be conducive to the blossoming of culture. (These ideas have renewed relevance as the eight-hour workday, the long-fought gain of the early labor movement, is becoming a rarity.)
Both Ezra Pound and New Zealand poet Rex Fairburn were Social Crediters because they judged it the best economic system for the arts and culture.
Lovecraft was concerned at the elimination of the causes of social revolution, and he advocated the limitation of the vast accumulation of wealth, while recognizing the need to maintain wage disparities based on merit. His concern was the elimination of the “commercial oligarchs,”[8] which in practical terms was the purpose of Social Credit and of the neosocialists.
While regarding the primary goal of a nation to be the development of high aesthetic and intellectual standards, Lovecraft recognized that such a society must be based on the traditional social organization of “order, courage and endurance,” his definition of civilization being that of a social organism devoted to “a high qualitative goal” maintained by the aforesaid ethos.
Lovecraft thought the hierarchical social order best fitted to the practicalities of the new machine age was a “fascistic one.” The “demand-supply motive” would replace the profit motive in a state-directed economy that would reduce working hours while increasing leisure hours. The citizen could then be elevated culturally and intellectually as far as innate abilities allowed, “so that this leisure will be that of a civilized person rather than that of a cinema-haunting, dance-hall frequenting, pool-room loafing clod.”
Lovecraft saw no wisdom in universal suffrage. He advocated a type of neo-aristocracy or meritocracy, with voting rights and the holding of public office “highly restricted.” A technological, specialized civilization had rendered universal suffrage “a mockery and a jest.” He wrote that, “People do not generally have the acumen to run a technological civilization effectively.” This anti-democratic principle Lovecraft held to be true regardless of one’s social or economic position, whether as menial laborer or as an academic.
The uninformed vote upon which democracy rests, Lovecraft wrote, “is a subject for uproarious cosmic laughter.” The universal franchise meant that the unqualified, generally representing some “hidden interest,” would assume office on the basis of having “the glibbest tongue” and “the flashiest catch-words.”
His reference to “hidden interests” can only refer to his understanding of the oligarchic nature of democracy. This would have to be replaced by “a rational fascist government,” where office would require a prerequisite test of knowledge on economics, history, sociology and business administration, although everyone—other than unassimilable aliens—would have the opportunity to qualify.[9]
A year after Mussolini took power in 1922 Lovecraft wrote that, “Democracy is a false idol—a mere catchword and illusion of inferior classes, visionaries and dying civilizations.” He saw in Fascist Italy “the sort of authoritative social and political control which alone produce things which make life worth living.”
This was also why Ezra Pound admired Fascist Italy, writing “Mussolini has told his people that poetry is a necessity to the state.”[10] And: “I don’t believe any estimate of Mussolini will be valid unless it starts from his passion for construction. Treat him as artifex and all the details fall into place. Take him as anything save the artist and you will get muddled with contradictions.”[11]
Such figures as Pound, Marinetti, and Lovecraft viewed fascism as a movement that could successfully subordinate modern technological civilization to high art and culture, freeing the masses from a coarse and brutalizing commoditized popular culture.
Lovecraft thought the cosmos indifferent to mankind and concluded that the only meaning of human existence is to reach ever higher levels of mental and aesthetic development. What Sir Oswald Mosley called actualization to Higher Forms in his post-war thinking,[12] and what Nietzsche called the goal of Higher Man and the Overman,[13] could not be achieved through “the low cultural standards of an underdeveloped majority. Such a civilization of mere working, eating drinking, breeding and vacantly loafing or childishly playing isn’t worth maintaining.” It is a form of lingering death and is particularly painful to the cultural elite.
Lovecraft was heavily influenced by Nietzsche and Oswald Spengler.[14] He recognized the organic, cyclic nature of cultural birth, youthfulness, maturity, senility and death as the basis of the history of the rise and fall of civilizations. Thus the crisis brought to Western Civilization by the machine age was not unique. Lovecraft cites Spengler’s The Decline of The West as support for his view that civilization had reached the cycle of “senility.”
Lovecraft saw cultural decline as a slow process that spans 500 to 1000 years. He sought a system that could overcome the cyclical laws of decay, which was also the motivation of Fascism.[15] Lovecraft believed it was possible to re-establish a new “equilibrium” over the course of 50 to 100 years, stating: “There is no need of worrying about civilization so long as the language and the general art tradition survives.” The cultural tradition must be maintained above and beyond economic changes.[16]
In 1915 Lovecraft established his own political journal called The Conservative, which ran for 13 issues until 1923. The focus of the journal was defending high cultural standards, particularly in the field of Letters, but it also opposed pacifism, anarchism, and socialism and supported “moderate, healthy militarism” and “Pan-Saxonism,” meaning “the domination of English and kindred races over the lesser divisions of mankind.”[17]
Like the neosocialists in Europe, Lovecraft opposed the materialistic conception of history as being equally bourgeois and Marxist. He saw Communism as “destroying the zest for life” for the sake of a theory.[18] Rejecting economic determinism as the primary motive of history, he saw “natural aristocrats” arising from all sectors of a population regardless of economic status. The aim of a society was to substitute “personal excellence for that of economic position”[19] which is, despite Lovecraft’s declared opposition to “socialism,” nonetheless essentially the same as the “ethical socialism” propounded by Henri De Man, Marcel Deat et al. Lovecraft saw Fascism as the attempt to achieve this form of aristocracy in the context of modern industrial and technological society.
Lovecraft saw the pursuit of “equality” as a destructive rationale for “an atavistic revolt” against civilization by those who are uneasy with culture. The same motive was the root of Bolshevism, the French Revolution, the “back to nature” cult of Rousseau, and the 18th Century Rationalists. Lovecraft saw that the same revolt was being taken up by “backward races” under the leadership of the Bolsheviks.[20]
These views are clearly Nietzschean, but they even more specifically resemble those of The Revolt Against Civilization: The Menace of the Underman[21] by the then popular author Lothrop Stoddard, whose work would certainly have attracted Lovecraft, with his concern for the maintenance and rebirth of civilization and rejection of leveling creeds.
Although Lovecraft rejected egalitarianism, he did not advocate a tyranny that represses the masses for the benefit of the few. Instead, he viewed elite rule as a necessary means for achieving the higher goals of cultural actualization. Lovecraft wished to see the elevation of the greatest number possible.[22] Lovecraft also rejected class divisions as “vicious,” whether emanating from the proletariat or the aristocracy. “Classes are something to be gotten rid of or minimized—not to be officially recognized.” Lovecraft proposed to replace class conflict with an integral state that reflected the “general culture-stream.” Between the individual and the state would exist a two-way loyalty.
Lovecraft regarded pacifism as an “evasion and idealistic hot air.” He declared internationalism “a delusion and a myth.”[23] He saw the League of Nations as “comic opera.”[24] Wars are a constant in history and must be prepared for via universal conscription.[25] Historically war had strengthened the “national fiber,” but mechanized warfare had negated the process; in fact the mass technological destruction of the First World War was widely recognized as dysgenic. Nonetheless the European, and specifically the Anglo-Saxon, must maintain his supremacy through firepower, for “a foeman’s bullet is sweeter than a master’s whip.”[26] However, as one might expect from an anti-materialist, Lovecraft repudiated the typical modern cause of warfare, that of fighting for mercantile supremacy, “defense of one’s own land and race [being] the proper object of armament.”[27]
Lovecraft saw Jewish representation in the arts as responsible for what Francis Parker Yockey would call “culture distortion.” New York City had been “completely Semiticized” and lost to the “national fabric.” The Semitic influence in literature, drama, finance, and advertising created an artificial culture and ideology “radically hostile to the virile American attitude.” Like Yockey, Lovecraft saw the Jewish Question as a matter of an “antagonistic culture-tradition” rather than as a difference of race. Thus Jews could theoretically become assimilated into an American cultural tradition. The Negro problem, however, was one of biology and must be recognized by maintaining “an absolute color-line.”[28]
This brief sketch is sufficient, I think, to show that H. P. Lovecraft belongs among an illustrious list of 20th century creative geniuses—including W. B. Yeats, Ezra Pound, D. H. Lawrence, Knut Hamsun, Henry Williamson, Wyndam Lewis, and Yukio Mishima—whose rejection of materialism, egalitarianism, and cultural decadence caused them to search for a vital, hierarchical alternative to both capitalism and communism, a search that led them to entertain and embrace proto-fascist, fascist, or National Socialist ideas.
Notes
[1] Zeev Sternhell, Neither Left Nor Right: Fascist Ideology in France (Princeton: Princeton University Press, 1986).
[2] Oscar Wilde, The Soul of Man Under Socialism, 1891.
[3] After the tour of C. H. Douglas to New Zealand, the banking system and usury were very well understood by the masses of people, and banking reform was a major platform that achieved Labour’s victory. As it transpired, they attempted to renege, but Lee succeeded in getting the Government to issue 1% Reserve Bank state credit to build the iconic and enduring State Housing project that in one fell swoop reduced unemployment by 75%. Lee soon became a bitter opponent of the opportunism of the Labour politicians. However the state credit, albeit forgotten by most, stands as a permanent example of how a Government can bypass private banking and issue its own credit.
[4] Erik Olssen, John A. Lee (Dunedin, New Zealand: University of Otago Press, 1977), p. 66.
[5] K. R. Bolton, Thinkers of the Right (Luton: Luton Publications, 2003).
[6] H. P. Lovecraft: Selected Letters, ed. August Derleth and James Turner (Wisconsin: Arkham House, 1976), Vol. IV, p. 93.
[7] Selected Letters, vol. IV, p. 93.
[8] Selected Letters, vol. V, p. 162.
[9] Selected Letters, vol. IV, pp. 105–108.
[10] Quoted by E. Fuller Torrey, The Roots of Treason (London: Sidgwick and Jackson, 1984), p. 138.
[11] Ezra Pound, Jefferson and/or Mussolini, 1935 (New York: Liveright, 1970), pp. 33–34.
[12] Oswald Mosley, Europe: Faith and Plan (London: Euphorion, 1958), “The Doctrine of Higher forms,” pp. 143–47.
[13] Friedrich Nietzsche, Thus Spoke Zarathustra (Middlesex: Penguin Books, 1975), “The Higher Man,” pp. 296–305. A glimpse of Nietzschean philosophy is alluded to in Lovecraft’s “Through the Gates of the Silver Key” where Carter discerns words from beyond the normal ken: “‘The Man of Truth is beyond good and evil,’ intoned a voice. ‘The Man of Truth has ridden to All-Is-One…’” (Lovecraft, The Dream Quest of Unknown Kadath [New York: Ballantine Books, 1982], “Through the Gates of the Silver Key,” p. 189).
[14] Oswald Spengler, The Decline of The West, 1928 (London: George Allen and Unwin, 1971).
[15] “Fascism . . . was a movement to secure national renaissance by people who felt themselves threatened with decline into decadence and death and were determined to live, and to live greatly.” Sir Oswald Mosley, My Life (London: Nelson, 1968), p. 287.
[16] Selected Letters, vol. IV, p. 323.
[17] H. P. Lovecraft, “Editorial,” The Conservative, vol. I, July 1915.
[18] Selected Letters, vol. IV, p. 133.
[19] Selected Letters, vol. V, pp. 330–33.
[20] Selected Letters, vol. V, p. 245.
[21] Lothrop Stoddard, The Revolt of Against Civilization: The Menace of the Underman (London: Chapman and Hall, 1922).
[22] Selected Letters, vol. IV, pp. 104–105.
[23] Selected Letters, vol. V, pp. 311–12.
[24] Selected Letters, vol. IV, pp. 15–16.
[25] Selected Letters, vol. IV, p. 22.
[26] Selected Letters, vol. IV, pp. 311–12.
[27] Selected Letters, vol. IV, p. 31.
[28] Selected Letters, vol. IV, pp. 193–95.
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